Vivre de cette mort
Exister d’une mort débouchant sur la Vie,
Quand les clous assassins et le crachat dessus,
Expressions d’un mal qui se produit en sus,
Anéantissent l’Homme en sa dernière envie !
Sous les vents éthérés le crime ne dévie,
Prophète intemporel qu’on appelle Jésus,
Comme l’ancien des jours que soudain j’aperçus,
Chassant d’un seul regard la brume inassouvie !
Car il nous faut rêver et peut-être partir,
Vers ce ciel improbable où le Fils est martyr,
Quand au cri des oiseaux l’espace semble morne !
Me voici survivant d’un désastre lointain ;
Au délire commun je ne perçois de borne :
Qui viendra dans la nue éclairer mon destin ?
Premier novembre seize
Le vent de la liberté
J’ai senti dans la nue un espoir qui consume,
Comme un oiseau hagard en des instants mauvais,
Les paradis trompeurs où trop souvent je vais,
Même lorsque le ciel ne se charge de brume !
Et le commun des nuits se parait d’amertume,
Quand désespérément dans l’amer je vivais,
Cherchant dans l’illusoire un besoin que j’avais,
Soumis à ce discours que la colère allume !
Si tu ne veux souffrir jusqu’au bout de tes jours,
Il te faut c’est certain mieux cibler les amours,
Le Seigneur pour l’esprit, pour le désir la femme !
Sous le paisible flux qui ressemble à l’été,
Rejetant la dispute et le propos infâme,
Accueille désormais ce vent de liberté !
Six novembre seize
Fuir ?
O sentir dans tes yeux un soleil qui se brise,
Voilà le vrai défi de l’immense univers,
Où l’on cherche instamment des cieux toujours ouverts,
Soumis à ces démons qu’un Christ allégorise !
La passion des jours, l’aurais-tu désapprise ?
Comme un poète obscur tout confit en ses vers,
Allant des chemins droits aux plus mortels travers,
Quand d’un poison trompeur tu te mets sous l’emprise !
Et maintenant remplis d’une soudaine ardeur,
En des temps si confus cherchant la profondeur,
Du Fils énamouré l’on refait le martyre !
Voulons-nous fuir encor le commun des héros ?
Volonté d’un instant à laquelle on aspire,
Nous les libérateurs transformés en bourreaux !
Douze novembre seize
Kerberos
Mais au jour de l’émoi, quand le corps s’aventure,
Notre impossible amour par moment s’accroissait,
Et l’étoile en ses feux dans nos yeux grandissait :
Pour l’âme enamourée, aucune sépulture !
Au firmament du ciel la belle créature,
Communion des chairs que l’ermite ne sait,
Lorsqu’il croit découvrir le profond d’un verset,
Pieuse affection, ô mystique nature !
Demande à Kerberos le gardien des enfers,
Si d’un sépulcre aimant il peut ôter les fers,
Affliction subtile, inabolie, étrange !
Vois l’être inassouvi se complaire en détours,
L’espoir change de joue et l’immortel se venge :
Considère, ô Seigneur, que l’on souffre toujours !
Dix-huit novembre seize
Affranchis ?
L’unique vérité nous affranchira-t-elle ?
Comme des purs esprits ne paraissant troublés,
Quand l’aquilon vengeur se défait sur les blés,
Pareils à ce vouloir qui jamais ne chancelle !
Sous les cris des amours j’ai vaincu la pucelle,
Et le propos du vent, par ses flux redoublés,
Est d’unir nos deux corps désormais assemblés,
En un étrange feu que produit l’étincelle !
O vivre le martyre et gravir l’univers !
Improbable défi de cieux toujours ouverts,
Alors qu’à l’horizon s’invite le Royaume !
Au firmament lointain brille si clairement,
Soumise à un brasier aussi brûlant qu’un chaume,
La nue après la pluie où le soleil ne ment !
Vingt-quatre novembre seize
Solitude
J’ai connu du destin l’absence malheureuse,
Comme l’être indigent désespéré d’amour,
Qui ne sait découvrir un visage alentour,
Attendant du ciel bleu la grâce vaporeuse !
O vois de l’esprit seul l’humeur aventureuse,
Quand la glèbe se fond en l’infini labour,
Sanctuaire formel aussi brûlant qu’un four,
Taillant dedans la nue un habit en vareuse !
Et le cerveau humain se croit illimité,
Jouissant de la vie avec fatalité,
Firmament passager que le désir exhorte !
Si la faute de l’homme est comme un bois flottant,
Sur l’océan des sens qui doucement l’emporte,
Pourquoi donc faudrait-il prier à chaque instant ?
Premier décembre seize
Le martyre d'aimer
J’ai perçu du soleil la splendeur ténébreuse,
Alors qu’à l’horizon se cache la vertu,
Quand sous l’ordre du mal nous avons combattu,
Comme cherchant des cieux la fraîcheur vaporeuse !
Mais ne ressens-tu pas l’indifférence affreuse ?
Incroyable mépris qui doucement s’est tu,
Car jusqu’au bout des temps, je t’aimerai, vois-tu ?
Même au flanc d’un sillon que le mensonge creuse !
Faut-il encor souffrir le martyre d’aimer,
Lorsque l’autre en nos yeux ne peut se consumer ?
Dans un brouillard épais tu t’en vas solitaire !
O l’ivresse des jours sentie auparavant,
Mal-être si subtil que l’on ne saurait taire :
Sous un nuage noir j’entends pleurer le vent !
