L'improbable salaire
J’ai perçu du néant l’improbable salaire ;
Dans l’au-delà des cieux il n’est d’autre élément
Que l’ange aux yeux rieurs éloigné du tourment,
Alors qu’en mon cœur point une ardente colère !
Ne vois-tu se lever l’heure crépusculaire ?
Où jadis se brisa le verbe si charmant
Des redresseurs de tort au propos alarmant,
Prisonniers d’un courroux qu’on croit tentaculaire !
La nuit livide tombe, il faut déjà partir,
Aux accents de ce mal l’être se fait martyr,
Pieuse inflexion dedans un corps difforme !
Jadis sous mes pieds nus le chaos remuait,
Angoisse d’un moment inabolie, énorme,
Quand la douleur me pousse à devenir muet !
L'inoubliable feu
J’ai suivi désormais l’étoile qui se farde,
Pareille à ce jeune homme énamouré du temps
Qui de sa belle lit des mots intermittents,
Projetant du réel la lumière blafarde !
Ô le tableau des chairs où le rayon s’attarde,
Ce projet idéal vers qui déjà tu tends,
Toi si rêveur encor, aux blasphèmes latents,
Le fer à la charrue et pour nous la camarde !
Voici sur l’horizon ces visages hideux,
Quand le songe et le vrai s’opposent tous les deux,
Rejetant le propos au niveau de la farce !
Mais voilà qu’au levant apparaît l’être aimé,
Comme un feu sibyllin jailli de l’ombre éparse,
Abîme intemporel par l’azur embaumé !
Amour
Abandonné d’un Ciel que nul ne peut abstraire,
J’ai connu bien des lieux sans me désaltérer,
Cherchant partout, en vain, où pouvoir demeurer,
Avant que Son cher Fils ne devienne mon frère !
Considère du Mal l’effroyable arbitraire ;
À bien y réfléchir il nous faudrait errer
Sur les chemins d’un monde où l’on doit figurer,
En quête d’un bonheur si vain car temporaire !
Ami ne tarde plus mais regarde à la Croix,
Et tends ainsi la main au plus puissant des rois,
Afin qu’un grand soleil succède à l’ignorance !
L’homme a besoin d’Amour en ces temps de la fin,
Même dans la contrée où croît l’indifférence :
Lui seul apaisera son éternelle faim !
Par-delà les barreaux
Combien de souvenirs blottis sous ma paupière !
Rassasiée un jour tu pleuras à demi,
Au temps où le désir qui semblait endormi
Illuminait le ciel et mon regard de pierre !
Cependant le bonheur n’embrasait l’équipière
Et Cupidon blessé, par nos vœux affermi,
Avait beaucoup de mal à cheminer parmi
Les morceaux de chagrin qu’on taillait en croupière !
Mais une ombre planait au-dessus du charnier,
Quelqu’ange évanescent retenu prisonnier,
Berçant son doux sourire en l’admirable nue !
Aussi j’ai donc jeté par- delà les barreaux
Ces tracas et soucis que le charme atténue :
Dans la quête amoureuse il n’est plus de bourreaux !
Aux esprits en prison
Après la mort en croix aux allures funèbres,
Toi le sublime Maître en la divinité,
Dans l’enfer éternel Tu fus un temps jeté,
Pour rendre témoignage aux esprits des ténèbres !
Dessus le bois vengeur ont craqué Tes vertèbres
Mais au troisième jour Dieu T’a ressuscité,
Comme on va de l’hiver à la saison d’été,
Pénétrant à jamais dans les sphères célèbres !
Même si le romain semble sortir vainqueur,
D’un singulier combat où triomphe le cœur,
Ton doux regard de braise est plus fort que le glaive !
Voici le Fils aimant par le Père conduit,
Pareil à cet agneau qui tendrement se lève,
Et dont le Sang si pur nous arrache à la Nuit !
Talitha Koumi !
De la Croix du Salut, le Sang précieux coule ;
Des anges assemblés au magistral chorus
Récitent quelques vers écrits sur papyrus,
Sur la nue inquiète on sent mourir la houle !...
…Or voici le Seigneur quittant soudain la foule !
Mais où donc s’est enfui l’enfant de Jaïrus ?
Aurait-il contracté quelqu’étrange virus ?
Lorsque le corps se glace, au jour où tout s’écroule !
En s’approchant Il voit le faciès endormi
Et lui dit fermement : « ô talitha koumi ! »,
Quand l’esprit immortel jaillit hors de la tombe !
Si tu perçois un bruit te déchirant le cœur,
Effrayé par le mal qui se lève et retombe,
Sache que le vrai Dieu se révèle vainqueur !
Frémissements
Exister quelques temps puis un jour disparaître,
Voilà bien le constat que l’on peut formuler,
Au moment où la mort se plait à refouler
Le corps sous d’autres cieux où l’on doit comparaître !
Ô le crime innocent que le drame perpètre !
J’ai vu sur l’horizon bien des esprits hurler
Ce dilemme vital que rien ne peut troubler :
Trouver la paix du cœur ou subir le mal-être !
L’un discerne l’enfer à l’abord effrayant,
Et l’autre se prosterne alors en le voyant ;
Il n’est d’autre clarté que celle de la tombe !
