Les cieux infinis
L’éternité s’annonce au plus profond des mythes ;
Nul besoin de gémir dans le séjour du mort,
Cependant mon amie ô parle un peu plus fort !
Je ne sens du schéol que les dures limites !
Le prophète l’affirme, il ne s’agit d’ermites ;
Le Seigneur Dieu combat, jamais Il ne s’endort,
Par Sa grâce soumis, tu toucheras au port :
Rien en dehors de Christ, pas même les sémites !
On le mit sur la Croix, pareil à ce bandit,
N’entends-tu dans le vent cet oracle qui dit :
Vois Mon Fils bien-aimé sur le bois de misère !
Ce Maître tant connu dans les cieux infinis
Chérira l’Idéal au verbe si sincère :
Quand le Père éternel se confie aux bannis !
Quinze avril dix-neuf
Jusqu'en bas !
L’un interroge Dieu, l’autre invoque l’archange :
Nul ne connait bien sûr le jour de son départ,
Sinon il bâtirait sur l’angoisse un rempart
Qui le rendrait distant des assauts de la fange !
L’on cherche si souvent des autres la louange ;
Christ est un pis-aller vraiment pour la plupart,
Mais chacun veut du Ciel avoir sa quote-part,
Pour s’assurer dès lors de ne rien perdre au change !
Si l’on peut se soustraire au message trompeur,
Disons tout simplement : « ô Christ nous avons peur ! »
Dans l’éternel parvis il faut planter la tente !
Plus jamais dans l’obscur jalonné d’anciens bâts,
Nous n’entendrons la voix du démon qui nous tente,
Et croit nous attirer des hauts lieux jusqu’en bas !
Vingt-cinq avril dix-neuf
Viens au Sauveur !
Dessous son vaste front manoeuvrent les idées
De tout un univers, au seuil de l’infini,
Lorsque l’Ancien des jours Le transforme en banni :
Pour un moment les pleurs à des fins transcendées !
J’ai vu se départir sur nos lèvres scindées,
Le propos vespéral que l’on voudrait honni,
Celui qui se prononce en langage impuni,
A l’instant du chaos, des amours débridées !
O ces regards maudits que l’on croise le soir,
Pareils à ces désirs déguisés en miroir,
Quand le démon s’agite à l’heure où l’astre tombe !
L’azur peut triompher sur notre espoir défait,
Mais si tu te sens triste et bien près de la tombe,
Viens donc à ce Sauveur qu’un sanglot étouffait !
Cinq mai dix-neuf
Pieds nus
Le drapeau se défait comme au vent la tunique ;
Allez-vous en démons sous les pieds de Jésus,
Puisque dans le Royaume Il triomphe au dessus
De tout esprit impur, du propos satanique !
Notre croyance entraine un mal schizophrénique,
Héritant de la Grâce et de la Paix en sus,
Car bien sûr en tous points la Vérité je sus,
Au jour où Dieu prononce un récit canonique !
Ah ! Ce moment maudit où l’être va pieds nus,
Cherchant l’eldorado dans des lieux inconnus,
Même dans ce pays que l’on appelle France !
L’on naît sous les vivats et l’on expire seul :
Dans nos cœurs étonnés vient la triste espérance,
Quand la gangue de vie agonise en linceul !
Douze juillet dix-neuf
Les grandes funérailles
J’ai vu dessous les cieux les féroces batailles
Habitant nos soldats au mépris de ce sang,
Qui ruisselle du crâne et sous leurs yeux descend,
Comme un flux égaré sous d’ardentes mitrailles !
Mer, rejette tes morts du fond de tes entrailles !
Et toi glèbe chérie accouche de l’accent
Du sentiment vengeur qui va s’élargissant
Jusqu’au funèbre écho des grandes funérailles !
Sur le cadran des jours le guerrier courageux,
Anticipe son sort d’un geste valeureux,
Alors qu’il sent le mal concentré sur sa tête !
O le fatum mortel qu’il pense avoir choisi,
Quand au coeur du combat l’existence s’arrête :
Le fier destin s’achève et nul ne dit : « Merci ! »
Vingt juillet dix-neuf
Le Sauveur bien-aimé
Le Salut couleur sang ressemble à cette fraise ;
J’ai croisé le regard du Sauveur bien-aimé,
Lui qui fit de la terre un espace animé :
Je ne pus soutenir son facies de braise !
O mon Dieu que l’amour que l’on connait se taise
Un instant pour revoir le Maître susnommé,
Celui qui nous chérit ayant l’accoutumé
D’investir notre esprit d’une céleste thèse !
Toujours si près de nous, du printemps à l’hiver,
De la haute montagne aux abords de la mer,
Le voici concevant les feux du crépuscule !
Et passent les vieillards, les jeunes si contents ;
Nul besoin d’évoquer la fraîcheur qui recule :
Nous avons tout en Christ, même le cours du temps !
Vingt-neuf juillet dix-neuf
Le Royaume
Le voici remettant le Royaume à Son Père ;
Non ! Le Dieu tout-puissant n’a pas souffert en vain,
Depuis l’Egypte antique et les pains sans levain,
Jusqu’au monde parfait qu’un beau jour on espère !
Les démons incessants s’en vont plus que par paire,
Quand dans sa cécité le bel élu divin
Confond dessous l’azur la boisson et le vin,
Mais les anges du Ciel jalousent leur repaire !
Le dernier ennemi que l’on verra vaincu,
Assurément la mort ! Aurons-nous survécu ?
Nous qui peuplons nos jours de si fréquentes plaintes !
