Printemps de larmes
L’on voit se dessiner ce Destin qu’on implore :
Au printemps de nos jours la flamme souvent luit !
Nous adorions cet air émanant de la Nuit
Mais quand l’amour n’est plus peut-on s’aimer encore ?
L’astre fait apparaître une sublime aurore,
Hâte-toi de partir comme un coursier qui fuit
Nul ne sait où tu vas mais tu perçois le bruit !
Voulons-nous le Repos que la Grâce incorpore ?
En des jours sibyllins, orgueilleux j’allais nu,
Et le Dieu du Salut me semblait inconnu :
Fallait-il investir un puissant Evangile ?
Car par nos errements nous étions si troublés
Sommes-nous allés voir un Homme aux pieds d’argile ?
Le Ciel n’a de courroux plus que l’eau sur les blés !
Premier décembre quinze
Jusqu'aux cieux
Elever jusqu’aux Cieux notre indicible crainte
Voilà ce que redit le discours de l’Amour,
Il se peut qu’un ailleurs nous enflamme à son tour
Mais serons-nous piégés au jeu du labyrinthe ?
D’un Maître aux bras ouverts l’inoubliable étreinte,
Ecrivant sur le mur, pareil à ce doigt gourd
Qu’un vent si froid raidit vers le lever du jour,
O Verbe intemporel à la divine empreinte !
Combien la voix d’un seul a guéri nos douleurs !
Puisant dans le vrai Dieu les remèdes aux pleurs
Quand l’être par ses cris s’efface puis implore !
A toujours confesser tous les crimes commis,
Les temporaires maux que l’on souligne encore,
L’on avait oublié ce Sauveur tant omis !
Dix décembre quinze
Clartès
Aux premières lueurs d’une aube glorieuse,
Le salut est pour nous, même si tu n’y crois
Tu sais le Ciel t’attend, dès ces lieux pleins d’effrois,
Et s’affirme en la nuit, lumière ténébreuse !
Ah ! j’entends retentir Sa voix silencieuse
Jusqu’au crime d’orgueil perpétré sur la croix,
Imparable destin ; mais que font donc les rois ?
Et cet amour de feu, clarté prodigieuse !
Or l’homme a deux faciès, opposés à l’esprit,
L’un dur, l’autre touchant lorsque l’âme sourit,
Vrai sépulcre de chair qui gémit et qui souffre !
Si d’aucuns te diront : « O n’aspire qu’à Lui ! »
Sache que l’éternel ne s’apparente au gouffre :
Aussi quitte le monde où domine l’ennui !
Vingt-cinq décembre quinze
Illusion
llusion d’un soir à l’aube du possible :
Le miroir aux oiseaux, conçu pour éblouir,
Remplace le divin prompt à s’évanouir
Dans ce désert troublant qui n’a rien de paisible !
L’on voit se dérouler le rêve inaccessible
Et l’homme en son esprit ne peut s’épanouir
Quand au jardin d’Eden il faut vivre ou jouir,
Oracle intemporel d’un serpent si visible !
La supplique d’Amour, je l’adresse aux vivants
Car le séjour des morts ne reconnaît les vents,
O souffle d’espérance à la genèse trouble !
Les ombres de surface et le crime profond,
Comme un œil de cyclope en sa prunelle double,
Se meuvent sous les Cieux où les âmes ne vont !
Cinq janvier seize
Révélation
Nulle douleur remise à l’âme trop bien née :
Si tes jours sont tristesse alors change de ciels !
La révélation des princes éternels
Te fera découvrir la joie insoupçonnée !
Aux confins du vouloir se perd la destinée,
Les rêves de toujours, juste immatériels,
Et les sanglots du vivre abondent, si charnels,
Rythmant de leurs appels notre souffrance innée !
O frères parmi vous le salut est passé,
Le groupe des élus durement amassé
Vers l’astre glorieux à l’horizon s’élève !
S’ensuit un dernier pleur obsolète et fuyant :
Contre le corps des saints va-t-on porter le glaive ?
Mais non ! L’ombre déjà n’a plus rien d’effrayant !
Vingt janvier seize
L'esprit de Bethléem
Nul être n’a parlé comme le Fils de l’Homme
Prophète de toujours qu’un destin éternel
Arrache tendrement des griffes du charnel :
Le Christ pantocrator, le Tout-Puissant en somme !
Vois-tu sur l’horizon ce Sauveur que tout nomme ?
Quand apparaît déjà le dessein criminel
D’un monde à l’agonie au rictus solennel :
Sous le pieux transport l’inamovible Rome !
En ces ultimes jours le vrai s’est approché,
Obtiendrons-nous enfin le Repos tant cherché ?
Calme de chaque instant qu’aucun souffle ne change !
Ensemble entrerons-nous dans la Jérusalem
Des Cieux ? Près du Seigneur et si proche de l’ange :
Dans le corps de la loi, l’esprit de Bethléem !
Seize février seize
Pleure !
Pleure ! O mon âme, crie ! Et redis sa louange !
Lorsqu’au jour du tourment se lève l’aquilon
Et qu’un rempart de grâce éloigne le félon,
Miracle de l’Esprit, quotidien de l’ange !
L’impossible futur enfante un siècle étrange,
Pareil à ce séjour où les vivants, dit-on,
Se mêlent aux défunts pour gravir l’échelon,
De cette éternité qu’aucun soupir ne change !