Sept décembre seize
T'abandonner
Il te faut désormais t’abandonner à l’autre,
Disciple incandescent tu chercheras en lui,
Le précieux secours au plus fort de l’ennui,
Un amour si divin, tout simplement le nôtre !
Ne répète en ton cœur la vaine patenôtre,
Pareil à l’horizon où le beau temps a fui,
Devant tant de souffrance, au matin d’aujourd’hui,
Crépuscule charnel d’un couchant qui se vautre !
Sauf un religieux bénissant de travers,
Ou le poète enfant tout ému de son vers,
Nul ne saura troubler notre douleur diffuse !
O trépas, où gis-tu ? Sous les coups de la mort ?
Du temps blasphématoire aperçois-tu la muse ?
Le sacré qui grandit incrimine le sort !
Vingt-cinq décembre seize
Immortalité
Dans tes yeux si profonds j’ai senti quelque chose,
Amie, au temps d’hiver n’entends-tu pas le vent,
Disperser dans l’azur le propos émouvant ?
Le discours de la fleur, le babil de la rose !
Considère l’amour en sa beauté morose,
Comme une ombre qui dit : « ah ! C’était mieux avant ! »
Quand le jour assassin la réduit au néant,
Formidable ressac du baiser qu’on propose !
Ne vois-tu sous les cieux l’intraitable destin,
Ephémère faisceau d’un éclat bien lointain,
Se figer instamment, solitude muette !
Dans le chaos furtif sens l’immortalité,
Lorsque déjà s’en va le tourment du poète,
Car le chant du sonnet clame la vérité !
Cinq janvier dix-sept
Les colonnes de sang
Le courroux du ciel noir se reflète dans l’onde,
Comme des flots marins au bruit assourdissant,
Soumis à ce chaos que nul être ne sent,
Halètements de l’astre et de la bête immonde !
Percevoir dans la nue un tonnerre qui gronde,
Quand l’Apollon cruel devient compatissant,
Sanctuaire pythien aux colonnes de sang,
Murmures sans espoir de la glèbe inféconde !
Entends-tu dans les cris Kerberos aux enfers ?
Ce chien de l’au-delà qui verrouille les fers,
Et l’âme énamourée attend déjà son heure !
O soldats du néant vous êtes à genoux !
Lorsque le jour prend fin pour une nuit meilleure,
Mais ne vois-tu venir ce Dieu qui pense à nous ?
Dix janvier dix-sept
Traces
Signifie, ô mon Dieu, ce que suivre veut dire !
Faut-il te laisser faire une trace en l’esprit ?
Comme un facies rêveur qui désormais sourit,
Illuminant la nue aux accents d’une lyre !
Considère ce bien que nul ne peut décrire,
A l’heure où le tourment pieusement périt,
Et dans l’obscurité se révèle proscrit,
Formidable sursaut d’un vent qui se déchire !
Ne vois-tu pas s’enfuir, dans le fracas des corps,
Les esprits effrayants et les ombres des morts ?
Redoutable épouvante où le ciel n’est propice !
Parmi les cris sans voix et les yeux endormis,
Quitterons-nous alors l’horrible précipice,
Où le bronze l’airain se dressent insoumis !
Quinze janvier dix-sept
Idéal et réel
Au dessus du chaos, la voix de Christ s’élève,
Mais tu restes prostré face à ce sentiment,
Que le bel univers en son discours te ment,
Et que tu ne puis croire à l’impossible trêve !
Vois ton âme éblouie en ce jour qui s’achève :
Te voilà désormais prisonnier d’un tourment,
Qui confond le réel, parfois confusément,
Avec un idéal agencé comme un rêve !
O prier instamment pour infléchir les cieux,
Voici bien le propos du chant mystérieux,
Qu’on entend sous la nue aux moments de détresse !
Enfance de la vie où l’on pleure en chantant,
Puisqu’il nous faut gémir quand le désir nous presse,
Le chemin parsemé d’un sanglot envoûtant !
Vingt-et-un janvier dix-sept
Aux environ d'Eden
Aux environs d’Eden le feu caniculaire,
Et l’être intransigeant par lui-même insulté,
Dans l’aube du malheur, sur ses chevaux monté,
Se dresse tout à coup au détriment du plaire !
Du jour crucifié l’heure crépusculaire,
Et l’orgueilleuse chair se grime en liberté,
Alors que l’âme humaine, esprit épouvanté,
Se charge évidemment d’une ardente colère !
Te voilà scrutant donc les replis d’une peau,
Qui se soulèverait, pareille à ce drapeau,
Quand au vent du matin l’arbre berce sa palme !
O le facies dernier de cet abîme impur !
Le ciel redevient fixe et la nuit semble calme :
Qui bravera bientôt l’inamovible azur ?
Vingt-sept janvier dix-sept
Le pouvoir de la rose
Comprends-tu maintenant le pouvoir de la rose ?
Car c’est bien lui toujours qui délivre un parfum,
Cette éternité vraie au soupir opportun :
Dans les rayons d’Eos j’ai perçu quelque chose !
Passe le temps maudit et tu t’en vas morose,
Comme un nuage noir délivrant son embrun,
Affirmant sous les cieux par un cri de tribun,
Un rafraîchissement dont le Sauveur dispose !
O le chaos charnel pareil au bois flottant,
Qui redit des remous l’inépuisable instant,
Manifestation de l’homme solitaire !