D’aucuns pensent qu’il faut mettre une marque au front
Pour contenir ce mal qui se dresse et retombe ;
Mais les élus divins de bonheur frémiront !
Fausse route
Ô toutes les vertus que la charité prône !
De notre humanité l’on veut sonder le fond ;
Ne cherchons pas amis le mal se veut profond :
Le moi religieux est encor sur le trône !
N’obtenant de réponse, alors jette l’icône !
Celle qui dans ton oeil ne passe le plafond,
Croyances d’un instant te laissant infécond :
Tu regardes en l’air, te voilà sans ozone !
Et rien ne vient ôter cet amas de douleur,
Même pas les soupirs de ton esprit railleur,
Aspiré par le flot qui te berce sur l’onde !
Tu te prives ainsi des grâces du Vivant,
Comme un grand conquérant se refusant au monde,
Un Colomb impromptu tributaire du vent !
La volonté du Maitre
Le tourment me saisit au plus profond de l’être :
Mon temps va s’achever, j’ai si peur de la mort,
Ô mon Dieu qui viendra m’affranchir de ce sort ?
Alors envoie un ange afin d’en rien paraître !
Mais nul ne peut fléchir la volonté du Maître :
Me faudra-t-il déchoir avant de voir le Port ?
Ce lieu de tous les temps où le séraphin dort ;
Au tribunal de Christ devrais-je comparaître ?
Une voix dans la nue à présent me répond :
« Veux-tu donc M’enseigner ce qui te correspond ?
Moi le grand Créateur vivant dans la lumière ! »…
…Et voici donc qu’Il fut pour nos erreurs puni,
Lui le seul bannissant la larme à la paupière,
Déclenchant de ce fait un bonheur infini !
Chaos et délivrance
De mon œil incisif le chaos je contemple !
Tu me parles d’un Dieu mais où demeure-t-Il ?
Parmi les flots amers de concepts en péril ?
Dans des lieux réservés, mosquée, église, temple !
D’aucuns pensent qu’Il fut châtié pour l’exemple,
Apôtre transcendant au discours si subtil,
Décrété paria par ses frères d’exil,
Combattant d’un Salut souverainement ample !
Nenni, mes compagnons, le Christ est dans le cœur
De chaque individu le proclamant vainqueur,
Avec dans le regard la vigueur d’une flamme !
Laissons donc au fourreau tous ces miroirs hideux
Que le Sauveur referme au plus profond de l’âme,
Quand nous allons rêveurs sous le ciel tous les deux !
Les jours mauvais
Le mal nous a frappés, épreuve surhumaine :
Combien mon âme est triste en ces jours si mauvais,
De fenêtre en miroir péniblement je vais,
Et rien ne me convainc dans cette morne plaine !
Pour ses frères de sang l’on ne conçoit de haine,
Mais il faut préserver ce corps que l’on revêt
De masques et de gants présents sur le chevet ;
L’ombre devient pesante et la coupe bien pleine !
Et toi bouillant lecteur resteras-tu vivant ?
Même si le virus se dissout dans le vent ;
Tu trouves désormais le côté noir du rire !
À l’heure où le chaos se répand en tout lieu,
Néant originel impossible à proscrire,
L’homme désabusé se tourne alors vers Dieu !
Le dernier voyage
Me voici donc paré pour le dernier voyage !
Lors même que le front se couvre de sueur,
Sur un regard livide où point une lueur ;
Que trouverai-je ami tout au bout de mon âge ?
Ô qu’il fait bon jeter l’ancre sur ton rivage !
Mais parmi les humains le mal se fait tueur,
Et l’être inconséquent s’érige en pollueur :
Faudra-t-il parcourir l’univers à la nage ?
Patients, insoumis, chacun suit son devoir,
Propageant le virus sans s’en apercevoir,
Jusqu’au passant qui vit prostré dans les étoiles !
À la porte des jours le pécheur frappe enfin,
Et le monde céleste apparaît sous les voiles :
On voit distinctement voler le séraphin !
La foi
Éprouve tout propos, comme le dit l’apôtre ;
La foi serait un don, je n’en disconviens pas,
Il suffit de placer ton soulier dans Ses pas,
Lors que l’ivraie affleure au milieu de l’épeautre !
Mieux que dire sans fin l’ultime patenôtre,
Pareil à ce marin naviguant sans compas,
Qui trouve dans les flots un singulier trépas,
Il te faut activer ce Salut qu’on fait nôtre !
Demande au Dieu puissant de sortir de prison,
Discipline ton moi pour gagner l’horizon,
Et sortir de ce fait du chaos où nous sommes !
Parmi les vains discours la fausseté reluit,
Pièges de la pensée où l’essence des hommes
Se prosterne et succombe au hasard de la nuit !
Souvenirs
Ô femme d’un instant ton souvenir me hante ;
En recherchant toujours le plaisir animal,
J’ai fini, semble-t-il, par déroger au mal
Qui ruisselle des yeux et dont le cours serpente !
Lorsqu’on aura quitté de ce corps vil la tente,
Nous irons, mon amie, en le lieu baptismal
Embaumer de senteurs notre flux lacrymal,
Afin de parvenir à la joie exaltante !