La révélation ne saisit le regard,
Pour le Prince de paix, en ce lieu peu d’égard,
Car de sanglants combats absorbent bien des hommes !
Un soleil de justice efface la terreur,
Le mal est séduisant mais parjures nous sommes
Quand à la vérité nous préférons l’erreur !
Vingt-quatre février seize
Vivre
Vivre jusqu’au plaisir, par delà l’impossible,
Libation charnelle au plus profond du soir,
Quand on ne sait s’il faut penser à l’au-revoir,
Halètement du moi, monstrueux et risible !
Le songe réunit le faux à l’accessible,
Echelle de Jacob que nul ne saurait voir,
République du ciel sans fard et sans espoir :
Triomphalisme étroit, nous prendras-tu pour cible ?
A genoux devant Lui, ma misère je sens,
Pareil à ce poète épris de vers puissants,
Et dont le lendemain se suffit à lui-même !
Vient le jour de l’épreuve où le roi n’est charmant !
Au partage des vents, je te hais puis je t’aime :
L’espoir ? Un monde neuf ! Le salut ? Un aimant !
Dix-sept mars seize
Chemins
J’ai suivi tes chemins, inaboli prophète,
Comme un fou de Bassan rassasié d’azur
Qui aurait égaré sa course dans l’impur,
Mais la vie, ô mon Dieu, de quoi est-elle faite ?
D’aucuns pensent qu’il faut abandonner la fête,
Par la mort maintenus sous le drap du futur,
L’on souffre, l’on gémit sur ce qui paraît dur,
Mais cette humanité veut-elle d’une tête ?
O vent, souffle où tu veux ! Nul ne sait où tu vas !
Les paroles de rien et tous ces jéhovahs
Ne font qu’entretenir un mal-être où tout passe !
Il a suffi d’un mot au seuil de l’éternel
Et voilà nos deux corps alanguis dans l’espace :
Le tumulte des jours affranchit du charnel !
Trois avril seize
Pourquoi ?
J’aurai voulu savoir le vrai pourquoi des choses :
Les cris vont dans l’abîme et l’être interrompu
Nous revint du schéol, ô mon Dieu qui l’eut pu ?
Pourquoi sur le fumier pousse-t-il tant de roses ?
Quitte un peu l’évangile et les puissantes gloses !
Quand dans ton panthéon, pareil au sphinx repu,
Les paroles de rien te laissent corrompu,
Qu’il paraît amoindri, ce regard que tu poses !
Et le religieux, séduit par son pouvoir,
Recrucifie un Fils sans s’en apercevoir,
Eglise de la chair du juste abandonnée !
Comme ce doux zéphir ne faisant aucun bruit,
Alors que sous les cieux se perd la destinée,
Dans le chaos des jours, est-ce Christ qui conduit ?
Quinze avril seize
Le Messie
Tu me parles des cieux mais où fut la victoire ?
Quand le Messie hagard réjouit un larron,
Par l’octroi du salut, incroyable fleuron
D’une éternité vraie au geste expiatoire !
En cette déraison, j’ai vu briller la gloire,
Distante de l’amour d’un empan environ,
Humble exaltation aux accents de clairon,
Dressée à nos côtés comme un juge au prétoire !
Passant mystérieux, contemple ce néant,
Où dans les cris Marie accouche d’un géant :
Qu’importent nos enfers et les diables eux-mêmes !
O ces rêves communs que tous les êtres font !
Aux vents écartelés, je comprends que tu m’aimes :
Le désir de surface exhume le profond !
Quinze mai seize
Sanctuaires
J’ai vu ton cœur souffrant se tordre en la nuée,
Dans ces rayons sournois que professe le pleur,
Au chevet d’un tourment souvent ensorceleur,
Toi la femme profonde au gouffre habituée !
Vois ce Sauveur hagard gisant sous la huée,
Devine le cri vif, incroyable douleur,
D’un Christ pantocrator, qui perce le malheur,
Une Marie étrange au Fils substituée !
Poète souviens-toi du vespéral manoir,
Qu’un délire édifie au temps du rêve noir,
Sanctuaire formel d’un mal-être sans borne !
Et le souffle des jours où palpite le ciel
Grimé d’affliction, quand l’azur semble morne,
Se lève en nos esprits comme un vent irréel !
Vingt-huit mai seize
Comme un homme
Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un homme,
Sauf aux jours de détresse où s’animait l’enfer,
Où le charnel chaos, subtil verrou de fer,
Me révélait si jeune et peu mature en somme !
Sombre semblait la nuit, le temps paraissait comme
Quelque gouffre gelé, pareil à cet hiver,
Parcouru durement par l’intrépide ver,
Préférant un abîme à la chair de la pomme !
A l’heure du désir, quand on rêvait d’en-haut,
Sous le roc tutélaire agité par le flot,
J’entendais du néant sortir un cri farouche !
Et se fit agonir l’amer qu’on expiait,
Car les rayons de glace allongés sur ta couche,
Se dressaient au lointain en un tour inquiet !
Dix juin seize
Sérénité
Et vient le mal sournois, quand le trépas nous presse,
Mais je ne veux savoir que Christ crucifié,
Image sans contours d’un chef glorifié,
En des temps de combat où le ciel est ivresse !
Le Fils ne se dédit, fidèle à la promesse,
Concise en un sauveur au corps tuméfié,
Que des clous assassins rendent sanctifié,
Destin d’éternité valant bien quelque messe !