O ce Jésus si fort au Créateur soumis,
Affranchissant le juste oui de toutes ses craintes :
Son sceptre d’équité ne fait de compromis !
Dix août dix-neuf
Le maitre de guerre
Vois ce règne brutal de menace et de haine ;
Tu voudrais que ta glose asservisse les cieux,
Toi le maître de guerre en ces terrestres lieux !
S’il se peut que ce soit au nom de la géhenne !
O les cris infernaux qu’un vent trompeur déchaîne,
Quand l’être éperdument adore tous ses dieux,
Ceux d’hier et d’aujourd’hui, cherchant toujours le mieux,
A travers un brasier où l’autre ne se gêne !
Ami, te souviens-tu de ce démon muet ?
Prostré dans la pénombre où nul ne remuait :
Il te fallait gémir pour sortir de l’abîme !
On dirait que bientôt le vrai se fait liqueur !
Mais aucun ne détient le verbe qui ranime,
Mis à part l’Eternel et son discours du coeur !
Seize août dix-neuf
L'astre monstrueux
J’ai vu la terre entière affublée en mourante :
Les jours viendront où nul ne pourra travailler,
En dehors du Sauveur qu’il ne faudra railler,
Mais veux-tu le miracle ou bien alors la rente !
Le Maître mûrissait, son âge touchait trente,
Lui fils de Bethléem qu’on voyait émailler
Son discours émouvant de propos pour veiller…
Le peuple juif erra bien environ quarante !
Ami, qui que tu sois, dans ta grande torpeur,
Le défilé des jours te confine à la peur,
Aux souffles de jadis se perdent tous les songes !
O l’ombre mortuaire accolée à l’esprit !
Vers l’astre monstrueux dorénavant tu plonges
Accomplir ce destin où tout paraît écrit !
Vingt-quatre août dix-neuf
Le discours ideal
Mais savais-je vraiment si c’était bien moi-même
Qui marchait sur la route un beau soir de juillet ?
Déroulant ma foulée en un pas inquiet,
Tout seul parmi l’asphalte et les cris de « Je t’aime ! »
Pas un souffle de vent n’escortait ma bohème ;
Egarée en des cieux que l’oiseau vil niait,
Mon âme semblait triste et l’archange riait,
Déshérence d’un temps pour un bonheur suprême !
Méditant chaque jour un discours idéal,
L’autre faisait de moi son plus ardent féal
Et je n’avais pour but que le bien nécessaire !
Le cordage à trois brins facilement ne rompt :
Il nous fallait sortir ainsi de la misère,
Laissant sur le sentier le jugement trop prompt !
Huit septembre dix-neuf
La Jérusalem des cieux
Les jeunes et les vieux reposeront ensemble :
On ne parlera plus du sévère combat
Des générations, comme ultime débat,
Pareil à ces conflits d’autrefois il me semble !
Ô la larme qui point quand la paupière tremble,
Car le corps se dissipe en un charnel ébat,
Lorsque le vrai du vivre agonise en sabbat,
Sublime mouvement de nos pas qui vont l’amble !
Mais le temps des amours engendre des malheurs,
Bien que le Fils soit là pour calmer nos douleurs :
Regarde autour de nous la sainte citadelle !
Derrière ses remparts il n’est qu’un doux sommeil ;
Les portes de l’enfer ne prévalent contre elle :
Le Royaume de Dieu ressemble à ce soleil !
Vingt-sept septembre dix-neuf
Pas la fin !
Si tu crois que mourir achève l’existence,
Ami, détrompe-toi, l’âme n’a pas de fin,
Qu’on soit chercheur de Dieu dont l’éternelle faim
S’assouvit en la nue, ou plein d’inappétence !
A l’être conséquent l’insatiable stance,
De Celui qui séjourne avec le séraphin,
Mais volontiers reçoit le plus vil aigrefin,
Accordant Son pardon, lui prêtant assistance !
O les hommes sans foi dans leur sphère accablés,
Revêtus des habits de la saison des blés,
Sur lesquels je m’épanche en des sanglots énormes !
Pour plusieurs d’entre nous vient le dernier moment,
L’on enterre les morts aux visages sans formes,
Sans réaliser que c’est le commencement !
Trois octobre dix-neuf
Que la mort est belle !
Etre supérieur, Dieu, que la mort est belle !
Lorsque paisiblement l’on s’en va vers demain,
Retrouver ce Sauveur qui nous saisit la main
Et qui ferme les yeux même du plus rebelle !
Aux portes du néant la douce colombelle,
Comme une signature au bas d’un parchemin,
Dévoilant son auteur, le pourquoi du chemin,
Et les mots de toujours écrits en ribambelle !
Mais au souffle du soir tu fus interloqué,
Par ce brouillard épais apparaissant bloqué,
Sur la crête des cieux, au firmament de l’astre !
Vers notre seul destin nous allâmes si nus,
Jusqu’à ce que la nuit se transforme en désastre,
Quand l’aube se dévêt parmi des inconnus !
Dix-sept octobre dix-neuf
Prosélyte
Tu parcours terre et mer pour faire un prosélyte,
Toi le géant de Dieu, mais si loin du réel :
Cité de Makkéda, vallon de Jizréel,
Vous voilà fissurés, pareils au monolithe !
Bastion de Satan, ô trompeur acolyte,
Le dessein de tes jours apparaît si charnel,
Comme un aigle boiteux au sanglot éternel,
Mais voudra-t-on demain du culte israélite ?
Revoici c’est certain le destin effrayant :
Parmi les pleurs obscurs j’ai vu Judas fuyant
S’en aller désormais les paupières rougies !