Cependant il ne faut oublier que le Ciel
Revêt dès à présent son aspect éternel,
Et qu’il fait déjà bon s’en aller dans l’espace !
C’est pourquoi l’on ira le ton calme, innocent,
Pareil aux serviteurs que jamais rien ne lasse,
Considérant la mort comme un bienfait puissant !
Combats
Du destin coutumier j’ai connu les mensonges
Que la vie attribue en sa profusion,
Lorsque les jeunes gens, pétris de vision,
Décrètent le futur, obéissant aux songes !
Ô ces instants meurtris dans lesquels tu te plonges ;
Nul pouvoir sur la terre ou domination
Ne prend vraiment la mort en juste aversion,
Jusqu’à s’enorgueillir de sa moiteur d’éponges !
Mais si l’on se sent seul au milieu des combats,
Peinant à retrouver le chemin ici-bas,
Alors ne cherchons pas quelque bouc émissaire !
Des enfants de colère oui nous avons été,
Sauf que le cœur de Dieu paisiblement se serre,
Quand le corps défaillant rejoint l’éternité !
Le nouveau monde
Au bruit de grands tambours j’aperçois un archange,
Et quelques bataillons formés de séraphins
Voltigent en les cieux, arrivant des confins
De l’univers connu dont l’apparence change !
Mais ne serait-ce donc qu’un apparat étrange,
Ce glorieux spectacle intervenant sans fins ?
Lorsque les fils de Dieu ne connaissent de faims,
Si près du Père unique et bien loin de la fange !
Retentit la trompette ! On voit des cavaliers
Rassembler les élus en des flux réguliers,
Lors même que l’impie abjure sa naissance !
Les anges exaltés, désormais accroupis,
Partagent du Seigneur l’intime connaissance,
Avec tous les anciens aux faciès décrépits !
Reflets
Voici que je reviens à la glèbe première ;
Après avoir erré sur terre bien longtemps
Me voilà donc parti pour des Cieux palpitants,
Mais l’exil ne sied pas à la rose trémière !
La nue en son éclat se montre coutumière,
Nonobstant les reflets combien intermittents
Des choses à venir que trop souvent j’attends,
Pareil à ces oiseaux prostrés dans la lumière !
Peut-être sommes-nous avec des yeux lascifs,
Tout embaumés d’azur et de cris convulsifs ?
Transformant l’eau en vin, élixir plus propice !
Malgré ses os de fer et ses muscles d’airain,
Nul ne peut conquérir le dernier précipice
Où l’on voit le néant s’en aller souverain !
Profane et sacré
Frère, écoute la voix de cette sentinelle :
Ne mets pas le profane au niveau du sacré,
Même si ton désir est fermement ancré ;
Rien de plus précieux que la gloire éternelle !
Depuis les temps jadis la trame originelle,
Où l’on voit l’être humain, par sa gent massacré,
Abandonner un Dieu proprement exécré,
Se délie ici-bas tout comme la prunelle !
Des terrestres émois j’entends encor le bruit,
Ces rêves sibyllins qui fleurissent la nuit,
Brouillards de l’existence évanescents et mornes !
Mais le meurtre de Christ, qui vécut peu de temps,
Confère à l’agonie, absolument sans bornes,
Des accents de bravoure aux reflets éclatants !
La fuite des jours
Quand tu seras passé sous le dais des chimères,
Cette fourche caudine où tremble le romain,
Il te faudra partir pour rejoindre demain
Et t’en aller vainqueur vers des buts éphémères !
Car la fuite des jours prend des formes amères,
Lorsque la mort paraît sur le bord du chemin
Et que le châtiment se révèle inhumain,
Devant le corps du Fils, vous sanglotiez, ô mères !
Comme un être séduit dès le premier regard,
Le délit amoureux ne souffre aucun retard,
Même si l’on enfreint la loi religieuse !
De plus il n’est pas bon que l’homme reste seul,
Parole d’équité, vertu prodigieuse,
Mais chacun fait au mieux jusqu’au dernier linceul !
Clartés
Montre-nous Ton visage ! Ô Dieu que l’on vénère !
« Nul ne peut voir Ma face et demeurer vivant ! »
Répond l’Ancien des jours cité dorénavant
Par bien des écrivains au chant visionnaire !
Cependant il n’est pas d’être moins sanguinaire !
Ecoutons donc l’Esprit murmurer dans le vent,
Un bruit doux et léger qui nous vient du levant,
Mais aussi radical qu’un grand coup de tonnerre !
Dans ce monde cruel combien j’aurai lutté,
Avant d’apercevoir au loin une clarté,
Comme un feu vacillant exhumé des ténèbres !
Dès ces instants passés, quand on va pour mourir,
Nul besoin mon ami de paradis funèbres :
Tu verras le ciel bleu désormais s’entrouvrir !
Effluves
Me voici maintenant à la fin du voyage ;
J’ai bien longtemps erré sous un ciel inconnu,
Ne sachant pas très bien ce qu’il est advenu
De ceux qui sont partis au plus fort de leur âge !
Ô l’effluve sans fin que le ferment dégage !
Terre, accouche du mort au squelette grenu,
Vous, océans, crachez le buste retenu
Au plus profond des flots, après maint abordage !