Voici que l’on retient sa dépouille en lambeau,
Projetée instamment au profond du tombeau,
Sous un jet de crachats qui se mue en semence !
O les regards transis et les serpents d’airain,
Dans le vrai de l’assaut, j’ai vu la grâce immense
Introniser un Maître indulgent et serein !
Vingt-sept juin seize
L'ombre d'été
Je ne connais du vivre aucun plaisir immense,
Mais le Prince de paix s’est incliné vers moi,
Quand le commun des jours se muait en effroi :
Que le Dieu tout puissant m’accorde sa clémence !
Sous le vert térébinthe, au temps futur je pense,
A ce combat avec l’inévitable toi,
Lorsqu’on soutient le gueux sans avilir le roi,
Soucieux d’un destin qui jamais ne commence !
Ami, te crois-tu fort pour une éternité ?
Qui t’attend désormais comme une ombre d’été :
Là-bas le rayon grince et l’aube semble morne !
Nous voilà si songeurs dans la fraîcheur du soir,
Juste libation par une nuit sans borne,
D’angoisse revêtus, dégoulinants d’espoir !
Six juillet seize
Au paradis du plaire
Se brise la prudence au paradis du plaire,
Et le propre de l’homme est ainsi de souffrir,
O ce cadeau du soir que nul ne peut offrir,
Quand la profonde nuit nous revêt de colère !
Sur le roc attendri l’instant caniculaire ;
Le tourment en bourreau se presse d’accourir
Et l’être aux cent facies se prépare à mourir :
A la porte des cieux le dessein cellulaire !
J’ai hésité, jadis, sûr de n’avoir été,
Qu’un pâle crépuscule en une éternité :
Me voilà proférant la parole infaillible !
Ah ! Combien j’aimerais te séduire à mon tour,
Au jour où le mal-être accouche, si paisible,
D’un enfant monstrueux qui nous vient de l’amour !
Quinze juillet seize
Le jardin des pleurs
Dans le jardin des pleurs l’impossible prophète,
Pareil à ce Messie au regard triomphant,
Nous délivre sa grâce en un jour étouffant,
De l’amour le creux noir, de l’abîme le faîte !
Vient le deuil de l’agneau, comme un moment de fête,
Admirable motif que le corps de l’enfant,
Cet adulte futur que la pudeur défend,
O victoire, profonde, autant que la défaite !
Mais peux-tu triompher sans avoir combattu ?
Voici passent les jours, le temps est court, sais-tu ?
Quand l’on pense saisir le sanglot de la pierre !
Au plus fort du combat ne se tient le milieu ;
Sous le courant diffus d’un flux à la paupière,
Dans le zéphyr si doux, j’entends soupirer Dieu !
Vingt-quatre juillet seize
Repentir
J’ai connu maint lien et passions superbes,
Mais voici qu’en ce jour, déjà, nous gémissons,
Psalmodiant encor d’impossibles chansons,
Epis durs assemblés en magnifiques gerbes !
Fument-ils donc au Ciel, les élus saints, des herbes ?
Et sont-ils tout tremblants tel Moïse aux buissons ?
Pareils au doux regard des glabres nourrissons,
Ondoiements si joyeux sur des faciès imberbes !
O les sombres projets que les hommes vains font,
Quand la prière indue agonise au plafond ;
Au contact du prochain, la méchante étincelle !
Ah ! Fratricides paix que l’on tire aux cheveux,
Sous un courant amer qui de nos yeux ruisselle :
Voilà le repentir appelé de tes vœux !
Trente-et-un juillet seize
La nuit de l'amour
Lorsqu’une larme point sur ton si beau visage,
Mon esprit attendri se pare de remords,
Pareils à ces regrets que professent les morts ;
Au plus fort du tourment, une cruelle image !
Dans la nuit de l’amour, l’irrémédiable outrage,
Et je ne sais s’il faut incriminer nos sorts,
Quand s’élève le sang jusqu’au niveau des mors,
Que l’existence gît sur le fronton de l’âge !
Ne t’enfonce surtout en des concepts mouvants,
Ces préceptes moraux qui ne sont que des vents :
Les affres du schéol ou la Vie éternelle !
Vois ce signe dernier imprimé sur le front,
Empreinte d’un poinçon à l’heure solennelle,
Marque du temps maudit où les rêves s’en vont !
Sept août seize
Humanité
Voici venir la gloire au moment du paraître,
Et le public ému déjà scande mon nom,
Mais toi dans le silence encor tu me dis : « non ! »
Le chant du rossignol se brise à la fenêtre !
Pour les uns il faut vivre et pour d’autres renaître,
Faut-il croire ô mon Dieu, tel Zeus au Parthénon,
Que jamais sur l’Olympe aboiera le canon ?
Et que l’on peut guérir le désespoir de l’être !
N’as-tu jamais connu l’horreur de vivre seul,
Quand le mal assassin se comporte en linceul ?
Mais le secours vient-il de la praxis du nombre ?
L’innocent se confie au parfum de l’encens ;
D’un soleil éternel il voudrait saisir l’ombre :
L’humanité ressemble à des bourreaux pensants !
Treize août seize
Dilemme
Vivoter ou…souffrir, voilà bien le dilemme !
Quand le soleil paraît autour des ossements,
Halètement de l’astre en des siècles fumants,
Or rien ne ternira le brillant de la gemme !
Mais as-tu bien saisi la nuance du « même » ?
Pareil à ce discours peuplé de tremblements,
Qu’un sourire délivre à l’instant où tu mens,
Laissant l’être exulter dans un matin si blême !