Sens-tu le Cri faiblir comme passe l’azur :
A présent animé de verbales orgies
Devant le Rédempteur paraîtras-tu plus sûr ?
Vingt-huit octobre dix-neuf
Le mur
Passants, arrêtez-vous ! J’ai si froid en la tombe !
Mon âme s’est perdue en scrutant l’infini,
Ici meurt le sanglot de mon œil impuni :
De mes pleurs bien amers la cruelle hécatombe !
Mais la fin de nos jours serait-elle colombe ?
Lorsque l’esprit s’en va vers ce lieu tant honni
Qu’on appelle au-delà, sous un soleil béni,
Bien loin du crépuscule et de la nuit qui tombe !
O les frères humains dont on se plaint toujours,
Epine douloureuse au flanc de nos amours,
Quand le coeur se dévêt dans le feu de l’épreuve !
Peut-on trouver le Beau dessous le ciel obscur
Qui frappe la raison comme mugit le fleuve :
Contre tous nos forfaits s’élève un puissant mur !
Quatre novembre dix-neuf
L'accusateur
Faut-il donc répéter l’histoire de la pomme ?
Quand saigne le présent, pleure le lendemain :
O ne vois-tu le diable accuser l’être humain
Devant Dieu, le quidam par la bouche d’un homme ?
Inondé de tourments, te voilà déjà comme ;
L’on sait bien que parfois Satan baise la main,
Ainsi pour nous séduire, en un cousin germain,
Funèbre festin que le mensonge consomme !
Démons de tous les temps, vous vivez dans la nuit,
Pareils à ces bourreaux que l’enfer ne détruit,
Proposant dans le mal un poison explicite !
La haine en son discours vient affaiblir l’azur,
Mais si tu veux sortir d’un péché qu’on récite,
Viens donc à ce Sauveur au langage si pur !
Sept novembre dix-neuf
Désert de toi
Combien j’aurais aimé te dire tant de choses,
Mais le pleur à mes yeux s’est figé d’un seul coup,
Comme l’agneau transi prostré devant le loup :
Les plaintes de l’Exil paraissent si moroses !
Désert d’Atacama, l’épine sied aux roses :
Parmi les fleurs de sang je te voyais debout,
Cherchant ce petit rien ou cet immense tout,
Orgueil démesuré dans lequel tu reposes !
Devant le feu du quartz, l’astre se fait distant,
Diaspora du roc qui fuit à chaque instant,
Seule émanation de la chaude nature !
En les sables amers rien de ce qu’on rêva,
Même pas le grand vol de quelque créature,
Mais vois au ciel d’argent un ersatz qui s’en va !
Onze novembre dix-neuf
L'adulte, cet enfant !
Combien de temps faut-il pour apprendre les choses ?
Je sanglote le jour et je pleure la nuit,
Mon âme se défait sans produire aucun bruit,
Mais dites-moi parents, les gens s’en vont moroses !
L’on m’avait dit gamine : « Observe bien les roses ! »
Qui penchent dans le sens où l’aurore s’enfuit,
Pareilles à ces lys qu’on moissonne à minuit :
Devant ce postulat j’ai dû changer de proses !
J’éviterai l’opprobre en paraissant debout,
Avec l’esprit serein c’est sûr j’oublierai tout
Et l’homme à mon côté pour le festin s’apprête !
Quand le cri devient rare il ne s’agit de deuil ;
Le temps se fait clément, le jugement s’arrête :
J’étreindrai l’infini comme un mort son cercueil !
Quatorze novembre dix-neuf
Le baptême déplour
Gare aux marchands d’espoir, enfants de la géhenne !
J’ai su par les journaux ton imminent retour ;
Souviens-toi de jadis : tu m’aimas sans détour,
Bien loin du decorum et du jeu de la haine !
Fi du discours putride et des mots qu’on déchaîne !
En des feux attendris l’on se faisait la cour,
Point de nuage noir au ciel de notre amour,
O le bonheur sans tâche et la douceur pérenne !
Sauf qu’au fil de nos jours me voilà si pensif,
Cruellement atteint d’un geste compulsif :
Voici qu’il faut souffrir avant d’être poussière !
Et l’œil s’en va meurtri, par le pleur agité,
Car malheureusement l’on ressent la misère
De nos infimes corps face à l’éternité !
Seize novembre dix-neuf
Ô Jéruslem
Mais je te reconnais : tu fus un grand apôtre
De ce nazaréen, reconnu comme roi,
Au chevet de sa race et des gens tels que toi,
Quelques agitateurs au goût de patenôtre !
L’un se perd en louange envers un Dieu tout autre,
Ce Jésus innocent suscitant tant d’émoi,
Parmi cet Israël frappé de désarroi,
L’autre compte son dû puis dans la mort se vautre !
Voici donc le Calvaire et Pilate irrité
Confie à ses soldats le Maître en la Cité
Et deux larrons saisis par le supplice énorme !
Ils sont trois sur le Crâne et le plus vil a faim,
Tous tordus de douleur sous un faciès difforme :
De corps tuméfiés serait-ce ainsi la fin ?
Dix-sept novembre dix-neuf
Trahison
Je te considérais comme un ami fidèle,
Rempli d’affection pour tous les mal-nantis,
Ces frères qu’on méprise et qui s’en vont blottis
Contre ton cœur de père où fleurit l’asphodèle !
Puisque pour tous les miens tu fus un vrai modèle,
Ne vêts donc à présent ces faciès pervertis
Que tu prenais toujours pour tromper les petits,
Fausse inclination que l’amour ensorcèle !