Mais vous demeurez, tous, au-dessus des vivants,
Comme des oiseaux noirs crucifiés aux vents,
Et dont la destinée abolit nos murmures !
Nous voilà dans un lieu jalonné de vainqueurs,
À l’instar des moissons combien tendres et mûres :
Vos souvenirs émus rafraîchissent nos cœurs !
Plus avant !
Dans le fond du regard s’agite ma pensée
Parmi tous les écueils où le vrai s’obscurcit,
Faisant de l’évangile un si pâle récit
Que l’on parcourt encor de façon dispersée !
La douce raison cède, en l’enfer caressée !
Quand le propos commun brusquement se durcit,
Et que la violence à présent nous occit,
Effusion de sang par le Maître versée !
À quoi nous servirait un Paradis si beau,
Si notre âme finit ici-bas au tombeau ?
Et confère au trépas une valeur extrême !
Devant l’éternité j’ai pris peur bien souvent,
Cherchant la paix du cœur dans la sainteté même,
Alors qu’il me fallait regarder plus avant !
La vraie vie
Ton propos est d’aider, cependant considère
Les sept fils de Scéva par le mal piétinés,
En voulant secourir quelques-uns des damnés
Et bien plus largement ceux que l’effroi sidère !
Si le vaisseau prend l’eau, change d’embarcadère !
Laissant pour aujourd’hui les esprits mutinés,
Tout ce bien qui parfois nous rend tous aliénés,
Enthousiasme indu que la raison modère !
Mais maintenant fais place à ce grand inconnu,
Face au destin d’un jour ouvre un peu ton cœur nu !
Ton sort resplendira comme la belle aurore !
L’on goûte désormais aux instants les meilleurs,
Pleins du bonheur ardent d’un Sauveur que j’adore :
Chaque être humain paraît et puis s’en va ailleurs !
Le ciel de cendre
Mais à quel objectif pourrais-je donc prétendre ?
Moi le gamin des jours coutumier du tourment,
Faisant tout son bonheur d’un propos qui ne ment,
Et bien souvent enclin à rechercher le tendre !
Car il n’est point d’azur dessous le ciel de cendre,
Juste un fidèle Ami qui sait précisément
Que le vrai d’exister se fait au détriment
De la fureur de vivre habile à se méprendre !
Ô ces tremblements sourds au hasard de la nuit,
Lorsque l’esprit humain en la tombe s’enfuit :
Te voici débordant d’admirables silences !
Vois le destin promis vers lequel tu tendras,
Quand l’aurore se meut parmi les défaillances
De corps humiliés sous leurs terribles draps !
Changer les choses
Si ta vie est tristesse alors bouge les choses !
Sans pour autant prétendre abolir l’univers,
Mais simplement changer les faits les plus divers :
Il te faut pour cela sortir des champs moroses !
Au point de non-retour s’en vont toutes les roses ;
Nul besoin de saisir des Cieux toujours ouverts,
Lors même que l’on voit les rayons à travers,
Ces instants de lumière où s’effacent les gloses !
Ô les liens formels abolis par le Sang
Qui coule du Calvaire et dans mon cœur descend,
Pareil aux pleurs d’un jour bien empreints de murmure !
Nous voilà combattants de l’unique Maison,
L’espérance en brassard et la foi comme armure,
Puisque nous sommes faits pour l’exacte raison !
Naufragés involontaires
La vieillesse serait bien un naufrage en somme :
Plus fortement vivant mais pas encore mort,
Me voilà donc atteint par les tracas du sort,
Prédestination de l’Humain à la Pomme !
Finir tout en douceur, ambition de l’homme,
En étant sain d’esprit, chose qui ne démord
Du plaisir d’être là, sans consentir d’effort,
Juste sourire un peu parmi ceux qui font comme !
Te souviens-tu du temps où l’on va dans les bois ?
Ces souvenirs émus qui perlent de nos doigts,
Y mêlant les sanglots de la désespérance !
L’on peut sentir l’espoir et le grand futur luit,
Au milieu des frissons du début de l’errance,
Quand l’agonie emporte au moment de la nuit !
Un soleil en prison
Ne sens-tu pas déjà le parfum de la poudre ?
Les hommes auraient-ils perdu toute raison ?
Quand l’ombre des mortiers envahit l’horizon
Et qu’un dernier conflit déchire au lieu de coudre !
Depuis les temps anciens le ciel détient la foudre
Et l’homme en un tourment de l’arrière-saison
Ne peut plus infléchir l’ultime trahison
D’un peuple irrésolu que l’on ne doit absoudre !
Car il ne sert à rien de livrer l’occident
Au souffle ravageur d’un aquilon ardent,
Lors même que le Fils paraît dans la nuée !
Et qu’importe l’enfer peuplé de grands bourreaux,
Si l’aube en son adieu, par le mal obstruée,
Illumine le siècle à travers des barreaux !
Vanité
En chevauchant la peur, au hasard des tempêtes,
Ce qu’aucun absolu habillé d’infini
Ne rêverait de dire au jour de l’impuni,
Nous allions au combat, vêtus comme des bêtes !
Dès le forfait commis l’on se grisait en fêtes,
Pareil à cet oiseau désormais tant honni
Qui proclame son chant, par lui-même banni ;
À présent je ne sais quel visage vous faites !