En ce cruel malheur tu veux rester debout !
Le dégoût d’au revoir ne peut confondre tout,
O l’infâme tombeau d’une gloire surfaite !
Accomplis à présent ton destin pas à pas !
Assumant de l’esprit l’impossible défaite,
Et bientôt ce courroux qui se mue en trépas !
Vingt août seize
Houle marine
Au bruit de l’océan, de la houle marine,
L’albatros insoumis, précipité des cieux,
Attire nos regards par son vol gracieux,
S’immergeant tour à tour dans l’eau puis la bruine !
Voici les fiers clippers sur un flux en ruine ;
J’ai vu tant de vaisseaux chargés d’or précieux,
Dans l’onde s’abîmer pour les derniers adieux,
Remous incandescents que l’orage décline !
N’entends-tu pas au loin le chant des matelots ?
Marins de tous les bords qui dominent les flots,
D’une incantation arrogante et hautaine !
Poursuivre son chemin quand l’azur se fait vain ?
Mais qui donc tient la barre ? Il n’est de capitaine !
Irons-nous ainsi seuls jusqu’au monde divin ?
Vingt-quatre août seize
Ecume
Vois déjà sur mon front l’insaisissable écume,
Pareille à la rosée en un jour étouffant,
Qui confère au vieil homme un visage d’enfant,
Le ciel bleu pour une heure et pour l’autre la brume !
O d’un combat perdu la terrible amertume !
Lorsque, dans le lointain, comme un mal qu’on défend,
Le grand soleil d’autrui ne se veut réchauffant,
Pâles rayons d’un soir que le prophète assume !
Face à ce sort si dur souvent tu dis : « pourquoi ? »
Rejetant par ce mot l’inestimable foi,
Quand rien ne vient guérir ton désespoir farouche !
Revoilà le néant, brouillard mystérieux,
Bien plus grisant encor qu’un baiser à la bouche :
Dans la sombre clarté j’ai vu pleurer tes yeux !
Trente août seize
Ne crains pas !
Si tu veux agonir jusqu’à la fin de vie,
N’oublie alors jamais de mesurer ton pas,
Même quand le destin t’approche du trépas,
Détachement trompeur et pitoyable envie !
O le manque affectif que la raison dévie,
Mais sois le bienvenu pour l’émouvant repas,
Où ce Jésus si pur t’affranchit du « ne pas ! »
A l’heure où l’espérance abonde, inassouvie !
Dans ton aveuglement le néant tu parcours,
Redisant ton mal-être en les cieux alentours,
Pareil au fol oiseau que l’aquilon emporte !
Mais quand soufflent les vents, t’assumer je ne puis :
Ouvre de ton esprit le verrou puis la porte !
Ne crains pas d’attiser de grands feux comme appuis !
Six septembre seize
Par la main
S’il nous faut vivre encor au plus fort de l’angoisse,
Alors abandonnons toute forme de mal,
Ce travers qui dément le plaisir animal,
Libation d’un soir comme un papier qu’on froisse !
Veille toutefois que ton pouvoir ne s’accroisse ;
Si bien sûr de gémir, il te semble anormal,
Ne te prive jamais du besoin lacrymal :
L’archange astucieux a changé de paroisse !
Le Maître insoupçonné te prendra par la main,
Sacrifice impromptu de tout le genre humain,
Quand l’Hermon est couvert d’un halo qui nous tire !
Devant l’autel le vrai se mue en pesanteur :
De l’être sur la croix revoilà le martyre,
Lorsque l’homme, impuni, se pose en seul acteur !
Douze septembre seize
L'être suffisant
Notre patrie à nous, poète, est dans la Vie,
A l’endroit du souffrir, au milieu de l’espoir,
Quand le temps se revêt d’un vêtement si noir,
Mais du plaisir commun il faut trouver l’envie !
Entends le ciel rieur, sens l’aube inassouvie,
Où le désir féconde un appel vers le soir,
Lorsque du seul destin on ouvre le tiroir,
Pieuse intention qu’un mal-être dévie !
Pour l’être suffisant il n’est pas d’avenir,
Sauf peut-être celui d’un naufrage à bannir :
Impétueux chaos de l’enfer où nous sommes !
Voici le corps rompu dans l’ombre du tombeau,
Sacrifice vivant qui confond tous les hommes :
Jamais je n’ai rêvé d’un dénouement si beau !
Dix-huit septembre seize
Au-delà
D’un talent méconnu l’instinct divinatoire :
C’est certain il te faut songer à l’au-delà,
Qui bien sûr te fait peur puisqu’encor te voilà,
Cherchant dans les alcools un soin à ton histoire !
Lève l’ancre au matin pour un bord illusoire,
Jadis enfant maudit que le Père accabla,
Sur le mont éternel j’entends gémir Tsilla,
Et Caïn effrayé perd alors la mémoire !
Or point d’enseignement tiré par les cheveux,
Quand l’âme se dévoile en de touchants aveux,
Même si désormais ton passé ne flamboie !
Voici donc ce Seigneur cheminant parmi nous,
Sauveur compréhensif dont on ressent la joie,
Lorsqu’Il fait de l’amour un message si doux !
Vingt-cinq septembre seize
Maranatha
D’un Christ agonisant le cri prémonitoire,
Quand le soldat moqueur ne partage l’habit,
O vile créature, être sans acabit,
A l’heure où l’officier se met soudain à croire !
