Je suis…
Je suis ce que je suis, par la grâce de l’être,
Amoureux éperdu de ses charmes discrets
Et qui survit, puisant de l’amour dans ses rets,
Sous un soleil de glace où nous devons paraître.
En un jour de pardon je ne peux que renaître,
Mais il me faut ses yeux et leurs troublants secrets
Pour apaiser mes nuits en l’approchant de près,
Tristesse de la chair qu’un sourire pénètre.
Et nos soupirs s’en vont abolir leurs raisons,
On ne reconnaît plus les temps ni les saisons,
Tant cette affection apparaît éternelle !
Le livre de la vie a ses versets ouverts,
Comme un flux d’océan se déroulant pour elle.
Le monde sait nos noms ainsi que l’univers.
Il me faut…
Il me faut parcourir le ciel en son aurore
Sous le feu d’un désir, pour bien sûr nous aimer,
M’entretenant de toi sans jamais te nommer
O qu’il m’est doux de fuir les vanités encore !
Vois-tu le sentiment que tu montres m’honore :
Mon prénom sur ta lèvre, un baiser refermé,
Ce geste qui redit l’amour accoutumé
Proclament mon enfant une extase sonore.
Je vois passer le monde en tes yeux si rêveurs
Et puis je ne connais de tes grandes faveurs
Qu’une âme consumée au moment du paraître.
Viens à moi bien-aimée et cherchons dans nos lois
Ce trait de passion où l’instant se veut d’être
Car dans l’affection tous deux nous sommes rois !
Princesse slave
Mon esprit s’est épris d’une princesse slave,
Ange de paradis, adorable tourment,
Plaisir de s’endormir, dans l’azur, tendrement,
Bruissement du ciel que ma candeur délave.
Et je ne pense plus et je ne songe à rien,
Sinon à nos amours que je veux idéales,
Comme ces vents puissants courbant les céréales,
Quand le désir se lève et me déclare sien.
C’est un soleil d’argent où s’en vont les rivières
Et les plus durs moments apparaissent meilleurs ;
Que l’exode du temps nous emmène aux ailleurs !
Voilà ce que diront nos intimes prières.
Princesse, si le cœur t’incline à la raison,
Si ta bouche prononce une phrase plaintive,
La lumière viendra changer la perspective :
Nos âmes chercheront des amours la saison.
Princesse jaune
Mon âme se souvient d’une princesse jaune
Qui sourit et qui m’aime en ses desseins profonds
Plus que Tristan, Iseut, ensemble ne le font
Voyez-vous, son désir s’élève comme un aune !
Et voici que Sodome abandonne son trône
Et nos feux en l’abîme au grand jamais ne vont
Car les vents du plaisir par qui nous triomphons
Nous poussent vers l’Asie à la façon d’un faune.
La femme au corps soleil éclaire tout mon ciel
Aux jours où son regard me paraît éternel.
Les amours du levant transcendent les latines
Et toi, que veux-tu donc ? Les charmes orientaux
Où tout est passion ? Les humeurs enfantines
D’un occident vieilli ? Sais-tu ce qu’il te faut ?
Condition féminine
La femme que l’on perd, cet être qu’on délaisse,
Peut-elle décider ou bien se ressaisir
Quand ses yeux embrumés ne trouvent plus plaisir ?
Et faut-il qu’elle soit soumise à quelque laisse ?
Le discours malheureux en plusieurs mots la blesse
Mais alors croyons-la lorsqu’elle dit choisir
Entre rires et sang d’après son seul désir !
C’est pour chacun de nous un grand trait de souplesse !
Et doit-on mépriser la servante aux affronts ?
Amour abandonné qui déclare : «souffrons !»
Dans ce désert immense où l’âme se recueille.
Sur sa joue effarée émerge un dernier pleur
Songes et vrai liés comme l’ombre à la feuille
Princesse incantatoire au destin de douleur.
Triomphe
J’ai si peur d’avouer : « je l’adore, je l’aime ! »
Pareil au Dieu vengeur oubliant Son courroux
Pour éclairer l’esprit par un geste plus doux
Comme on lance un « bonjour ! » au temps du bonheur même.
Je brûle de ses feux, félicité suprême
Mais il pleut sur mon cœur, l’azur se veut jaloux
Et l’on ne voit au loin qu’un vassal à genoux
Je lui donne un baiser, sa joue apparaît blême !
Il tonne sous le ciel immobile et serein
D’abolis cavaliers aux poitrines d’airain
Exaltent le refrain d’un peuple libertaire.