En l’indicible pleur, nous brûlons, incertains,
Mais l’incessant combat ne se prolonge en terre,
Citadelle imprenable aux multiples destins !
Trois février dix-sept
L'oiseau déchu
La nue accède au bleu, l’aurore parait, tendre ;
D’un fabuleux facies sous des yeux appauvris,
Je perçus l’éternel et le néant j’ouvris,
Murmure évanescent que le désir engendre !
De ton espoir déçu renouvelle la cendre,
Car l’heure fugitive où se perdent nos cris,
Fait qu’en l’enfer commun nerveusement tu ris,
Vision d’un malaise auquel chacun peut tendre !
Et tu voudrais savoir quel est donc le plus grand,
L’introverti Narcisse ou le moi fulgurant ?
Mon avis sur ce point serait-il comme un gouffre ?
Tel un oiseau déchu voletant de travers,
Tu promènes du sort le tonnerre et le soufre,
Alors que l’écrivain se consume en son vers !
Sept février dix-sept
Il pleut ...
Il pleut sur l’avenir, la route est incertaine,
Et cet étrange amour si longtemps refermé,
Se déroule en l’azur comme un songe animé,
Quand le fils amoureux devient le capitaine !
Perçois-tu du salut la vision lointaine ?
Ou sens-tu près de toi le souffle accoutumé,
D’un Sauveur si présent dont le cri sublimé
Affronte du schéol la diatribe hautaine ?
Parcours du temps d’hier le chemin adouci !
A l’heure de jouir du bonheur que voici,
O sentiment subtil qui se grime en mystère !
De la terrible croix le cadavre descend,
Lorsqu’au jour de l’épreuve on se voue à l’austère,
Mais peux-tu rallier le ciel d’après le sang ?
Douze février dix-sept
La singulière image
O sentir dans tes yeux la singulière image,
De ce splendide amour à la forme de croix,
Qui triomphe à présent de tous nos désarrois ;
Vois le terrible flot où la grâce surnage !
Ne cherche en ton esprit le remède au carnage :
Le salut t’appartient dès l’instant où tu crois,
Et le matin du sort se moque des effrois,
Quand au jour du tourment l’autre ne se veut sage !
Faut-il encor gémir bien avant que d’entrer,
Dans ce désert obscur, si l’on doit se murer ?
Puisqu’en la fin de nuit le crépuscule est rouge !
Adopte de l’espoir le regard lumineux,
Te voici dans le drame aussi puant qu’un bouge,
Lorsque tu peux défaire un par un tous les nœuds
Dix-huit février dix-sept
Mirage
Mais si pour exister il faut asservir l’autre,
Alors n’espère pas conquérir l’éternel,
En quittant simplement le mirage charnel,
Au-delà d’un amour, probablement le nôtre !
Laisse les discours vains, l’ardente patenôtre,
Dans l’espace plaintif que l’on appelle ciel,
Patrie inabolie où vient couler le miel,
Quand l’être insouciant se transforme en apôtre !
Et dans un geste vrai le salut vient vers nous,
Héritage divin promis bien-sûr à tous,
Comme un morceau d’azur échappé hors du gouffre !
Dans l’écho qui se perd j’entends gémir quelqu’un,
Comme un roi désuet qui triomphe et qui souffre,
Ultime sacrifice entaché de parfum !
Vingt-quatre février dix-sept
Tsilla
Et mon regard troublé se brise dans la nue,
Comme un charnel ressac qui mugit tendrement,
Au paradis d’amour il n’est plus de serment,
Lorsque l’on suit des yeux une belle inconnue !
O séparation te voilà parvenue,
Jusqu’au fictif rempart frappé d’écroulement,
Qui sépare le ciel et le lieu du tourment,
Construction d’un temps que le charme atténue !
Nonobstant la douleur tu cours après le vent,
Le bonheur fugitif à jamais poursuivant :
J’entends ce désespoir qui demeure vivace !
Malgré les cris altiers notre peine dort là ;
De nos liens cruels franchissons la crevasse :
Le mal a disparu ? Marions donc Tsilla !
Vingt-huit février dix-sept
Et vivre
Et vivre pleinement jusqu’au bout du paraître,
Quand le soleil gémit en ce début de soir,
Orgueil énamouré se dressant dans le noir,
L’hirondelle au filet, pour l’oiseau la fenêtre !
Dans les plis du matin tu n’as pas vu le Maître,
Et le gouffre abyssal, sous cet immense espoir,
Se pare de grandeur : resterons-nous sans voir ?
Qu’avant de briller mieux Il soit mort pour renaître !
Ne sens-tu pas venir cet horizon de fer,
Et le rivage ardent du plus beau de l’enfer ?
Somatisation de l’immortel espace !
De surdité atteint l’homme n’entend les voix,
Du précipice proche et de ce temps qui passe,
Perdition, salut, compromis à la fois !
Quatre mars dix-sept
Un morceau de ciel bleu
O la confusion où plus rien n’est possible,
Pareil au temps maudit qui culmine en été,
Lorsque le fils d’Adam se croit illimité,
Infructueux essai d’asservir l’indicible !
J’ai prononcé ton nom, rumeur incoercible,
Soubresaut de l’enfer, soupir d’éternité,
Qui se meurt sous les cieux avant d’avoir été,
A l’heure du charnel, quand on nous prend pour cible !
Vois sortir du tombeau le corps enseveli,
Manifestation du plus terrestre oubli,
Flottant comme un linceul au hasard de la fange !