Chercher avec ses vers gloire, immortalité,
Formule de toujours qui n’est que vanité,
Conduisant à coup sûr l’être humain à sa tombe !
Les grands rêves d’alors abondent dans ce lieu,
Mais la mort en sa faux sur l’imprudent retombe,
Et le corps misérable au Ciel n’est jamais Dieu !
Les mots
Le dire avec les mots que la raison tolère !
Voici la foi moderne au chevet de l’humain,
L’obscurité chassant, pour rejoindre demain,
Et surtout s’en aller sans aucune colère !
Proposer du Salut le pari séculaire,
Quand l’homme en son courroux ne veut tendre la main,
À cet humble Sauveur prisonnier du romain,
Qui fait de sa personne une pierre angulaire !
Dans les concepts étroits du savoir nous dormons,
Si loin de ce soleil éclaboussant les monts :
Mieux le petit confort que la liberté même !
Ô le terrestre exil qui ferme le récit :
Nous pouvons de nos biens partager le dixième
Et vivre de l’erreur où l’astre s’obscurcit !
L'inachevé sisyphe
Sur les chemins d’antan nous n’irons plus ensemble :
Un mal insidieux a vu le germe en toi,
Et tout semble nier les mots d’avant l’effroi,
Même le souvenir de ces pas qui vont l’amble !
Ton corps a disparu, ma lèvre déjà tremble !
Au pays du réel il n’est plus d’autre roi
Que l’éternel sanglot érigé devant moi :
Le destin s’interrompt sur ta dépouille, il semble !
Qu’importe l’agonie ! Il nous faut revêtir
Le destin d’un Sisyphe aux accents de martyr ;
Le rocher de l’amour doit se rouler sans cesse !
Mais en le ciel survient l’espace triomphant,
Cet endroit éternel habité de tendresse,
Où l’adulte apaisé redevient un enfant !
L'appel
Depuis la nuit des temps le Dieu puissant appelle
Tous les insatisfaits voyant au-dessus d’eux
Se lever un destin qui se révèle hideux,
Si loin du ciel d’azur, de l’ardente chapelle !
Même au cœur du néant la Raison interpelle :
Face à l’adversité nous irons tous les deux,
Nonobstant l’ignorance et les mots hasardeux
Que l’amour embellit quand pousse le carpelle !
Mais malgré le chaos vous voulez rester seuls,
Revêtant vos discours de si tendres linceuls,
Surchargés de douleurs comme un bateau qui sombre !
Profond est le malaise où vos deux bras ouverts,
Parcourus du frisson qui se terre dans l’ombre,
Ne font qu’asphyxier l’imprudent univers !
Tout seul !
Peut-être que tu crois être tout seul au monde !
Comme un fétu de paille en l’immense univers,
Alors que l’Homme-Dieu te suit, les yeux ouverts,
Depuis le lieu très saint où la lumière abonde !
( Parmi tous les meneurs d’une planète immonde,
Observe que l’un tue, avec des mots pervers,
L’autre se glorifie au moyen de ses vers,
Mais il paraît toujours que la souffrance émonde !)
Vois le Maître prêcher aux esprits en prison,
Tous les gens qui naguère empreints de déraison
N’avaient connu le Père et son Amour immense !
Au- devant de Son fils, Il ne peut qu’accourir ;
Dans Ses yeux bienveillants la plus grande clémence :
Il nous faudra donc Vivre avant que de mourir !
Le salaire du péché
De la mort en martyr en avait-Il envie ?
Et je ne sais pourquoi Jésus a tant souffert,
Mais je crois bien qu’Il fut pour nos péchés offert,
Que par Son sacrifice on a reçu la Vie !
Il fallait donc payer pour l’âme inassouvie !
Réalisant des temps l’incroyable transfert,
Celui dont on ne parle et qui jamais ne sert,
Sauf à la déraison par la Grâce suivie !
Confinés sous l’azur, l’on meurt si lentement,
Vient un virus sournois et voici le tourment !
Rien ne peut abolir le chaos où nous sommes !
Ô cimetière empli de grotesques tombeaux,
Édifices si vains, constructions des hommes,
Au jour où l’esprit quitte une chair en lambeaux !
Cet amour qui nous presse !
Que faire maintenant ? L’amour de Christ nous presse !
Parmi les fils de Dieu combien j’aime m’asseoir,
Au bruit de ces tambours qui résonnent le soir,
Dressant un mur de sons comme une forteresse !
Devant le Tribunal il faut que l’on paraisse,
Car chacun ici-bas ne pourra donc surseoir
Au Jugement du Père hostile à l’encensoir :
Ne vois-tu sur l’autel la flamme vengeresse ?
Mais les frères émus s’en iront tout joyeux,
Tous ceux à qui l’on ouvre au portique des Cieux,
Quand l’impie insensé déplore sa naissance !
Sur le Roc séculaire on bâtit sa maison,
Au jour où l’être humain se perd en connaissance,
Victime de ses yeux et de sa déraison !
Mon bouclier
Christ est mon bouclier ! Que pourra l’adversaire ?
Déjà sur l’horizon l’archange au vol prudent
Semble étranger au mal, la distance gardant :
Rien ne vient abolir ce tourment nécessaire !