Vois le Fils assoupi dans sa demeure noire,
Et le démon muet à l’imposant débit,
L’aliénation que la femme subit,
Mais l’esprit incrédule infirme la victoire !
Incroyable propos d’un Sauveur qui ne ment :
Dans l’abîme profond battent confusément,
La vague rédemptrice et sous le ciel la pluie !
Il bénit tout un peuple, on lui crache dessus !
Rejeton de David qui jamais ne m’ennuie,
Maranatha sublime! Oui, viens, Seigneur Jésus !
Premier octobre seize
Le siècle à venir
Nul ne peut effacer les grumeaux de l’écume
Et le nazaréen ? Il agonise en roi !
Disciple, ton regard est constellé d’effroi,
Soldat d’un univers où le Destin s’embrume !
Sous un soleil cruel qui lentement s’enfume
Voici que le flux noir chargé de désarroi
Déferle en un ressac à l’infini charroi :
Combien de flots crachant une bave posthume !
N’entends-tu pas la voix des peuples à genoux ?
Dans le siècle à venir, amis, que ferons-nous ?
Allons-nous hériter du seul Salut qui reste ?...
…vint la procession des êtres inquiets
( O mourants vous peuplez déjà l’endroit funeste)
L’épée étincela : dans la nuit je criais !
Cinq décembre quinze
Illumination
La flamme du destin en la nuit me dévore,
Pour hériter du mal je ne sais le chemin :
Si le sceptre des jours a quitté notre main,
Nous voilà sous les feux d’une sublime aurore !
L’astre s’en va fumant, brasier que l’on implore
Et le désir jaunit, pareil au parchemin,
Au chant des graciés nous souffrirons demain,
Sacrifice d’un soir où l’on s’immole encore !
Comme un reflet d’automne à l’horizon des mots
Le ciel d’éclairs s’embrase, innervé de rameaux :
Qu’il vienne illuminer nos extases secrètes !
Dans ces lieux qui se font tristes et solennels,
Sous le joug fugitif des ultimes retraites,
Les bruits d’un temps nouveau s’élèvent, éternels !
Quinze décembre quinze
Linceul
(treize novembre)
Alors que sur Horeb se pose la rosée,
L’humanité renaît en des gris éclatants,
Frères, reverrons-nous le sacre du printemps ?
A braver l’univers, l’âme semble épuisée !
Des espoirs d’ici-bas, ressens-tu la nausée ?
Concise en ces esprits menaçant nos instants,
Emplis d’un zèle amer, sombres Léviathans,
O le sort sibyllin du vrai prophète Osée !
Et les cris et le sang aux portiques d’airain,
Peuples de ces pays où l’on vivait serein :
D’un souffle passager, j’ai perçu la détresse !
Au plus fort de nos nuits, toi qui parles tout bas,
Quand un désir de feu nous malmène et nous presse,
Vois ce linceul ardent recouvrant nos ébats !
Vingt décembre quinze
L'étoile du matin
L’aube s’est approchée, ainsi s’en va le rêve…
Quelque pleur dans l’azur s’efface sans un bruit,
Là-bas sur l’horizon le luminaire fuit,
Implacable défi qu’un vrai serment relève !
Pour le séjour des morts point de formule brève :
Je sais que l’immortel glorifie en la nuit
Ce besoin de gémir qu’une éternité suit,
L’autel incandescent ou la place de grève !
O ces tourments indus si l’on croise le fer
Car le lien du mal se consume en enfer,
Brûlure de l’esprit qui fait grandir la flamme !
Mais l’étincelle sied de même au pur destin
Et les Cieux de toujours sont le souci de l’âme :
Bientôt se lèvera l’étoile du matin !
Trente-et-un décembre quinze
Les chants du Mandylion
J’ai vu la fin des temps où l’agonie emporte,
Princesse du souffrir qu’une sacralité
Immole sur l’autel de notre éternité :
Voyage de toujours d’une pâle cohorte !
Et le sang glorieux car ce Fils qu’on exhorte
Par les appels pressants à la divinité,
S’illumine soudain comme un ciel en été,
La clef pour le verrou, pour les âmes la Porte !
Survivre à son amour, ô mon Dieu se peut-il ?
La patrie irrédente aboutit à l’exil
Mais l’astre en son lever rarement ne flamboie !
Même au jour du courroux, quand l’esprit se fait pur,
Rien ne viendra ternir l’inestimable joie
D’un Christ enraciné dans l’espoir du futur !
Cinq février seize
N'entends-tu pas ?
N’entends-tu pas l’airain résonner dans la plaine ?
Alors que sur la nue arrive le Seigneur,
Comme un vent de pardon puissant et salvateur :
C’est le souffle de Dieu, mystérieuse haleine !
Le jour chasse la nuit, vois cette lueur pleine !
A l’horizon défait, un éclatant bonheur,
Les colonnes d’humains se succèdent sans heur
Puis le meilleur du jour vient transcender la peine !
Voilà dans sa misère un pécheur recueilli
Par cet Etre changeant le courroux en oubli,
O la félicité que Sa grâce redouble !
Pour abolir l’aurore, un déluge il faudrait,
Jérusalem des Cieux tu ne connais le trouble !
Eternelle patrie où le pleur ne paraît !
Vingt février seize
Gloire ?
Narcisse invétéré recherches-tu la gloire ?