Par ton doigt criminel me voici dévoilé !
Au matin du bonheur ta main m’a violé :
Que ferai-je demain avec ce poids horrible ?
S’il sied à mon esprit je resterai vivant,
Agonisant parfois d’un soubresaut terrible
Mais où trouver la paix pour moi dorénavant ?
Dix-huit novembre dix-neuf
Amour et connaissance
Car la Connaissance enfle et l’Amour édifie ;
Dans les pires moments on parle à Jéhova,
Comme un rêve éveillé qui chaque jour s’en va
Et que l’on renouvelle, auquel nul ne se fie !
O la face du Mal par les larmes bouffie :
Avec un tremblement la douleur arriva,
Cette ombre de la Nuit à laquelle on rêva,
Funeste sanction que rien ne justifie !
L’âme grandit et meurt, je sais cela mon Dieu !
Quant au corps il pourrit ou s’enflamme en tout lieu :
Considérons pourtant que tous les jours on souffre !
Ne sens-tu des humains le dénuement profond :
L’esprit perdure-t-il dans le si profond gouffre ?
C’est parmi l’irréel qu’à jamais ils s’en vont !
Vingt novembre dix-neuf
Mammon
L’on se croit détaché mais aucun ne fait comme !
Car il nous faut souffrir avant que d’être aimé,
Pour sortir de notre œil l’esprit inanimé,
Ce seigneur de l’argent qui tyrannise l’homme !
Mais faut-il réfléchir au récit de la Pomme ?
Quand le premier humain par la Bête acclamé
Abandonne le Bien pour toujours déformé,
Pureté d’un jardin que l’on piétine en somme !
Ainsi depuis ce jour Mammon règne en tout lieu,
Le quidam le sait bien, ne pouvant dire adieu
A ce diktat pesant comme un joug sur la bouche !
Ami, ne désespère : il faut avec amour
Lever la pression demeurant si farouche
Puis ouvrir le volet qui condamne le jour !
Vingt-deux novembre dix-neuf
Les nouveaux combattants
France accueille tes fils, tous morts pour la Patrie !
Ne te retourne pas sur tes vains agresseurs,
Ils étaient eux aussi peuple de défenseurs,
Promenant sous les cieux une chair si meurtrie !
La nation se fait république flétrie,
Quand elle n’a pour joug de vrais intercesseurs,
Des enfants valeureux jamais envahisseurs,
Preux serviteurs d’un prince aux traits d’idolâtrie !
Entends-tu sur les monts le fracas qui ne ment
D’un régiment en marche au songe si dément ?
Car l’homme devient loup parmi ses congénères !...
Le silence se fait. L’on se tait devant Dieu
Mais un coup de canon clôt les préliminaires :
Désormais le combat ne cesse dans ce lieu !
Vingt-cinq novembre dix-neuf
L'amour vrai
Pourquoi s’inquiéter au grand jour de l’épreuve ?
Regarde ton chemin : n’as-tu pas un Seigneur ?
Car lui seul peut t’offrir un éternel bonheur,
Loin de ces vérités dont Satan nous abreuve !
Pour ce qui vient de Dieu, l’on recherche une preuve ;
Prophètes du néant, jurez moi sur l’honneur
Que l’imposant Victor fut plus qu’un sermonneur ;
Mieux le Messie en croix que le grand Sainte-Beuve !
Et vous ont-ils donné cet amour tant omis ?
Par tous ceux qui bien sûr ne l’ont jamais commis,
Propulsant le discours au niveau de la farce !
Considérons le vrai dans ses atours d’airain :
Je vois la sainteté parmi la vie éparse,
Taisons-nous mes amis, le Christ est souverain !
Vingt-sept novembre dix-neuf
Libre ?
Si le joug se fait dur, change donc de modèle !
Tu ne veux pas de maître ô mon Dieu que c’est beau !
Bourré d’illusion tu t’en vas au tombeau,
Sur ton corps pourrissant fleurira l’asphodèle !
Car tout homme paraît pour le moins infidèle,
Esclave de lui-même il se fera flambeau,
Jusqu’à sacrifier une chair en lambeau,
Quand la cruelle guerre advient en cicindèle !
Seigneur ! Ce serait donc la douleur en tous lieux ?
Lorsqu’on veut faire fi du Ciel et de ses feux,
Seules conditions au changement des choses !
Or le diktat du moi te transforme en vaincu :
Ami ta liberté pousse aux métamorphoses
Et vire à l’anarchie où ton âme a vécu !
Vingt-huit novembre dix-neuf
Après la chute
Rien ne semble amoindrir la folie où nous sommes :
L’herbe pousse en effet par dessus le charnier
Et la trompette sonne au jugement dernier,
Tumulte grandissant qui frappe tous les hommes !
Considérons dès lors comment croissent les pommes,
Ces fruits de paradis dont Adam prisonnier
Consomme alors la chair d’un geste moutonnier,
Véhiculant le mal jusqu’aux moindres atomes !
Mais ne perçois-tu pas la course des saisons ?
Après l’orage indu les vaillants horizons ?
Manifestations d’un créateur unique !
Qui pourra nous sortir des propos nébuleux ?
Pierre, c’est le Seigneur, remets donc ta tunique !
Sinon le Fils percé proposant des ciels bleus !
Vingt-neuf novembre dix-neuf
Le fugitif
N’entends-tu pas au loin les hordes faméliques
Déferler du Midi jusque vers l’Occident ?
Tous ceux qu’on a volés dans le temps précédent,
Victimes quelquefois des sermons hérétiques !