Dans ma quête d’amour je ne recherchais Dieu,
Mais quand on s’est croisé j’ai vu sourire un ange,
Accrochant à la nue un morceau de ciel bleu !
Dix mars dix-sept
O mon Dieu !
Considère ô mon Dieu la misère du monde,
L’angoisse si présente au front des nouveau-nés,
Lorsque le vrai de vivre accouche d’aliénés,
Vigne de l’au-delà qu’un vendangeur émonde !
Dans la clarté du soir j’ai vu la bête immonde,
Abolir dans l’horreur les désespoirs innés,
N’entends-tu pas les cris des peuples enchaînés ?
Manifestation d’un mal-être qui gronde !
Affection pieuse où se construit Babel,
Soupir d’éternité, preux substitut du ciel,
Quand demeure immature un soupçon d’anarchie !
Au matin du malheur jamais je n’ai vaincu,
Visage évanescent, chevelure blanchie,
Par lesquels s’adoucit le plus dur du vécu !
Dix-huit mars dix-sept
Les lieux saints de l'azur
Me voici bien souffrant mais il me faut peut-être,
Accepter mon état ; celui d’un dernier roi,
Qui contemple soudain le monde avec effroi,
Un beau jour de juillet, le nez à la fenêtre !
Mon ami je ne sais si tu pourras renaître,
Car au temps du conflit sous les ordres du moi,
Voilà que l’univers se teint de désarroi :
Profiterai-je encor du mouvement, de l’être ?
Reverrons-nous demain les lieux saints de l’azur ?
Entendrons-nous bientôt, intemporel et pur,
Ce cri de tous les temps qui s’achève en « je t’aime ! »
Intense piété n’apparaissant surfaite,
Juste libation car le Seigneur lui-même,
Ne s’est pas séparé du discours de la fête !
Vingt-quatre mars dix-sept
Si ce n'est
Faut-il capituler au jour de la colère ?
Lorsque dans le malheur rien ne semble debout,
Vivre cette infamie où le néant veut tout,
Dernière expression d’un feu caniculaire !
N’as-tu vu dans ce lieu le bras tentaculaire,
De cette hydre funèbre en l’ultime raout,
Quand s’en vient la misère au meilleur du mois d’août,
O souffrir de l’amour l’emprise tutélaire !
La vie aux cent faciès se presse d’accourir,
Quel est donc son propos, si ce n’est de mourir ?
Dessinant dans l’azur de charnelles spirales !
Il te faudra lutter contre l’orage alors,
Mais ne livre ton âme aux humeurs sépulcrales,
A ces soi-disant rois qui méprisent leur corps !
Premier avril dix-sept
Plus jamais
Plus jamais mon amour je ne dirai : « je t’aime ! »
Un mal insidieux s’est emparé de toi,
Mon cœur à l’abandon tout parcouru d’effroi,
Se brise sous la nue, en une aurore blême !...
…Et s’avançaient nos corps pour le bonheur suprême,
Ce désir lancinant qui déjà faisait loi,
Quand dans le feu charnel alors tu semblais moi,
Affection sublime où l’autre devient même !
O le regard subtil de ce bel inconnu,
Lorsque mes yeux jaloux me laissaient triste et nu,
En ce désert si froid j’ai vu brûler nos âmes !
La nuit parut clarté puis s’en vint le matin,
Saisis de passion bien sûr nous nous aimâmes,
Accomplissant ainsi notre joyeux destin !
Sept avril dix-sept
Le firmament de Dieu
Au plus fort de l’assaut le feu ne se fit blême,
Mais dans les yeux du chef nul soupçon de terreur,
Quand s’avançaient vaillants les soldats de l’horreur,
Recevant du schéol le châtiment suprême !
Vois ce raisonnement soustrait à notre schème :
O combattants du siècle au cri dominateur,
Vous posez sur le front un sourire rêveur,
Sacrifice brutal que l’on refait quand même !
Le firmament de Dieu ressemble à cet été,
Dont le prince charnel se serait vu jeté,
Lorsqu’un monde perdu se libère du glaive !
L’océan se fendit et rien ne fut plus beau ;
Sur les peuples hébreux la colonne s’élève :
Boirons-nous désormais le sang du vin nouveau ?
Quinze avril dix-sept
Un jour nouveau
Après la longue nuit un vent nouveau se lève ;
O le fragile esquif sur des flots palpitants,
Expression d’une heure où s’achève le temps :
Les ombres se défont et se brise mon rêve !
Au soleil du charnel la vie apparaît brève :
Vois s’approcher bientôt les pieux combattants,
Eux qui soumis au mal par des cris haletants,
Se dressent sous la nue en une ultime trêve !...
…le regard se porta vers le prince des jours,
Qui redit tout à coup le pourquoi des amours,
Quand sur le bois maudit le mal-être ruisselle !
Les disciples émus partagent leur remords :
De l’être énamouré la divine étincelle,
Mais l’aube en son retour illumine les morts !
Vingt-et-un avril dix-sept
Pas la fin
Nous voici arrivés au tournant du voyage :
Ami ne tarde plus ! La mort n’est pas la fin !
Mais bien l’avènement de l’Etre au séraphin,
Immense affection que le Sauveur dégage !
Bientôt le Fils parfait règnera d’âge en âge,
Et le cri de victoire assouvira la faim,
Ultime voix d’un cœur que l’on supposait feint,
De l’admirable issue Il règle le péage !