Ton sceptre de justice est un roseau charnel,
Pareil à ce transport oublieux du réel,
La nuit succède au jour et se perd ta mémoire !
Empreinte de l’humain si tortueuse et noire !
Où le pleur passager se proclame éternel
Comme un vent de froidure asservissant le ciel :
Vient déjà l’agonie, ô mort je ne puis croire !
Perturbé dans l’esprit par l’établissement
D’un mal-être sournois qui se mue en tourment,
Tu t’en vas peu à peu vers cette nue immense !
Dans tes pas hésitants s’invite le chemin,
Au plus profond du cœur, nul soupçon de démence :
Le chant des graciés apprivoise demain !
Huit mars seize
Au plus profond de l'être
Souffrir encor, gémir, au plus profond de l’être !
Quand dans le mal sournois s’éternise le jour
Et que l’instant cruel accroît le désamour
D’avec ce siècle obscur où il nous faut paraître !
Ce Fils interrompu, plusieurs l’ont vu renaître,
Resterons-nous muets chacun à notre tour ?
S’il faut louer un Dieu que l’on proclame autour :
Dès lors que tu L’attends, tu Le verras en Maître !
Agonise l’azur et le sang devient noir,
Formidable chaos où l’on peut entrevoir
Bien des sanglots, des pleurs que le remords amène !
L’abîme est parcouru de feux alanguissants
Et le tourment agite une coupe si pleine
Dont le breuvage étrange a le goût de l’encens !
Vingt-cinq mars seize
Ce monde
Quitter ce monde impie où l’argent règne en maître,
Impossible pari de l’improbable jour,
Quand l’aquilon se tait et que se perd l’amour,
A la fin du parcours, il nous faudra renaître !
Dans le comportement, le souci du paraître,
Face à ce mal sournois, un destin sans retour !
Les lueurs de la nuit se défont tour à tour,
Et le mensonge inné s’élève comme un reître !
Veux-tu parfois fouler le lisier des héros ?
O toi dont le regard confond tous les bourreaux,
Le mal saisit le bien et se brise l’aurore !
Au-dessus du chaos, le Fils qui soutient tout !
Seule incarnation de ce Dieu qu’on implore :
Devant le sanhédrin je me tiendrai debout !
Dix avril seize
Aussi loin
Aussi loin que je voie, il est une colonne
Dans le temple de Dieu, comme un vivant pilier,
Simple émanation du Fils humilié,
Monument de carton qu’un zéphir déboulonne !
Bientôt gémit au loin, pareil au glas qui sonne,
L’exsangue Lucifer que l’on trouve lié,
Sur le noble fronton de l’être gracié,
Halètement final d’une histoire félonne !
Vivre au-delà des mots, quand le jour se fait nuit,
Que se perd la lumière et que le temps s’enfuit :
Voici sur l’horizon le Prince que tout nomme !
Angulaire rocher d’un rempart si subtil,
Contre de maints concepts précieux à tout homme,
Au chant énamouré se termine l’exil !
Sept mai seize
Ignorance
Probable mésentente et trahison possible,
Comme ces tremblements de l’astre inachevé,
Formidable salut acquis au réprouvé,
Quand le Christ interrompt la souffrance indicible !
En ce jour de départ, ne te trompe de cible !
Pareil au grand Elie à la nue enlevé,
Ou le Moïse enfant que la femme a trouvé,
O geste impétueux pour échapper au crible !
Poète ouvre ton cœur pour ne plus agonir,
En un jeu triste et vain ; car il n’est d’avenir
Pour la rébellion qu’engendre le délire !
Tout au long du parcours, fixes-tu le néant ?
Dans le commun des temps les Ecrits sais-tu lire ?
Rien ne viendra guérir ce désespoir béant !
Dix-neuf mai seize
Nuée
Voici que le Sauveur paraît en la nuée,
Incroyable soleil de l’impossible soir,
Dont les rayons joyeux attisent notre espoir,
Et l’angoisse déjà s’en va, diminuée !
Mais au pied de la croix, la femme exténuée,
Engendrant un salut que l’on peut entrevoir,
Se répand en sanglots au creux du songe noir,
Terrible vision d’un trait insinuée !
Eprouves-tu parfois les grands frissons du mal ?
Quand tu ne peux jouir du plaisir animal,
D’en bas cette grandeur et d’en haut quelle cime !
Mon cri se fait silence et le gouffre, profond !
Au plus fort du tourment resplendira l’abîme,
Libation d’un âge où les rêves ne vont !
Sept juin seize
Les mendiants
Suspicieux, frustrés, vous peuplez les églises !
Tous mendiants de Dieu frappés de cécité,
Quand le temps des moissons ne ressemble à l’été :
Dans des crédos étroits et trompeurs tu t’enlises !
De l’enfer le soupir, du ciel les vocalises,
Sémantiques débats pour une éternité
D’où l’on aimerait bien ne pas être jeté,
Sous le rapport d’un dogme aux accents de sottises !
Chrétiens de tous les bords sur Narcisse accroupis,
Evangiles formels de croyants décrépits,
Je sens l’esprit obscur se fondre en la nuée !
Rationaliser désormais le ciel bleu,
Voilà ce que redit notre âme remuée,
Et quitter pour toujours le conceptuel lieu !
Seize juin seize
Libres
Les esclaves d’en haut font les meilleurs gens libres,
Même au temps de tristesse où se cache le ciel,
Quand le chaos latent se déclare éternel,
Rhétorique d’une heure à damner les félibres !