Les anges contristés s’en allaient, hiératiques ;
Et la traite des Noirs, était-ce un accident ?
Quand le Blanc les frappait à grands coups de trident,
Alimentant le fiel sous les cieux exotiques !
O l’exil bien contraint régissant les Sions !
Qui consume à jamais les générations,
Ainsi qu’une lumière à travers l’Edifice !
Et comme Adam chassé du monde primitif,
Toi le passant qui doute en effet que l’on puisse
Réformer l’univers, secours le fugitif !
Vingt-et-un avril dix-neuf
Les amours primitives
Jamais je ne revis cet amour de jeunesse :
Eros sur mon parcours avait jeté ce sort,
Celui de rester libre avant de voir la mort ;
Dans mon œil vaporeux dormait une tristesse !
Cependant sache que je l’aimerai sans cesse,
Tant que l’on ne sera parvenu jusqu’au port,
Comme un rêve éveillé qui lentement s’endort,
Tellement je répugne à changer de princesse !
Etait-ce bien un ange ou peut-être un démon
Qui négligeait ma voile au poteau d’artimon ?
Lieu de tous les regards sur mon âme muette !
Combien de grands soupirs et de propos hautains,
Moi le chercheur de Dieu suppléant le poète,
Me faut-il prononcer pour bannir nos destins ?
Vingt-sept avril dix-neuf
Soudain
Ne vois-tu le Seigneur paraître en la nuée ?
Déjà prêt à juger les vivants et les morts,
Même ceux parcourus d’un dévorant remords ;
Pour le Fils glorieux il n’est plus de huée !
Le voilà nourrissant la foule, exténuée
Comme un cheval rétif ayant besoin d’un mors,
Celui d’un acte tendre où Toi tu ne démords ;
Des yeux du non-voyant se lève la buée !
L’on saisit par la foi que le couple charmant
Rayonnait au début pareil au diamant,
Leurs propos pleins d’amour n’étaient donc pas si mornes !
Hélas te souviens-tu d’Eden et son jardin,
Et l’être bienveillant dans un pardon sans bornes :
Au cœur du Paradis j’ai vu le Christ soudain !
Vingt-sept juin dix-neuf
Poème à Clara
Mon esprit agonise au profond de moi-même :
Combien j’aime Clara, si démesurément
Que j’en oublie alors que parfois elle ment,
Mais qu’importe ! on dirait une flamme suprême !
Or mon cri semble dur, bien vain est mon poème,
Lorsque l’azur fébrile accouche, trop clément,
D’un sourire trompeur qui va confusément :
Sur son âme attendrie achoppe ma bohème !
Néanmoins si divine, en mon ciel constellé,
O toi dont le regard m’a fortement troublé,
Reçois en ce matin la couronne de gloire !
Et la course du temps se mue en tourbillon,
Quand nos corps réunis célèbrent la victoire
Du Laboureur des jours qui creuse Son sillon !
Dix-sept juillet dix-neuf
Soif
Mon âme a soif de Dieu mais où donc le connaître ?
Dans la bibliothèque aux multiples écrits
Et le discours si pur de bienveillants esprits ?
Forçant le genre humain à considérer l’Etre !
L’homme peut-il mourir puis un beau jour renaître ?
Pareil aux blés en grains jusqu’en la glèbe épris
De se multiplier pour finir donc proscrits,
Par l’assassine lame où le chardon s’empêtre !
Car le sol ne contient de solides tombeaux,
Au lieu du grand repas s’assemblent les corbeaux,
Et toi devant Mammon sans fin tu te prosternes !
Le ténébreux Adam demeure sans appuis :
Serions- nous revenus à l’âge des cavernes ?
L’entière nation se débat dans un puits !
Vingt-deux juillet dix-neuf
Mieux que . . .
Le Salut vient des Juifs, du profond de la race :
J’ai reçu du Sauveur ce qui m’a délié,
C’est que le Christ Jésus, d’abord humilié,
Ressuscita des morts en un moment de grâce !
Sur le roseau froissé le soleil laissa trace
Et le disciple ému doublement rallié
Au Fils intemporel se vit affilié,
Comme le vol si pur d’un oiseau de la Thrace !
Cette sagesse aimable abolit la raison
De celui qui ne veut agrandir sa maison :
Mieux son petit chez soi que l’habitat céleste !
Et le songe d’hier, bien sûr ils ne l’ont plus !
Malgré leurs cécités ils s’accrochent au reste,
Parcourus de douleurs, de sanglots superflus !
Trois août dix-neuf
Sagesse
Je me battrai toujours contre le temps qui passe :
La sagesse d’en-haut, il faut nous la donner !
Toi le Maître vivant, pour mieux nous emmener
Bien loin de cet enfer qui consume l’espace !
Quelques mots de guingois et revoici l’impasse,
Quand tu ne trouveras personne à dominer,
Pas même ton prochain facile à discerner,
Limite d’un moment dessous sa carapace !
S’en vont les derniers cris, les rires nébuleux,
Nul besoin de paraître au pays des ciels bleus :
Il te faudra durer pour m’être nécessaire !
Qu’importe l’au-delà si tu vas sans respect,
O siècle parcouru de deuils et de misère :
Devant l’instant passé te voilà circonspect !
Quatorze août dix-neuf
Pardonne-leur !
Nul ne sait si l’on doit suivre l’aube lointaine,
A l’instar d’un héros trop amoureux du temps,
Qui méprise la nuit vers laquelle tu tends,
Ou bien alors rester dans la brume incertaine !