Considérons la Femme en ses besoins profonds
Non les mots implorants que souvent l’on fait taire
Mais ceux avec lesquels demain nous triomphons !
Aimons-nous !
Un désespoir me hante et je ne peux que dire :
«Aimons-nous ! Jusqu’au bout ! Par défi ! Malgré tout !»
Les yeux sertis de pleurs, l’esprit encor debout,
Tous deux pareils à ceux qui ne prêtent qu’à rire !
Au gré des sentiments tu reviens, je soupire.
La tendre aurore met ses habits tout à coup
Et l’on entend nos voix sur les chemins, partout
Où nous sommes, vêtus d’un semblable sourire.
Il ne faut que la flamme et son brûlant secret
Pour redire au matin ce bonheur indiscret.
Mon enfant souviens-toi du chant plaintif des roses !
Les grands vaisseaux s’en vont au sein des mondes verts.
O ma sœur montre-moi ce creux où tu reposes !
Le poète est si près qu’il l’atteint de ses vers.
Amours anciennes
Les amours de jadis sont un pays sauvage :
Allongés sous le ciel parmi les blés flétris
Nos corps évanescents s’y reflètent, meurtris,
Seuls ou tous deux fuyons des jours anciens l’outrage !
De l’Adam en Eden nous recherchons l’image
Et le plaisir commun monte par petits cris,
Lorsque dans les baisers tout doucement tu ris
Mais quittons la jeunesse où l’on plait davantage !
Eclaire tout mon être ô s’il me faut souffrir !
Car l’azur s’obscurcit quand nous devons mourir :
L’ange allume un rayon pour déchirer la nue.
Les sentiments ternis ont besoin de ferveurs
Et l’âme, qui ne peut demeurer inconnue,
Engendre à l’infini des sourires rêveurs.
Amour suprême
Je passe bien du temps à lui dire « je t’aime ! »
Pareil à ce buisson jetant au ciel des fleurs,
Quand le corps se défait de ses maux et douleurs,
Par le feu de ses yeux, pour un amour suprême.
Tel l’astre sur la nuit enfantant l’aube même,
Ce que chaque homme dit : « oui chassons les malheurs
Car l’esprit devient vasque où s’écoulent nos pleurs ! »
Fait de nous mendiants au petit matin blême.
Pour toujours en l’été ces visages altiers,
Sauf aux jours de tristesse où l’être volontiers
Se bat, sous les effets d’un brouillard qui pénètre.
On se demande encor si nos feux sont vainqueurs.
Pourtant l’on aperçoit l’archange à la fenêtre :
Ils changent les moments des saisons et des cœurs.
Lèvres de givre
Je poserai baisers sur ses lèvres de givre
Et s’il faut que l’amour se perde dans toujours,
Les sillons de sa peau deviendront un labour
Limons inabolis aux doux reflets de cuivre.
Allons par ces chemins comme un combat qu’on livre !
Nous serons à midi pour le meilleur du jour
Sous un cercle argenté des soleils tour à tour
Poindront : spasme de feu tombant de la nue, ivre.
Serai-je de ma sœur un ultime gardien ?
Quant au rose à la joue, il la pare si bien !
Je pâlis en ce temps, je frémis, je contemple …
Revêtu de bonheur et d’affection ceint,
Voilà que j’aurai fait de son esprit un temple,
Bravant Ta jalousie, ô Seigneur trois fois Saint !
Apparition
Le long des soirs d’hiver il lui plait de paraître
Princesse d’un instant que la flamme embellit
Dans le feu de ses yeux le firmament se lit
Elle vient avec grâce, elle me dit : « peut-être ! »
Je suis l’amant qui n’ose avouer sa ferveur
Cet amour soupiré, me faudra-t-il le taire ?
Vais-je vivre longtemps en cachant ce mystère ?
Tous mes désirs profonds d’adolescent rêveur
Demain est autre jour comme coule rivière
Si sa voix m’affranchit je dormirai serein
Femme d’éternité, visage souverain
Déjà demain revient aux fontaines de pierre
C’est une grande dame assise à son miroir ;
Le flot de ses cheveux, on peut le voir s’étendre
A l’étoile, à l’azur en une source tendre
O ce tableau charmant que j’aimerais revoir !
Le ciel ouvert
A maman
Petit corps épuisé, certes tu perds la vie !