Dans ta quête d’amour, tu perds les équilibres !
Mais tu ne veux songer à te priver du miel
Que procure parfois le mirage charnel :
Te voilà transpirant par le commun des fibres !
Femme, te souviens-tu de ces propos trompeurs ?
Ces mots qui n’ont permis de balayer tes peurs :
Que te sert-il alors de courir après l’ombre ?
Nous voici langoureux dans le calme du soir ;
Des chercheurs de néant nous grossissions le nombre,
Mais déjà se profile au lointain notre espoir !
Vingt-neuf juin seize
Eperdument
Jamais je n’ai connu l’être rêvé, ni celle
Que l’implacable sort peut mettre en le chemin,
S’il se peut que le choix survive au lendemain,
Vois le prêtre insolent consacrer la pucelle !
Au plus fort de nos jours le mal-être ruisselle,
Comme ce flux hagard qui s’enfuit dans la main,
O le rire impossible et le déboire humain,
Quand le rapport à l’autre induit une étincelle !
Te voilà m’observant de cet œil endormi,
Ouvre-moi ce regard qui ne voit qu’à demi,
Lorsqu’au temps de l’amer tu contestes sans cesse !
Ah ! Le séjour si dur où le désir est dieu,
A travers les transports d’une âme de princesse,
Lassée éperdument des affres du ciel bleu !
Dix juillet seize
Le berger
Mais voici le Sauveur régnant sur un abîme,
Ces esprits en prison qui déjà sur l’autel,
Se virent confondus comme au temps de Babel,
Perpétrant à jamais l’inénarrable crime !
Du Ciel le béant creux, du bel enfer la cime,
Quand des soldats moqueurs le proclament mortel,
Petit épi de blé qu’un destin éternel
Secoue au gré du flux et du parcours intime !
Puis le cadavre ceint d’un oppressant linceul,
Du sinistre tombeau tout à coup jaillit seul,
Après avoir souffert l’opprobre et le mensonge !
Et le penseur rêvant au milieu de ses vers,
Se révèle si prompt lorsque son regard plonge
Dans l’océan du mal où les flots sont pervers !
Vingt juillet seize
L'insatiable moi
Passe le temps ancien et j’ai connu sur terre
Tant d’immatures gens qui luttent dans l’effroi,
Seulement pour asseoir l’insatiable moi,
Mais le regard d’autrui serait-il solitaire ?
Se contempler un peu, visage délétère,
Voilà le sort commun, celui qui sied au roi,
Or sous un ciel si clair dans l’ombre je te voi
O combien j’aimerais, pour le futur, me taire !
Savoir, dans le tourment, quand nous devons lutter,
Bénir l’homme de rien, le Salut convoiter,
Fers immémoriaux brisant les aphorismes !
S’insurger ? Mais alors, sans prononcer un mot !
Sans confondre bien sûr piétés et rigorismes :
D’un peu de beauté folle en ce désert il faut !
Vingt-huit juillet seize
Ecce homo
Alors que le mortel oublie Eve et la pomme,
Sous un soleil obscur la dépouille chauffant,
Où voltige la mouche en un jour étouffant,
Se lève un songe noir, charnier putride en somme !
Je suis celui qui pense, ah ! si tu faisais comme !
Ne te vêts de rigueur, c’est un habit d’enfant,
Et l’être corporel que le désir défend,
T’amènera demain à la stature d’homme !
O narcissique fond de l’inhumanité,
Quand par un matin calme on meurt d’avoir été,
Quoique rien sous les cieux mais à jamais poète !
On lui crache dessus, le voici renégat,
Ce Maître transcendant, solitude muette,
Elevant dans l’horreur l’Amour qu’Il nous léguât!
Quatre août seize
Le discours de l'impatience
S’en va le temps ancien et j’ai connu sur terre,
Bien des deuils, des tourments, que l’heure n’interrompt,
Les insolents regards puis le crachat au front,
Mais c’est l’Esprit de Dieu qui me tient solitaire !
Tu me dis : « viens et vois! », escadron du mystère,
Térébrante douleur d’un jugement trop prompt,
Quand tu ne peux souffrir l’irrémédiable affront
D’un discours assassin : ô sibylline guerre !
Te voilà bien perdu, tu chemines pensif,
De langueur agité mais paisible sous l’if,
Soignant sans passion du jour maudit la plaie !
Avant que de jouir déjà le malheur suit,
Mais nul ne veut attendre une ombre de la haie,
Et quand l’aube s’achève on aspire à la nuit !
Dix août seize
Tiens-toi prêt !
Tiens-toi prêt à fourbir du Ciel la rhétorique !
S’il se peut ne gémis à l’heure du tourment,
Approuvant le discours du Verbe qui ne ment,
Quand l’Etre au flanc percé le Salut communique !
Soubresaut du désir qui dans l’instant nous pique,
Et le malheur paraît dès l’aube brusquement,
Lorsque l’amour surgit par un enchantement,
Eclairant le chemin sur un mode mystique !
Et comme par hasard le miracle ne suit,
Intemporel transport que le rêve produit,
Manifestation d’un mal-être sans borne !
O le timide éclat d’un astre sans rayons !
Plus rien ne peut guérir la solitude morne,
Ce gouffre d’autrefois où sans but nous fuyons !
Dix-sept août seize
Le génie du poète
Et le poète vient, pour un peuple l’Histoire,
Donc ceins-toi de génie à l’heure du commun,
Quand le vent magnifique accouche d’un embrun,
Dans un erg glacial, sous une lune noire !