Ton visage est empreint d’une morgue hautaine,
Forteresse d’un jour aux murs inquiétants
Qui surgit de l’ailleurs pour troubler nos instants,
Mais à la barre point de charnel capitaine !
Le tourbillon des flots, le voilà qui s’enfuit,
Asservissant les mers sans se passer de bruit :
O le sépulcre d’eau d’un ressac qui s’écroule !
Le peuple tout entier le mena vers l’exil :
Au matin du Salut, contre Lui cette foule ;
« Bien sûr pardonne-leur » alors s’écria-t-Il !
Vingt-deux août dix neuf
Qu'importe !
Le commun des mortels s’en va, hiératique,
Qu’importe ton trajet, il te faut réussir
A regagner les cieux sans jamais te noircir,
Pourvu que ton ego ne cède à la critique !
Cependant il ne faut prier comme un mystique :
L’on crie à Jéhovah puis le ton de durcir
A travers des propos que tout semble grossir,
Même la volonté pour le moins syncrétique !
Déserteurs de la vie, accoucheurs de néant,
Vous faites de la mort un désespoir béant,
Et pourtant cette paix on la voulait sincère !
Dans vos rapports légaux, il s’agit bien d’amour,
Mais alors que penser de la grande misère
Qui saisit le passant un peu plus chaque jour ?
Vingt-huit août dix-neuf
Dilemme
Prisonnier d’un collège à l’étude fervente,
J’ai vu pleurer l’azur en un ciel incertain,
Manifestation du plus ardent destin,
Quand la façon de vivre apparait éprouvante !
Dans les jours de juillet il se peut qu’on se vante,
Cherchant de l’au-delà le rivage lointain,
Celui d’un dieu pervers ne se voulant hautain,
Et qui mène au néant, à la belle épouvante !
Peut-être le besoin de sombre volonté
Te conduira ce jour vers ton éternité ?
Puisqu’il peut revêtir des aspects magnifiques !
Mais tu vas bien souvent soumis à des liqueurs,
Pareil à ce poète aux stances pacifiques
S’efforçant d’enfoncer la porte de nos cœurs !
Vingt septembre dix-neuf
Mais qui sont tous ces gens ?. . .
Nul ne peut détester cependant l’on fait comme,
Or si partir il faut avant d’avoir aimé,
C’est que nous préférons l’amour inanimé,
Charnelle affection bien platonique en somme !
Vivre paisiblement, ce que cherche tout homme,
Voilà bien le dicton sous l’azur déclamé,
Lorsque le vrai du vivre apparait sublimé,
Fruit du jardin d’Eden semblable à cette pomme !
Changer son vêtement contre un dernier linceul ?
Franchissons donc le cap pour ne plus mourir seul !
Mais qui sont tous ces gens qui suivent en costume ?
Vois le drapeau divin dans l’espace flottant,
Flamboyant étendard pour un bonheur posthume,
Se dresser par les cieux, d’un coup, en un instant !
Premier octobre dix-neuf
La vraie vision
De la raison sans fard la cruelle appétence,
Puisqu’il te faut haïr pour ne pas succomber
Aux charmes d’un gourou qui veut nous perturber,
Entraînant l’être humain vers un ciel trop intense !
L’aiguillon de la foi fait son œuvre en silence,
Mais il te serait dur de vouloir regimber
Soumis à cet égo qu’on ne peut résorber
Et qui fait du Salut l’ultime obsolescence !
Dans tes relations tu recherches l’amour,
Oubliant qu’en l’hiver c’est à chacun son tour,
Lorsque point la camarde, ainsi qu’on la surnomme !
Vois venir sur la nue un Christ en vision,
Qui bien sûr ne s’en va comme passe tout homme :
Ce qu’en dit le quidam prête à confusion !
Vingt-quatre novembre dix-huit
Prisonnier
Te voilà prisonnier d’un si cruel délire
Où l’œil interrompu ne s’ouvre qu’à demi,
Sourire radieux d’un Sauveur endormi :
Frappe donc doucement le plectre sur ta lyre !
Ami, ne pense pas à trop vouloir maudire,
Au milieu de l’angoisse et du rire ennemi,
Lumignon du néant qu’un grand souffle a vomi,
Parmi les cris, les pleurs impossibles à dire !
Mais voici qu’à présent l’aube se met debout,
Tandis que les clartés envahissent le tout,
Manifestations de la timide aurore !
Vois venir le troupeau des orages puissants,
Espaces nébuleux que le rayon dévore :
Dans la nue égaré, ma misère je sens !
Vingt-deux octobre dix-neuf
Le portail
Tu prends ce traitement, camisole chimique,
Car au creux de tes nuits ne vient le vrai sommeil,
Revoyant l’autrefois avec son teint vermeil :
Mais où donc est passé le rêve chimérique ?
Ne crains-tu d’aboutir au verbe automatique ?
Quand promptement paraît l’inquiétant soleil
Se levant d’un seul coup dans tout son appareil
De nausée et de mal, pour une fin tragique !
Or il dépend de nous de franchir le portail
Du ciel ou de l’enfer peint en épouvantail :
Choisis alors la Vie à la Porte sacrée !
Dresse-toi sur tes pieds et sors d’entre les morts !
Le Maître t’attendra devant la sainte entrée :
Tu franchiras le seuil sans regret ni remords !
Vingt-huit octobre dix-neuf
Ombres et clartés
C’est peut-être l’instant qui vient comme une aurore ;
Holà ! Palefrenier, selle donc mon cheval !
Aujourd’hui nous allons à ce grand carnaval
De la vie. Il faudrait que l’aube puisse éclore !