J’ai vu parmi les cieux venir un émissaire,
L’invincible soleil d’un Maître transcendant,
Ce rayon absolu par la nue accédant
À nos sens affaiblis, pareil au janissaire !
Combien de médecins autour de nous penchés
Sont repartis hagards, les yeux effarouchés,
Vaincus par les enjeux d’un peuple sans défense !
Alors que le lien de l’existence rompt,
D’aucuns saisis d’effrois invoquent leur enfance,
Victimes bien souvent d’un jugement trop prompt !
Un Dieu si doux
Au plus fort du chaos l’on entend le tonnerre ;
Les clous percent la chair car sans épanchement
De sang, point de pardon ! Il fallait ce tourment
Pour pouvoir infléchir l’idole sanguinaire !
Dans les anciens contrats l’Eternel qu’on vénère
Ne se soucie alors du dur cheminement
De peuples massacrés sous un ciel peu clément,
Sans parler des conflits du dernier millénaire !...
…Mais non ! Il n’est de Dieu plus paisible et plus doux
Que Celui que je sers maintenant à genoux,
Immense affection d’un Maître aux yeux de braise !
Le voilà par l’Esprit au milieu des combats ;
J’ai vu mes compagnons marcher dans la fournaise,
Et le Salut fleurir aux portes d’ici-bas !
Dieu des armées !
Serons-nous donc défaits ? Seigneur, Dieu des armées !
Quand la piétaille adverse aura bientôt fini
D’enfoncer notre ligne en un flot infini ;
Je vois au loin jaillir poussières et fumées !
Mais d’où vient ce jeune homme aux phrases renommées ?
Celui qui ne se lasse et qui s’en va puni,
Par un peuple vengeur affublé de déni,
Errances d’Israël dans le désert semées !
Ô la colonne ardente illuminant le ciel !
Puis l’aube qui se lève en un flux éternel,
L’arche de l’Alliance inscrite au cœur des hommes !
Nul ne peut infléchir la courbe de son sort,
Et rien ne vient gommer les lueurs où nous sommes,
Pas même le faciès effrayant de la mort !
Quelqu'un !
Or où sont les enfants issus de la promesse ?
Un instant abaissés et bientôt glorieux,
Pour un jour le courroux et pour l’autre les cieux,
Prodigieux destin qui vaut bien une messe !
Des abîmes trompeurs voilà donc la kermesse,
Lorsque l’on nous redit, sur un ton spécieux,
À longueur de journal, un fait mystérieux,
Pareil au postulat en manque de finesse !
Le sang sur les blés mûrs vient ennoyer les chants,
De tous ces malheureux qui deviennent méchants,
Mais le Christ aux douleurs est-Il catatonique ?
D’un Rédempteur inerte on ressent le parfum,
Lui dont le flanc percé s’expose sans tunique :
Le brigand sur le bois a discerné quelqu’un !
Incrédulité
Livre du Lévitique et chapitres des Nombres,
Ces recueils de versets énumérant la loi,
Pour un peuple choisi L’acclamant comme roi,
De quoi gagner le Ciel un beau jour sans encombres !...
…Avant de t’enfermer dans les paradis sombres,
Sache que le Dieu fort comprend ton désarroi,
Mais ne veut de ce fait désavouer le moi ;
De la religion ne sens-tu pas les ombres ?
Avec comme manteau la tunique de lin,
Le voilà disputant nos âmes au Malin,
Aussi croyons au Fils qui les péchés efface !
Le Salut se veut-il frappé de nullité ?
Lors qu’en ces temps de peur Tu nous caches Ta face :
La seule vraie erreur, c’est l’incrédulité !
Métamorphoses
Dans le cercle amical quelque histoire on raconte,
Mais pourquoi donc amie ajouter un sanglot
À cette grève immense où vient mourir le flot,
Sempiternel ressac que le fier marin dompte !...
…Aux jours d’égarement le traître n’a de honte ;
D’un Judas subversif émane le complot
Contre un Salut parfait qui lentement éclot,
Mais du crime éternel il se rend vite compte !...
Je vois bientôt frémir, du matin jusqu’au soir,
Ce faciès impromptu qui se mue en miroir,
Vision de nos pleurs dominant toutes choses !
Il nous faut revêtir le dénuement profond
Que l’humeur communique en ses métamorphoses,
Rejetant les conflits car c’est ainsi qu’ils vont !
Le glas
Tu veux briser du mal la charnelle origine ?
Mais avec quel moyen ?...Le mien provient du sang
De Christ crucifié, qui sur mon cœur descend,
Et pas de ce fatras que chacun imagine !
L’on ne traite l’erreur comme on soigne une angine ;
Puisque nul ne se fie au précieux accent
D’un Prophète immortel et qui s’en va puissant :
Il faut donc enlever la plante sauvagine !
Mais ne trouvera-t-on dans ce bas monde un dieu
En dehors du Malin agissant en tout lieu ?
Qui donc nous ouvrira la porte du Royaume ?
Vois le glas se répandre en l’espace inouï :
Mon ami fais valoir l’authentique axiome
Qui propose un Salut pour lequel on dit oui !
Pour nous !
Repentons-nous, amis, car le Royaume est proche !