Du Christ humilié le merveilleux retour :
O l’heureux dénouement lorsqu’on croit sans détour,
Que le pantocrator a pris les traits du Maître !
L’Homme silencieux charge ton poids dessus :
Il faudra désormais librement te soumettre,
Au Dieu de l’univers : oui viens Seigneur Jésus !
Trente avril dix-sept
Le migrant
Ne soumets ton esprit au propos qui diffame,
Mais si tu veux renaître il te faudra partir,
Vers des cieux indulgents où l’on peut aboutir,
Cherchant dans les ailleurs le vrai repos de l’âme !
Fuis donc ce pays dur et le discours infâme,
Quand au creux de tes jours l’on croit t’anéantir,
Par un feu violent qui te grime en martyr,
Le Sauveur pour les clous, pour le migrant la flamme !
Etres désemparés à l’étrange récit,
Sous le soleil de Dieu le destin s’obscurcit :
Un obus assassin et revoici la route !
Au bruit de va-nu-pieds se précise le sort,
Fleurs d’asservissement l’affliction vous broute !
Combien le sang de l’homme aura vaincu la mort !
Trois novembre seize
Les soleils inconnus
A celui qui vécut un enfer sur la terre,
Tu promets en ce temps le repos de l’esprit,
Pareil au nouveau-né qui tendrement sourit,
Faisant du cœur de l’homme un vivant presbytère !
La colère des jours, il aura fallu taire !
Quand sur un mont impur le Prophète entreprit,
De réunir Elie et Moïse proscrit,
Ce triptyque divin aux accents de mystère !
De soleils inconnus les reflets si trompeurs,
Lorsqu’on ne peut tarir nos démons et nos peurs,
Seigneur ! C’est un tourment que l’astre fait éclore !
Vois le néant paraître en ce terrestre lieu :
Etranges paradis, vous demeurez encore !
Alors que la douleur nous élève vers Dieu !
Neuf novembre seize
Sentinelle
Je sens l’aube paraître, intemporelle et noire :
Cache-moi dans tes plis car se tient l’Eternel,
Sur la montagne sainte, en un lieu solennel,
Sommet de tous les temps d’où jaillit la victoire !
Mépriserais-tu donc la vision de gloire ?
Contestant au Sauveur son passage en tunnel,
Lorsqu’au jour du salut rien n’est rationnel :
Devant le tombeau vide alors il te faut croire !
Sous le flot captieux, l’inamovible écueil,
Ce naufrageur maudit qui précède le deuil,
Comme une sentinelle accoutumée à l’ombre !
Et par un froid brutal s’immole la vertu,
Quand le démon sournois se réjouit, si sombre :
Mais vas-tu t’échouer sans avoir combattu ?
Quinze novembre seize
Désapprendre
Si tu veux avancer, il te faut désapprendre,
Les concepts lumineux qu’on retrouve, noircis,
Quand l’élu d’Israël demeure incirconcis,
Empreinte de douleur au doux parfum de cendre !
L’aurore en ses haillons se défait, douce et tendre,
Comme une fille émue abondant en mercis,
Sur un lit de souffrance où s’en va le sursis,
Ce charnel paradis que le désir engendre !
O mon âme hésitante, aperçois-tu l’exil ?
Et le salut promis, combien réel est-il ?
Alors qu’à l’horizon déjà ma foi chancelle !
Vois paraître un ciel bleu sur la courbe des monts,
Epanchant sur son sein mon cœur tout rempli d’elle :
Trouverons-nous un jour ce vrai que nous aimons ?
Vingt-et-un novembre seize
Golgotha
Au plus profond des cieux le puissant belvédère,
Et l’étoile en la nue accouche de l’Enfant,
Humble libérateur au propos réchauffant,
Délivrant alentour la grâce légendaire !
O le suprême instant, lorsque la foi fédère,
Les vespéraux brouillards, le rayon triomphant,
En un disciple ému que le soldat pourfend,
Citoyen d’un pays où l’amour vrai sidère !
Du centenier soudain énamouré d’azur,
Le formidable mot, le vocable si sûr,
Alors qu’à l’horizon le couchant semble triste !
Vois le Fils attendri tel Moïse au berceau,
Sublime ambassadeur d’un bonheur qui persiste,
Quand les eaux et le sang se défont en ruisseau !
Vingt-sept novembre seize
Crépuscules
O vivre sous le joug d’une morne attitude !
Voilà bien sous les cieux le propos des démons,
Ce théâtre charnel que parfois nous aimons,
Pieuse vision combien amère et rude !
Réveille en nos esprits ce désir qu’on élude,
Toi le pantocrator exalté sur les monts,
Crépuscules ardents des dieux et des Mammons,
Lorsque l’être au profond accouche d’un prélude !
Dans ta rigidité tu ne veux du Sauveur,
Et ton œil en son cours apparaît si rêveur,
Quand le séjour des morts semble effacer la vie !
Si le regard d’autrui te préoccupe tant,
Lumière d’ici-bas par une ombre suivie,
C’est que ton âme bout comme un cœur palpitant !
Quatre décembre seize
L'evanescent miroir
Nul ne doit reposer sur un lit de paresse,
Mais il te faut choisir entre un destin qui naît,
Et un passé si dur que l’autre ne connaît,
Charnelle affliction aux accents de détresse !
Verrai-je prendre fin la rime enchanteresse ?
Du poème indécis au plus ardent sonnet,
Eternité soumise au chant du sansonnet,
Car le pourquoi des temps comme un cri nous oppresse !