A l’âme s’endormant son masque de cristal,
O voile parcouru d’un souffle vespéral,
Quand la clarté s’en va par une ombre suivie ;
Et j’ai mis à ton cou des colliers de baisers
Comme si tu portais quelque chimère à vivre,
Si ton nom s’inscrivait dans un merveilleux livre,
Peuplé d’enfants sans cris et d’hommes apaisés
Combien de fois encor reverrai-je l’automne ?
Une feuille volant aux confins de l’azur,
Et tes grands yeux éteints dans un visage pur ;
Chanterai-je demain ma chanson monotone ?
Sur ta tombe dressée on a jeté des fleurs ;
Je choisis une rose, il la faut infinie !
Que le cours de nos pleurs jamais ne la renie ;
O voir le Ciel ouvert en un jour de douleurs !
Le spectacle des jours
Connaître de la vie et le temps et sa fuite
Voilà ce que redit le spectacle des jours,
Et pour ensemencer il faut bien des labours
Mais doit-on s’adorer pour se haïr ensuite ?
Veuillez de l’aquilon suspendre la poursuite
Car il ne sert à rien de s’en aller toujours
Avec dans le regard le reflet des amours
Mieux vaut se prévenir de pareille inconduite !
Toutefois il se peut que le charme agissant
Transforme la faiblesse en un courant puissant
Qui défait l’arc-en-ciel au gré de ses suppliques.
En mon destin obscur j’ai ce cri chuchoté :
Il reviendra l’instant des songes prophétiques
Mais mon âme est-ce toi que j’entends sangloter ?
Tristesse ultime
Le destin t’a choisi comme un exemple en somme
Si ta vie est tristesse alors n’aspire pas
A quitter ces bas-lieux en un mauvais trépas
Maintenant il te faut redevenir un homme !
Puisque tu vis rongé par ce mal que l’on nomme
Dépression, dois-tu délimiter ton pas ?
Comme un fauve expirant sur un dernier appât
Dépouille sans vigueur qu’un bestiaire assomme.
Donc, quand vient la douleur ne pense pas qu’à toi
Sinon tu vas sentir comme un carcan d’effroi
Mais peux-tu résister au prince de ce monde ?
Et Dieu voit ta faiblesse à l’heure du malheur
Quand le jour se fait nuit sous le joug de l’immonde :
Nul ne connaît ton cœur en dehors du Seigneur !
Famine
Aucune ride au front ne dément son jeune âge
Exauce- le Seigneur cet enfant il a faim !
Pour vivre chaque jour il faut un peu de pain
Redis-lui Ton amour s’il se peut davantage !
Au profond du désert jaillit l’azur sauvage
Et le petit humain voit approcher sa fin
Tout-Puissant donne-lui ces baisers que l’on feint !
Lorsqu’on dresse une croix pour unique message.
Mais s’il faut que la mort soit démonstration
Tu rappelles à tous Ta propre Passion
Humanité servile à la dette remise.
Et quand la douleur vient avec ses grands affronts
Pareils à des écueils sur la mer insoumise
Devant l’intemporel je déclare : « souffrons ! »
Exil
Désormais l’être humain porte à son front une ombre,
Comme un prince déchu se retrouvant dernier,
La porte du Royaume ouverte au centenier,
Quand le verrou fléchit sous les âmes sans nombre
Il pleut des vérités. Même l’espoir est sombre !
Et la raison confuse encourage à nier
Ce bonheur absolu retenu prisonnier,
Le boisseau pour la flamme et pour l’œil la pénombre.
Nous voilà bien émus l’espace d’un instant,
Mais notre esprit retors nous importune tant
Qu’on en tire à la fin que des frasques amères.
L’homme, se ressaisir ? Seulement le peut-il ?
Pour survivre il lui faut s’entourer de chimères :
C’est là le seul labeur des âmes en exil !
Immensité
Voici le temps venu. L’heure porte l’empreinte
De ce feu languissant innocemment jeté
Dans l’espace infini, connaissant maint été :
La peine en nos regards à tout jamais éteinte !
O de nos corps lascifs la formidable étreinte !
Dans tes yeux vient briller toute l’immensité,
A ma lèvre, à ma bouche, un cri d’éternité.
Enfant le chant d’amour se fait vérité peinte !
Et la voix de toi femme et ce rire charmant,
Plus radieuse encor que l’astre au firmament,
Qui murmure « je t’aime », extatique et sauvage.
On dirait de la cendre exhalée en parfum,
Ce baiser écumant sur le bleu du rivage.