Comme un roc formidable en ce temps incertain
Où l’homme craint, tremblant, de se lever matin ;
En fuyant le chaos, le néant se décroche !
Or le Père à son fils ne fait aucun reproche.
Contre le Goliath, un David enfantin,
Lequel tranche la tête au géant philistin,
Un combat dont l’issue advient sans anicroche !
Soyons des gens de paix, même pour l’ennemi,
Celui qui hait son frère appartient à demi
À l’univers trompeur où l’on ne sait que faire !
Ô Seigneur éternel promptement tu m’absous !
Christ serait mort en vain si l’erreur je préfère
À ce déchirement qu’Il a souffert pour nous !
La fin
Comme le temps s’en va ! La fin de toute chose
Est proche ! Alors amis veillons, prions, luttons !
Du matin jusqu’au soir et puis sur tous les tons,
Quand le propos de Christ n’a plus rien de morose !
En amour il convient de célébrer la rose,
Mais le Dieu si parfait se découvre à tâtons
Lorsque bien simplement déjà nous admettons
Que le Messie en croix à la paupière close
A péri pour chacun sur le mont Golgotha,
Que le Pantocrator sur Lui-même jeta
Le châtiment qui donne un accès à la Vie !
Consolés par l’Agneau nous guérirons de tout,
Même de cette angoisse à jamais asservie ;
Devant notre Seigneur l’on paraîtra debout !
Afflictions
l faut qu’entre deux maux l’on choisisse le moindre :
Voilà bien le propos que dans la nuit je tins,
Quand le ciel s’entrouvrait sur de tristes matins :
Mais que faire d’un roi que l’on ne devrait oindre ?
En effet ce Dieu là que bien sûr tu peux joindre,
Lui qui dans sa douceur propose des destins,
D’immenses vérités comme autant de festins,
Ne se limite pas aux discours qu’on voit poindre !
Car Son dessein pour nous aboutit à la paix,
Masquant la déraison par des voiles épais ;
Ce n’est pas volontiers qu’Il afflige les hommes !
Et si le châtiment semble trop dur parfois,
S’Il tolère le mal sur la terre où nous sommes,
Ne néglige jamais de répondre à Sa voix !
Panthéon
Quelque chose a jailli du profond des ténèbres !
Loin du contour fuyant d’un rivage éthéré,
Voici qu’autour de moi tout fut transfiguré ;
Nul besoin désormais des paradis funèbres !
Ô panthéon humain, si plein d’hommes célèbres,
Et qui résonne encor du propos inspiré
De ce Victor Hugo justement honoré,
Te voilà sanctuaire aux structures d’algèbres !
Mais il est tabernacle aussi prédominant,
Un muscle au plus profond bâti d’un seul tenant :
Le cœur, qui se dilate et de nouveau recule !
Et le sang précieux à l’éternel retour,
Torrents intérieurs rougis au crépuscule,
Concrétise à nos yeux le ballet de l’amour !
L'ultime soleil
Ô Seigneur tout-puissant habitant dans les nues,
Si loin de notre angoisse et du joug très subtil
Que chaque être ressent au plus fort de l’exil,
Toi qui vis au-delà des planètes connues,
Reçois l’hommage pur des personnes élues
Pour qui le Rédempteur s’est revêtu, dit-Il,
D’une apparence humaine en forme de pistil,
Comme le fait la rose aux senteurs absolues !
Mais d’aucuns ont fauté, tels des gens odieux,
Des peuples asservis, autoproclamés dieux,
Appartenant pourtant à la même muraille !
Dessous nos fronts éteints quelque rayon vermeil,
Ce formidable Fils que nul ange ne raille,
Avec dans le regard un ultime soleil !
Les antiques sabbats
Je vois parfois surgir, arrachée à ce monde,
Quelque vertu première, un idiome ardent,
Le verbe salvateur qui se veut transcendant :
Mais qu’importe la voix pourvu qu’on me réponde !
Dieu le Père est-il sourd, comme noyé par l’onde ?
Que nenni ! Il se tait, pour demeurer aidant,
Afin de mieux répondre au propos obsédant
Que l’homme lui répète en la nuit de l’immonde !
C’est pourquoi mon ami sers Jésus et Lui seul !
Du plus tendre berceau jusqu’au dernier linceul :
Tu survivras ainsi bien loin des précipices !
Nul besoin d’observer les antiques sabbats,
Ces moments, paraît-il, si près des cieux propices,
Jours de contrition où l’on parle tout bas !
Le défi
Nous étions autrefois des enfants de colère,
Toujours insatisfaits, ou plutôt mécontents,
Nous frappant la poitrine et déçus par le temps,
Bien près de ce chaos que la raison tolère !
Des cieux inavoués l’on perçoit le salaire,
Quand l’horizon si pur en des feux éclatants
Enveloppe la nue au meilleur des instants,
Et revêt l’infini d’un tour crépusculaire !
J’ai vu tant de malheurs au pays d’ici-bas,
Parmi les deuils nombreux et les puissants combats
Que livre l’être humain pour assurer sa perte !
Le voici relevant le défi qui Lui plaît :
Ô le précieux choc de l’existence offerte,
Même quand le soldat inflige un camouflet !
Dieu ?