Revoici le tourment puis le désir encore ;
Te voilà consentante et j’aurai ton aval,
Regardant le prochain comme un simple rival,
Mais qu’importent les feux d’un soleil qui nous dore !
Dans nos ébats communs le silence me nuit,
Ouvre-moi ton regard au détour de la nuit :
Ne vois-tu sur l’autel le mystère insondable ?
O le cri radieux aux reflets inconnus,
Clarté crépusculaire à l’ombre formidable :
L’on voit dessous le ciel chanter ceux qui sont nus !
Six novembre dix-neuf
Coexistence
Dans ce monde présent je marche comme un crabe ;
Combien j’aurais aimé t’étreindre dans mes bras
Mais me voilà saisie, ô cruel embarras :
Je suis israélite et toi plutôt arabe !
Sous les feux de l’amour l’on fait plus que du rabe ;
Te voici consacré pur-sang en mon haras,
Orgueil de ta tribu né des diasporas,
Alors qu’en l’univers ton corps n’est que carabe !
Mais Sem, Cham et Japhet, Ismaël, Isaac,
Issus d’un même père et soumis au ressac
De temps contrariés, montrez-nous votre trace !
O vois dessous le ciel le mépris en tout lieu,
Aimons-nous aujourd’hui ! Faisons fi de la race !
Dans la sphère affective on ne croit à l’adieu !
Huit novembre dix-neuf
Esprit
L’un dit : vois ce ciel bleu, lendemain d’avalanche !
Mais si tu veux mourir ou vivre pour toujours,
Alors décide-toi dès l’aurore des jours !
Et l’autre : qu’il fait noir par dessous l’aube blanche !
O l’océan de paix que le malheur épanche !
Lorsque l’on brave encor le ressac des amours,
Qui se change en vertu parmi tous ses atours :
La mort paraît prolixe et l’agonie étanche !
Et toi peuple disert aux rires si moqueurs,
Laisse donc ta superbe en criant : « Haut les cœurs ! »
Du berceau tant charmeur à la tombe entr’ouverte !
Car depuis bien longtemps les besoins ont changé,
Il ne suffit de pain pour l’âme bien couverte,
Mais de nourrir l’esprit par le temps ravagé !
Douze novembre dix-neuf
Illusions
Guerres au mauvais goût, paix à la bienveillance !
Toute ma poésie est là ! J’aurai du mal
A refaire ce monde au besoin animal,
De vos rébellions je vois toute l’errance !
L’un me déclare alors : adore donc la France !
Mais revoici déjà ce grand flux lacrymal
Dont j’avais hérité sur le font baptismal ;
Or beaucoup sont partis vers cette transcendance !
Ils ne sont revenus ! Sois certain que je meurs !
Le vivant près du soir se confie aux rumeurs
Et recherche un endroit pour reposer sa tête !
Vêtus d’illusions l’on s’en va sans effroi,
Même si le temps pleure au bruit d’une tempête :
Dans les derniers instants l’on pense encore à soi !
Quinze novembre dix-neuft
Secte
Ami, que deviens-tu ? Ta dernière missive
Me parlait de ce Dieu puissamment rencontré,
En un beau jour de juin, par le « vrai » pénétré :
Il n’est plus question d’existence lascive !
Je saisis les dangers de la foi régressive,
Quand le gourou menteur par l’estime empêtré,
Se révèle suppôt d’un crime perpétré :
Souvent l’esprit du Mal se plaît à l’offensive !
Plus la secte trompeuse au discours si charmant
Que le divin éclat d’un propos qui ne ment !
Celui qui veut souffrir doit prier davantage !
En poursuivant le bien l’on devient un martyr ;
Reconnais ton erreur, tu t’es trompé d’étage :
La sagesse de Christ se construit comme Tyr !
Dix-sept novembre dix-neuf
Séparation
Puisque tu veux partir, alors ne m’en rends compte !
Nous avons cheminé si longtemps tous les deux,
De l’affection folle aux propos hasardeux,
Quand le dernier rapport laisse place à la honte !
Souviens-toi de ces pleurs que l’affliction dompte !
Lorsque tout doucement le ciel se fait hideux,
Amenant de ce fait l’instant cauchemardeux,
Celui qui n’est charmant et que nul ne raconte !
Mais l’astre en son déclin paraît toujours vermeil
Et l’ombre appesantie autorise un soleil :
Même la mort piétine et s’élargit le rêve !
Considérons comment l’oiseau bâtit son nid,
Sous le regard pensif du marcheur sur la grève
Où le flot vaporeux affronte le granit !
Dix-huit novembre dix-neuf
Le grand jugement
Te voilà consterné devant tant de ténèbres ;
Je ne sais que répondre au jour de la douleur,
Tout ne se règle pas en versant quelque pleur !
Ah ! Ce cortège indu de passions funèbres !
Le mal se fait sournois et craquent tes vertèbres ;
Peut-être faudra-t-il le parfum d’une fleur ?
Pour entrer pleinement dans l’ultime chaleur
Qui clôt le temps final ainsi que des algèbres !
O le bruit d’un éclair par dessus l’aquilon
Qui saisit tout ton corps au détour du vallon :
Devant le Jugement ta volonté bégaie !
Le Christ au flanc percé domine tous les vents,
Mais doit-on réfléchir à la divine plaie ?
Alors que le décès vient faucher les vivants !
Dix-neuf novembre dix-neuf
Le feu des profondeurs
Regarde ce passant s’éclairer à la lampe,
Car il n’a pas sur lui le feu des profondeurs,
Ni la flamme au vitrail dispensant ses ardeurs :
Que vienne à son secours cette étoile qui rampe !