O le soleil éteint tout parcouru d’ennui,
Evanescent miroir regardant après lui,
Le long de nos amours le mal-être ruisselle !
Sentir dans son regard le salut qu’Il voyait,
Voilà bien sous les cieux la divine étincelle :
Quelque chose de grand m’observait, inquiet !
Vingt décembre seize
Déjà
Déjà le temps s’en va, la voix de Christ nous presse,
Et le charmant chaos qui tendrement nous suit,
Sous le ciel se déchaîne en grimant l’aujourd’hui,
Juste libation où la nue est ivresse !
O jours impétueux vous déferlez sans cesse !
Comme un cri de douleur déchiquetant la nuit,
Du néant le bourgeon, du pur Eros le fruit,
Et ce Sauveur qui vient, soucieux de promesse !
Sur ton visage point un sourire rêveur,
Alors que fermement tu domines ta peur,
Sentiment de jadis à la faconde impure !
Dans le puits de tes yeux l’on tire la belle eau ;
Nous voici transportés d’un amour sans mesure,
Le regard alangui sur un facies nouveau !
Premier janvier dix-sept
Combat
J’ai perçu de l’humain l’incroyable dilemme,
Avancer ou périr, comme un preux combattant,
Qui se serait perdu, les drapeaux agitant,
Dans les mornes replis d’une aube toute blême !
Ne perds du temps commun la direction même !
T’orientant avec le précieux sextant,
Soumis à ce sanglot d’un remords envoûtant,
Mais rien ne peut troubler l’éclat vif de la gemme !
Vient le soleil nourri, quand s’approche l’été,
Comme un trait de douceur si tendrement jeté,
Dans le feu tutélaire où le Fils tient son trône !
Prosterné devant Toi, le sublime je sens,
Lorsqu’on pose à nos fronts du ciel bleu la couronne,
Pareils à ces facies aux sourires puissants !
Huit janvier dix-sept
Tout est accompli
Survivre d’espérance au plus fort de l’épreuve,
Voilà bien le propos de l’impossible amour,
Celui qui nous conduit à honorer le jour
De son avènement où le destin s’abreuve !
Au matin du retour ô mon Dieu qu’il ne pleuve !
Quand un orage noir s’invitant alentour,
Ponctué d’arcs-en-ciel dans leur plus bel atour,
Ne saurait rafraîchir l’orphelin et la veuve !
A travers le brouillard du plus ardent dédain,
D’abord comme un Sauveur qui reviendrait soudain,
Tu verras en l’azur un océan de cendre !
Considère en tout temps le cri mystérieux,
De ce Seigneur en croix qu’il te faut réapprendre,
A l’heure où le salut se révèle à tes yeux !
Douze janvier dix-sept
Soleil mystérieux
Vois le corps se briser sans que l’esprit s’émeuve
D’un geste glorieux où la mort à son tour,
Nous communique enfin l’espoir de son retour,
Quand se presse le temps comme un courant de fleuve !
O résurrection tu m’apportes la preuve,
De l’aube sublimée au plus fort de l’amour,
Mais l’âme devient nuit en son plus bel atour,
A l’heure de la tombe et du feu de l’épreuve !
Comme Etienne au tourment j’ai vu les cieux ouverts,
Soleil mystérieux de l’ardent univers,
Où le rayon si beau jamais ne se fait sombre !
Du mal au collier d’or l’on se croit le puni,
Et l’impie inquiet se déchaîne dans l’ombre,
Formidable avatar de l’abîme infini !
Dix-huit janvier dix-sept
Le ressuscité
Et le Ressuscité s’en vient fouler la grève :
« Jetez donc vos filets du côté droit », dit-Il,
« Car le poisson abonde au temps de Mon exil,
Et la pêche à présent ne connait pas de trêve ! »
Ne te soumets au mal, vois-tu la nuit s’achève,
L’heure crépusculaire aux habits de coutil,
Se dresse à l’horizon comme un troublant pistil,
Le charnel pour le corps et pour l’esprit le rêve !
Voici l’aube paraître aux matins triomphants,
A l’orient déjà se pressent des enfants,
Cherchant dans le ciel bleu une suite à l’extase !
O l’ardente beauté d’un destin qu’Il voyait,
Où l’on prend le salut un beau jour à sa base,
Mais il ne sert à rien de partir inquiet !
Vingt-quatre janvier dix-sept
Jusqu'au monde nouveau
Nous voici parcourus d’un tremblement notoire :
C’est bien là le frisson de l’indicible amour,
Celui qui nous amène à souhaiter le jour
De son avènement, au plus fort de l’histoire !
Entends-tu dans les bois le chant comminatoire ?
De celui qui déclare asservir tour à tour,
L’aigle désabusé puis le cruel vautour,
Par un cri de douleur, ô terrestre exutoire !
Montrez votre visage, accoucheurs de néant,
Et toi heure sénile en forme de géant,
Prononce les accents d’un fabuleux silence !
Sur les arches du pont j’ai vu se briser l’eau ;
Passe le temps d’aimer et l’immortel s’élance,
Mais irai-je tout seul jusqu’au monde nouveau ?
Premier février dix-sept
Azur
Dans ton orgueil inné tu referais le monde,
Redisant de Sigmund l’improbable oraison,
Evangile de l’âme atteint de déraison,
Logique d’un instant qu’aucun regard ne sonde !