Le sage m’avait dit : « deux cœurs valent mieux qu’un ! ».
Au royaume de l’autre
Rien ne viendra jamais effacer la tristesse
Qu’un malheur a laissée en ton œil incertain,
Ni la main d’un parent, ni le cours du destin.
Désormais ce serait l’inutile matin,
Le futur prosterné devant la petitesse ?
S’il suffisait de fuir pour conjurer le temps,
Dans quel triste univers et sur quelle chimère
Se lèverait le jour à l’éclat éphémère ?
Faudra-t-il répéter toute l’histoire amère ?
Toi qui trembles si fort que j’attendrai longtemps !
Que pensais-tu, si tôt, des véritables choses,
Le miroir et l’oiseau, la faim et l’engouement ?
Je voyais resplendir une étoile qui ment,
Eclairant ton lointain en un feu si charmant.
Ma sœur que savais-tu de l’angoisse des roses ?
Ainsi le temps humain ressemble à ce combat
Et tu liras le vrai sur l’horloge du vivre,
Quand un songe trompeur doucement te rend ivre.
Lutter en se courbant jusqu’au jour qui délivre,
Voilà ton héritage au pays d’ici-bas !
Condition humaine
Je prononce ton nom, condition humaine,
Alors que l’Amiral sur Son vaisseau s’endort,
Laissant un matelot gouverner jusqu’au Port.
O les cris enchanteurs d’une sirène amène !
C’est l’heure du Salut sur la terre lointaine.
La voix d’un seul Prophète apprivoise la mort,
L’homme ne sait comment il lui vient un remords
Et la troupe à présent s’avance dans la plaine.
Car la glèbe appartient à quelque dieu connu,
Un souverain charnel à mes yeux revenu.
Les amis de Daniel entrent dans la fournaise.
Je n’ai lu qu’un seul Livre il faut le dire hélas,
Mais je sais que le monde est pareil à la braise :
Il brûle mon esprit et me rend bientôt las !
Esprits
Toi qui croises souvent les yeux de l’étrangère,
Est-ce un moment de rêve ou bien alors d’effroi,
Quand tu cherches douleur et plaisir à la fois ?
Ne te réjouis pas d’une pensée amère !
Veux-tu briser du temps l’implacable colère ?
Cette ombre projetée, il s’agit de ta croix !
« Ne la crains pas, seigneur ! » dit le bouffon au roi.
Même au cœur du tourment, nul ne voit sa misère !
Préférant au salut un monde sans soleil,
Triste, l’esprit confus et privé de sommeil,
Tu vas paisiblement vers quelque précipice.
Tu parles au prochain : « qu’on se mette à genoux,
Avec tous les humains, pour un ciel plus propice ! »
Mais quel mal est le tien, lorsque seul, tu dis « nous ? »
Incarnation
Il a quitté le Ciel et toute l’étendue.
J’entends souvent parler de Lui par demi-mot,
Me souvenant encor d’une scène ou d’un mot,
Comme une eau de rosée au désert répandue.
Riche avec l’indigent et la femme perdue,
Toi le Verbe de Dieu, le céleste marmot,
Celui que les soldats fustigent d’un rameau,
Quand le châtiment prend une forme attendue.
Tu pousses des soupirs car Tu ne vois plus rien.
Un des larrons en croix Te nomme, disant : « viens ! »
Laisse-le T’appeler du profond de l’abîme !
Il suffit d’un grand cri pour déchirer la nuit.
Le vent Te rafraîchit comme un parfum ultime.
O Seigneur glorieux qu’un espoir toujours suit !
Sur la route
Compagnons d’Emmaüs, vous êtes sur la route
Mais aucun ne comprend tous les textes divins
Pourquoi le Christ Jésus a connu la déroute :
Ils sont deux, ils sont deux à jouer les devins.
Leur visage est marqué par La Peine Indicible
Leurs yeux sont fatigués, ils marchent sans entrain
Rappelle-toi ! dit l’un, ce destin impossible !
Te souviens-tu ? dit l’autre au premier pèlerin.
Alors Jésus le Christ de clarté les inonde :
C’est ici qu’Il explique à ces deux oublieux
Qu’il fallait qu’un seul meure afin que Vie abonde
Mais leurs yeux empêchés ne voient pas plus loin qu’eux.
Dans le jour déclinant le maître et ses disciples
S’attablent tous les trois, plus émus qu’il paraît
Mais en rompant le pain Il met fin aux périples
Et Jésus, reconnu, devant eux disparaît.