Et qu’est-ce qu’un drapeau sans le bois de la hampe ?
Qui perdrait, chose étrange, un peu de ses raideurs,
Exécutant dans l’air quelques tours de grandeurs,
Quand le tissu hagard s’en vient fouetter la tempe !
Mais l’homme ne veut pas sortir de sa prison,
Il préfère de loin contempler l’horizon
Et danser sur l’écueil, vêtu de ridicule !
Tenir la nation aux instincts meurtriers,
Voici le seul pouvoir des mots qu’on articule,
Clameurs de tous les temps couronnant les guerriers !
Vingt-et-un novembre dix-neuf
Vers le néant . . .
Nous sommes envahis d’images sensuelles.
Le sexe sans Amour est profondément vain !
Rien de plus spécieux en dehors du divin.
Mais pourquoi convoiter oui toujours les plus belles ?
Nos compagnes d’un jour seraient donc plus rebelles ?
Femme tu fus séduite avec un peu de vin,
Ou ce clignement d’œil qui te pousse au ravin.
Quand les hommes pervers ne se souviennent d’elles !
O le Verbe qui gît ! L’un a dessus son front
Le chiffre de la Bête inscrit comme un affront,
Ramenant les deux corps à l’âge des cavernes !
Avec des mots issus de bien piètres discours,
Parmi les vieux Mammons sans fin tu te prosternes !
Etre dur, singulier, vers le néant tu cours !
Vingt-quatre novembre dix-neuf
Pax vobiscum
Fouler des pieds le sol de la France éternelle,
Voilà l’ardent désir des peuples immigrés,
Ceux qui dans leur pays ne se sont intégrés,
Partant si loin des leurs, de l’aire originelle !
Mais pourquoi ce départ de la terre charnelle ?
Furent-ils donc un jour par le temps dénigrés,
Ou simplement atteints de vertige en degrés ?
Grimés en éclaireurs, comme une sentinelle !
Ce que je sais pourtant, je dois le dire hélas,
Dans la mère patrie, ils sanglotaient, si las,
Pareils à des soldats de cette ultime guerre !
Maintenant tous s’en vont illuminés d’obscur
Et devant le fatum leur esprit de naguère
Capitule souvent, prostré devant un mur !
Vingt-six novembre dix-neuf
Pleure !
Si ton âme a perdu l’ensemble de ses larmes
O pleure encor une heure au soleil des amours !
Lorsque le corps revêt ses plus charmants atours
Et pousse quelques cris comme ultimes vacarmes !
Car insensiblement mon désespoir tu charmes ;
Avec compassion l’on dit : c’est pour toujours !
Vers le festin du roi si bruyamment tu cours :
Je ne sais que sentir de tes grandes alarmes !
L’un se penche déjà sur le tendre berceau,
Alors que l’autre exulte et sue en un ruisseau,
Mais la mère équité peuple les cimetières !
Au front des vieux mourants il n’est jamais de fleur
Et parmi les tombeaux je ne vois de frontières :
Quoi donc de plus égal que la grande douleur !
Vingt-sept novembre dix-neuf
Héros
L’existence est un livre où l’on peut voir notre âme :
Il n’est rien de plus beau que ces papiers froissés,
Dont on se sert souvent pour les moments faussés
Par la fureur de lire et le cri qui se pâme !
O les actes secrets que la praxis diffame :
Sur les tendres couchants j’ai vu des trépassés,
Voire des peuples sains aux visages cassés,
Renier les lieux purs et le chaos infâme !
Quoi de moins belliqueux qu’un sourire d’enfant,
Ou le sens attendu de ce mot triomphant,
Pourvu que ce soit dit sur la page de joie !
Parmi les mots clamés l’on perçoit des bourreaux ;
Mais quand l’attention au grand jamais ne ploie
Sous la belle écriture apparaît le héros !
Vingt-huit novembre dix-neuf
Etienne
« J’ai vu le Christ-Jésus à la droite du Père »,
Dit le disciple Etienne au peuple rassemblé,
A ces religieux qui l’avaient accablé,
Pharisiens avec de durs crocs de vipère !
Mais parmi les vrais fils aucun ne désespère :
Dans les esprits meurtris il reste encor du blé,
Celui que l’on moissonne aussi par temps troublé,
Solitude d’un jour que le propos tempère !
Lorsque le grand martyr vers le tombeau descend,
L’un se dit en lui-même : « à qui donc est ce sang ? »
Et l’autre prophétise : « à jamais on l’adore ! »
O le glaive acéré dessus le flot vermeil,
Redisant à l’envi ce mot qui nous honore :
Le voici triomphant tout comme un vrai soleil !
Vingt-neuf novembre dix-neuf
La beauté future
Voici que ma pensée accouche en la nature :
C’est le moment d’automne où l’on voit un sillon
Rejoindre le ciel noir avec son bataillon :
Semailles et labours, ô charnelle ouverture !
Nous irons tous aux champs, dans la beauté future.
La brise en nos habits produira ce haillon
Et les eaux d’ici-bas se feront tourbillon,
Larmes d’un monde clos que l’océan capture !
Surtout regarde bien le grand déclin des jours :
Il reviendra le vrai de la moisson d’amours,
Car déjà tes yeux purs ont vu l’herbe promise !
Si de la glèbe imberbe on fait des creux béants,
C’est pour que la semence y puisse être soumise.
Labeur intemporel qui nous grime en géants !
Trente novembre dix-neuf