Par moment l’on voudrait ressembler à l’Archange ;
Aurais-tu donc souffert de désaffection ?
Du fait d’un entourage expert en sanction,
Ou pour le moins avare en sincère louange !
Dans l’ombre du destin, déjà l’horizon change :
Déçu par le passé tu revêts l’action,
Secourant ton prochain avec émotion,
Rempli de ce mal-être où l’autre nous dérange !
Les maux sont infinis et les concepts usés,
Tout s’écroule à présent sous des instincts rusés :
Te voilà recouvert d’un immense suaire !
Ne mets à chaque fois ton propos au milieu !
Faisant de ce corps même un divin sanctuaire,
Jusqu’à considérer l’être humain comme un dieu !
Qu'importe l'absolu !
Combien j’aurais aimé te suivre en Palestine,
Toi le Maître vivant au discours merveilleux,
Proposant un Salut qui fait briller les yeux,
En ce lieu d’ici-bas où le malheur s’obstine !
Ô la suite des jours que le Mal prédestine :
Qu’importe l’absolu, l’on s’en va tout joyeux
Vers un monde idéal où rien n’est périlleux,
Tel un David toisant la gloire philistine !
Vois la vive lueur jetée aux quatre vents,
Déjà prête à juger les morts et les vivants
Si près du dénouement d’un tribunal sévère !
Sondant l’être profond ainsi dès le berceau,
De quel nom T’investir sous les Cieux qu’on révère ?
Nous dont le désespoir frémit comme un roseau !
Le besoin de paraître
Si tu peux t’affranchir du besoin de paraître
Fais-le ! Le monde entier sera reconnaissant
Du geste salvateur jamais avilissant,
Quand le moi capitule au doux contact de l’Etre !
Face au Père éternel il faudra nous soumettre :
Ne livre donc ta langue au propos indécent,
Afin de mieux parfaire un destin qu’on pressent
Et qui fera de toi le serviteur du Maître !
Car il ne sert à rien de relever le front,
Au jour où les élus vers le Ciel s’en iront,
Contemplant le Sauveur et sa grâce féconde !
Debout sur le rocher qui dans la brume fuit,
Vois flétrir les discours des princes de ce monde,
Que tu sois encor jeune ou marqué par la nuit !
Sa voix
Mais je vois tant de pleurs couler sur ton visage,
Quand le trouble convainc, au plus fort du dépit,
Du bien-fondé d’un mal qui n’a pas de répit,
Que je ne veux bien sûr t’attrister davantage !
Par les sanglots d’un jour le malheur se propage :
Ô voir du temps passé le faciès décrépit
Et les cris gutturaux que nul n’interrompit,
Vision d’une nuit où s’annonçait l’orage !
Voilà l’obsession : succomber pour cela !
Comme un ancien concept banni par l’au-delà,
Étoffe protectrice arrachée à l’aurore !
De ce fait je craignais qu’on ne perçût Sa voix,
Lui le paisible enfant que le destin vint clore
Et dont l’être commun se rappelle parfois !
Trophée
Quand je parle de Dieu, ta tête soudain ploie !
Voudrais-tu triompher sans avoir combattu
La dérive sectaire ? Amie, admettras-tu
Ces moments de folie où l’on vivait de joie ?
Le prêtre inconséquent faisait de nous sa proie,
Pieux homme de chair de misère vêtu,
Comme cet être abject cheminant sans vertu,
Trophée inaboli que le malheur octroie !
Mais ressens-tu toujours le plaisir enivrant
D’une foi bien primaire à l’abord transparent ?
Lorsque tu vas vers l’autre en te croyant meilleure !
Se perd l’individu, rêve la nation :
Chacun se plaint du mal dans l’attente de l’heure
Où l’on sera jugé pour vol, sédition !
Revivre
Partir sous d’autres cieux, revivre en quelque sorte,
Voilà bien le destin paisible et glorieux,
De tous ceux qui jadis ont élevé leurs yeux
Vers ce Sauveur parfait que la prière exhorte !
Car qui d’autre que Toi prendrons-nous pour escorte ?
Afin de cheminer en demeurant joyeux,
S’éloigner s’il le faut des propos ennuyeux,
Par le fait d’un zéphir qui nous prête main-forte !
Ô les jours de détresse où l’on touche au vivant,
Quand le sable en la main disparaît sous le vent,
Comme un vol d’étourneaux imprégné de mystère !
Il se peut que l’azur passe pour vanité,
Mais l’exil de nos corps ne donne sur l’austère
Et notre fin si proche est immortalité !
Le bonheur suprême
Me voici donc parti vers un bonheur suprême ;
Combien de grands malheurs ai-je dû surmonter
Pour parvenir enfin à l’heure d’accoster,
Sur ce rivage sûr où plus rien n’est extrême !
Profiter de la vie, absolu théorème !
Or sachons que le temps nous presse d’accepter
Des compromissions dans le but d’exister,
Et qu’il faut sans arrêt ajuster le barème !
Déjà les lieux connus se parent de sueurs,
Et le soleil blafard aux timides lueurs
Ne peut que s’obscurcir avant même d’éclore !
Mais l’on sent des instants où l’univers reluit,
Aussi faut-il chercher lorsque l’on voit encore
Les feux les plus lointains du ciel d’après la nuit !