Malmenés sous les cieux comme un vaisseau sur l’onde,
L’on craint d’être défait par un feu de saison,
Et pour notre repos il n’est pas d’horizon,
Lorsqu’on cherche ici-bas une fierté profonde !
Ecoute le soupir du poète fervent,
Auquel dans la douleur se rattache le vent,
Confession d’un jour que la tristesse nomme !
Vois s’élever le Fils en un éclat si pur,
Contemple sa beauté car tu seras cet homme,
Attestant du ciel bleu l’inoubliable azur !
Cinq février dix-sept
Reflets
Mais le Christ serait-il le reflet d’un autre âge ?
Comme un cri de douleur lancé dans l’univers,
A l’heure où la clarté de cieux encor ouverts,
Illumine la nue invisible et sauvage !
Car l’on a de la braise une terrible image,
A l’instant de la flamme et des rayons divers,
Qui pénètrent l’azur et des prés toujours verts,
Pure émanation que le soleil dégage !
Vois paraître déjà cet horizon qui dort,
Pareil à des enfants allongés sur le bord,
Saisis par le dessein de l’ultime plongée !
Bientôt l’aube se lève et le bonheur s’enfuit,
Semblable à une vie incidemment chargée,
De ces sourires creux qui s’en vont sans un bruit !
Dix février dix-sept
L'hydre mystérieuse
Sentir du temps futur l’hydre mystérieuse,
Qui dompte le marin et le fier matelot,
Assis dessus la vergue, au firmament du flot,
Cet effrayant dragon à tête curieuse !
Nous voilà confondus par l’humeur factieuse,
De ces instants trompeurs où l’on rêve d’en-haut,
Comme agités parfois d’un terrible cahot,
Quand on geint, défaillant, sous l’image pieuse !
Mais le corps remua dans l’ombre du tombeau,
Jamais je n’ai rêvé d’un dénouement si beau,
De l’incroyable vie il était soudain l’heure !
Or va-t-il revenir pour nous servir d’appuis ?
Vois se lever le Fils à l’endroit où l’on pleure,
Sanctuaire divin aux colonnes de buis !
Quinze février dix-sept
L'amour est belle chose
Oui certes mon ami l’amour est belle chose,
Mais il te faut songer à ce jour éternel,
Où l’esprit inquiet se défait du charnel,
Incroyable tourment, saignement de la rose !
Ah ! l’insolent cercueil et l’urne où l’on repose,
Comme un facies humain ponctué sous le ciel,
De cris toujours profonds en forme de tunnel,
Quand dans un geste fort tu maudis la névrose !
Mais à la vérité ton repli semble sûr,
Lorsqu’un pleur si cruel se dissout dans l’azur,
Oppressé que tu fus par le bruit du carnage !
Profite encor du temps d’un soupir guilleret,
Consacrant l’homme ancien dans un corps qui surnage :
O cette vanité de l’instant qui paraît !
Vingt-et-un février dix-sept
Lazare
Si tu ne veux douter, mon amie il faut croire,
Que le pantocrator peut devenir ton roi,
Effaçant à jamais le discours de l’effroi,
Quand le Christ tout-puissant apprivoise l’Histoire !
Mais faut-il se servir du mot expiatoire ?
Ce vocable qui dit : « mon enfant viens à moi ! »
Comme un cri de bonheur teinté de désarroi,
Chanson de l’au-delà si lumineuse et noire !
Vois s’écouler la grâce en ce pays lointain,
Balbutiant dans l’air le propos du matin,
Car la vertu de Dieu l’a consacré poète !
Et Lazare béni d’un regard qui ne ment,
Plutôt que d’égarer sa grande âme muette,
Emerge de la tombe en un heureux moment !
Vingt-cinq février dix-sept
Départ
Le Fils s’en est allé, pourquoi pleurer encore ?
Lorsque le sang jaillit dedans le gouffre noir,
Où le sort insolent s’achève vers le soir ;
Vois poindre à l’horizon la merveilleuse aurore !
O ce corps lumineux que la grâce incorpore,
De Pilate à Hérode on dissipe l’espoir :
« Interrogeons-le donc ! Lui seul pourrait savoir,
Seule incarnation de ce Dieu qu’on implore ? »
Dans le tourment, debout, le Maître a dit : « je meurs ! »
Mettant fin aux discours ponctués de rumeurs,
Où l’on voit sangloter le Seigneur de la joie !
Mais regarde fleurir le stigmate au côté,
Et les clous au poignet et sa tête qui ploie,
Symboles d’un hiver qui se mue en été !
Premier mars dix-sept
Le siècle de fer
Veux-tu toujours sonder cet azur que l’on raille ?
Toi qui redis sans cesse : « où donc trouver le ciel ? »
Pieuse attention du mirage charnel,
Mais il n’est de salut quand le monde déraille !
Vois tous ces gens de peu, misérable prêtraille,
Provisoires suppôts au jour de l’éternel,
Comme ces oiseaux morts d’un temps matériel,
Essuyant sous la nue une ardente mitraille !
S’en viennent les discours mais où gît la vertu ?
Le malheur de chacun ont-ils trop combattu ?
S’agit-il d’asservir l’univers en cellule ?
Autour de nous l’on craint de perdre la cité,
En ce siècle de fer où l’ignoble pullule :
Voilà le vrai sermon masquant la vérité !
Sept mars dix-sep
Terre promise
Tu cherches dans mes yeux une terre promise,
Quand le cri familier s’illumine d’effroi,
Toi qui fais de toi-même une sorte de roi :
Peux-tu de l’éternel rafler toute la mise ?