Entends pleurer la femme en la rigueur du croire,
Où l’on voit un sauveur infirmer le tribun ;
Je demande son nom, mais l’un me dit : « aucun ! »
Et cet autre murmure : « il est seul à ne boire ! »
Penseur fixe les yeux sur le bord éternel !
Ce lieu de tous les temps où plus rien n’est charnel,
Le chaos transcendé d’un regard si sublime !
Du vers ensorceleur l’effroyable tourment,
Lorsqu’on parfait sans fin le chant pur de la rime,
Effluve d’au-delà que le Ciel ne dément !
Vingt-trois août seize
Séparations
Qu’il est doux pour nous tous de séjourner ensemble !
Comme ces arbres verts plantés près d’un cours d’eau,
Qui trouvent dans ce sang le remède au tombeau,
La sève pour la feuille et pour le bois le tremble !
Tu redis : « aimons-nous ! » en un pas qui va l’amble !
Face à l’insecte noir qu’on bannit du chapeau,
Devant ce dur destin qui te colle à la peau,
Je ne dis : « ah voilà ! », mais plutôt : « il me semble ! »
Car que puis-je ô mon Dieu ? Moi le gamin d’un jour,
Délivrant s’il le faut un peu de son amour,
Quand sous la nue amère on aboutit au drame !
O le geste assassin qui se produit sans heur,
Mais que veux-tu ravir au parent qu’on diffame ?
Nul ne peut transformer le dégoût en bonheur !
Vingt-sept août seize
Ce jour !
Et je ne sais combien, dans son immense grâce,
Jésus de Nazareth m’aura vraiment aimé,
Jusqu’à faire de moi l’immobile animé,
Ambition d’un jour, intraitable, vorace !
Incroyable défi pour les gens de sa race,
Et le crâne de Jean comme veut Salomé,
Sur un plateau cruel se trouve consommé :
Ephémère destin ! Mais la Fin, quand sera-ce ?
Le Fils te recevra ce jour parmi les siens,
Accomplissant alors les souvenirs anciens,
Tes désirs si profonds, plus purs et jamais comme !
Vois paraître bientôt à l’horizon défait,
Ce Sauveur tant meurtri que la mémoire nomme,
Car au jour du tourment nul être n’est parfait !
Trois septembre seize
Chimère
Partir encor demain au pays de chimère,
O le sinistre oracle annonçant l’avenir,
Quand l’être intransigeant se complait à punir :
Dans ce désert si froid j’entends pleurer ma mère !
Défections d’un sort que la voix énumère,
Jusqu’en ces soirs d’orage où l’on veut en finir,
Alors qu’il faut lutter sans en disconvenir,
Et remettre au jour même un discours éphémère !
A la face du ciel tu rediras : « je veux ! »
Sans jamais te répandre en d’éternels aveux,
Grand calme de l’esprit et vrai repos de l’âme !
Laisse venir à moi le tout petit enfant,
Rejetant les erreurs et le propos infâme :
Vois ton salut paraître au matin triomphant !
Neuf septembre seize
L'impossible archipel
Si tu ne veux douter alors il te faut croire,
Comme un être songeur épris de liberté,
Qui se perd dans l’azur aux accents de l’été,
Dépression d’un jour intemporelle et noire !
Le rêve vespéral s’immerge en la mémoire,
Incroyable propos de la fragilité,
Quand triomphe le moi, sans qu’il ait médité,
L’échec dans une main, dans l’autre la victoire !
De la terre et des eaux, l’impossible archipel,
Où les vents éthérés ont battu le rappel,
Pas un courant ne vient solliciter les arches !
Dans l’ombre inassouvie aperçois-tu le Ciel ?
Sous le soleil ardent, es-tu seul quand tu marches ?
Mets donc ton seul espoir dans le Christ éternel !
Quinze septembre seize
Le vrai de vivre
Vivre de cette vie immortelle et féconde,
C’est le vrai d’exister, semblable au papillon,
Quittant la chrysalide en un grand tourbillon,
Et volant dans un ciel que nul éclair ne sonde !
Te voici disparu, comme soustrait au monde,
Aussi livre l’élytre au gré de ce sillon,
Que creuse dans les airs un ardent bataillon :
Tu verras le secours triompher de l’immonde !
Amour prodigieux d’un Sauveur qui ne ment,
Quand l’être se détruit au plus fort du tourment :
Vois cet amical bras sur le bois du calvaire !
Eloigne ton esprit des abords du ravin !
O les reflets trompeurs d’une cité de verre,
Où l’idéal charnel n’aboutit au divin !
Vingt-et-un septembre seize
Vaincre
J’ai vaincu le lion, ce fauve sanguinaire,
Comme un tribun de plèbe inassouvi de sang,
Qui plongerait sa dague avec un cri puissant,
Dans le dur abdomen d’un preux légionnaire !
O cet infâme creux qu’une lame génère,
Où l’on voit suppurer sous un regard absent,
Un océan de pleurs au bruit assourdissant,
Quand l’homme en son esprit se fait visionnaire !
Entends le dernier râle à l’instant du partir,
Conférant au disciple un faciès de martyr :
La vie en son déclin se déclare éternelle !
Ne soumets pas ton âme à ces vapeurs de vin,
Et considère alors la vision réelle :
Il te faut réfléchir au vrai sens du divin !
Vingt-huit septembre seize