Des enfers de l’oubli la beauté compromise,
Comme ces détritus que l’on jette du moi,
Vers la sphère impossible où le temps se veut toi :
Je vois du cruel sort la douceur insoumise !
Mais n’as-tu confondu le rêve et le réel,
Quand l’esprit bien souffrant méprise le charnel ?
Paradis de raison où l’on est plus qu’un nombre !
Pour nous un chant d’amour dedans un corps qui bat,
Mais de l’aveuglement tu n’as connu que l’ombre ;
Te voilà pauvre et nu sur un si beau grabat !
Quinze mars dix-sept
Aveuglement
Il ne s’agit donc pas d’un bleu fictif à l’âme,
Lorsque périt ton corps si désespérément,
Que j’en perds le salut et tout son fondement,
O Seigneur mon ami sauve-moi de la flamme !
Du solstice des ans je n’ai revu la femme ;
Faut-il s’inquiéter au matin du tourment ?
Comme un esprit jaloux qui méprise et qui ment,
Quand dans la solitude on aboutit au drame !
Mais si tu crois avoir dans le Christ éternel,
La sublimation du mal-être charnel,
N’oublions qu’il ne faut incriminer la rose !
Dans le chaos des jours nul ne veut servir Dieu,
Incroyable refrain dont l’irraison dispose,
Demain se lèvera le rideau du ciel bleu !
Vingt-et-un mars dix-sept
Les liens secrets
Quoi ! La vie ou la mort au jour de la détresse !
Mais que vois-je ô mon Dieu ce chrétien sous un bât ?
Celui de la bêtise et du poignant stabat,
Libation d’un soir où la nue est ivresse !
Ah ! Les liens secrets que l’affliction tresse,
Lorsque dans la douleur, au plus fort du combat,
Bas-lieu de l’univers où l’on craint le sabbat,
L’ultime avènement très lentement se presse !
Vois désormais s’enfuir de la main des géants,
Echappant dans l’horreur aux désespoirs béants,
Les peuples de toujours qui ne veulent de trêve !
La mine déconfite, avec des pleurs dans l’œil,
Ne trouvant le repos sur la foi d’un seul rêve,
L’un construit sa maison, les autres leur cercueil !
Vingt-sept mars dix-sept
S'il te plait
S’il te plaît laisse-nous enterrer nos idées,
Et puis nous te suivrons ô Seigneur notre ami,
Loin du prince charnel, du disciple endormi,
Et des filles d’Eden que l’on voit dénudées !
Voilà sur le couchant les immenses bordées,
Des injures d’un siècle où l’on rit à demi,
Projet d’un temps nouveau si brusquement vomi,
Parmi les vains reflets de pâles orchidées !
Révolution folle où l’on clame pour voir,
Les accents dépités qu’on prononce au mouroir,
Cursus inaboli d’une pensée étrange !
Le mot devient silence et la parole nuit,
Quand dans l’ultime jour la nature se venge,
Soubresaut de l’ivresse aux confins de la nuit !
Trois avril dix-sept
Récréance
D’espérer en ce siècle et dans cette existence,
Cela nous rendra-t-il confiants et heureux ?
A travers les brouillards de ces jours vaporeux,
Où l’un écrase l’autre en guise d’assistance !
O des temps abolis le chant de récréance,
Qui se lève au matin comme un vent langoureux,
Affligeant l’horizon d’un indicible creux,
Quand l’homme crie au ciel sous la douleur intense !
Vois sévir dans l’azur, pareil au châtiment,
L’obscur regard de fer que rien ne rend clément :
En effet mon ami la mort est chose étrange !
Nul ne peut ébranler les piliers du saint lieu,
Cet endroit si distant que l’inique ne change :
En ce monde lointain l’on pourrait tromper Dieu ?
Dix avril dix-sept
Vers l'autre
De l’être articulé le bras tentaculaire :
A l’aube je te vis et l’autre était un roi,
Déferlement subtil pareil à ce charroi,
Cahotant sous la nue à l’ardente colère !
Se brise à Golgotha le rocher angulaire,
Libation d’un jour où le temps se veut moi,
Quand on scrute déjà le ciel d’avant l’effroi :
A l’automne attendri succède un froid polaire !
Enseigne-moi Seigneur à bien compter mes jours,
Comme un preux combattant qui s’en irait toujours,
Avec sous les souliers les ailes de la gloire !
Il te faudra jouir des hauts lieux de l’azur,
Et du temps éternel conserver la mémoire,
Pour te pencher vers l’autre en un geste plus sûr !
Dix-huit avril dix-sept
Les sentiers de la gloire
S’en aller pour toujours sur des sentiers de gloire,
Voilà ce que répond au propos enfantin,
La parole de grâce en un si beau matin :
Or mon Dieu prends pitié, je ne sais plus qui croire !
Le jour déjà paraît, mais l’aube semble noire,
Et l’astre de l’azur pareil au brigantin,
Evoluant sur l’onde en un cours incertain,
Se brise sous la nue à l’impossible moire !
Car le prince des temps se déclare attristé,
Quand l’on rit en hiver comme on pleure en été,
Somatisation de l’existence hautaine !
Sur le cruel récif se dissout le soleil,
Et les cieux dépités n’ont plus de capitaine :
Reverrons-nous demain l’incandescent vermeil ?
Vingt-cinq avril dix-sept