Le rocher des siècles
Vers Toi ma voix s’élance en un appel immense :
Le regard implorant j’abolis à jamais
Les manières de rien, les songes désormais
Car les espoirs charnels sont empreints de démence !
En un jour Dieu d’amour aurons-nous Ta clémence ?
Et dans le temps passé fallait-il voir ce «mais !...»
Que le charpentier juif exalte en un sommet ?
Au-delà du silence et de toute croyance.
Au cadran de l’esprit je lis des mots troublés
Pareils à ces blés mûrs par le vent accablés
Paroles d’un futur qui doucement s’approche.
Au moment où chacun son propre frère exclut
Sous nos pas incertains ne vois-tu pas la roche
Emerger de la terre en forme de salut ?
Eden
Au paradis d’Eden, en ce jardin immense
Quand le serpent malin vient tromper Eve, Adam,
Déjouant les esprits sous un air séduisant
Voici l’Originel, c’est là que tout commence !
Dans la voix du Seigneur aucune tolérance ;
Lorsqu’au soir l’Eternel cherche un être vivant
Il ne trouve que l’Homme au propos hésitant :
Désormais ses deux mains jetteront la semence !
Car les premiers humains de leur terre bannis
Travailleront la glèbe en des creux infinis
A la sueur du front ils gagneront leur vie.
Et nous irons comme eux besognant jusqu’au bout
Dieu posant cet espoir en notre âme asservie :
S’Il nous apprend la mort est-ce la fin de tout ?
Gloria
A la gloire du Ciel Il préfère l’outrage
Le peuple d’Israël rejette Son salut
Prophète de trente ans dont l’accent résolu
Erige l’Amour vrai par dessus le carnage
Paisible et confiant paraît l’Agneau divin
Offert en sacrifice au grand festin du monde
Sur l’autel de nos cœurs qu’un sang limpide inonde
Jusqu’à l’effacement du péché le plus vain
Gloire à Ton nom Jésus qui souffris le martyre
Attaché sur le bois par quelque trahison
D’un bras ensanglanté tu soutiens l’horizon
Le sang pour nos forfaits et pour Son corps la myrrhe
Cloué sur une croix avec au front l’épine
Le Maître agonisant reçoit parmi les Siens
Ce brigand repenti priant dans ses liens
Immenses bras ouverts par-delà la rapine
O le corps assoupi dans un étrange lieu
O la tombe du riche et le rocher qu’on roule
Pâles femmes en pleurs que le garde refoule
Là-bas où se défont de longs sanglots d’adieu
Gloire à Ton nom Jésus qui souffris le martyre
Attaché sur le bois par quelque trahison
D’un bras ensanglanté tu soutiens l’horizon
Le sang pour nos forfaits et pour Son corps la myrrhe
Mais à l’instant de gloire où jubile l’archange
Lorsqu’un ange du Ciel descend extasié
Lorsque du noir tombeau le mort sort délié
La création chante un hymne de louange
O l’élan de Marie aux jours victorieux
La course de Simon que la nouvelle étonne
Scandant le fol espoir de son pas qui résonne
Dans l’émouvant concert des anges radieux
Gloire à Ton nom Jésus qui souffris le martyre
Attaché sur le bois par quelque trahison
D’un bras ensanglanté tu soutiens l’horizon
Le sang pour nos forfaits et pour Son corps la myrrhe
Le monde à tout jamais conserve du calvaire
Un souvenir muet gravé sur son fronton
Ailleurs que dans le cœur ailleurs que dans le ton
Pareil au Christ figé que bâillonne un suaire
Quand le poète ému cisèle l’infini
C’est encor Lui pourtant qui fait vibrer le psaume
Partout où l’on redit l’instance du Royaume
A l’endroit où l’on va partager le Béni
Gloire à Ton nom Jésus qui souffris le martyre
Attaché sur le bois par quelque trahison
D’un bras ensanglanté tu soutiens l’horizon
Le sang pour nos forfaits et pour Son corps la myrrhe
A chacun…
Je connais du plaisir cette tendresse étrange
Et tous les sentiments que l’on dit alentour
Quand dans nos yeux rêveurs s’ensoleille le jour
Nos esprits se liant en un charnel échange.
Allez-vous en démons avec vos rires d’ange !
Puisque le mal paraît sous le feu de l’amour
Car il semble parfois que l’espoir du toujours
Se dissipe en la nuit, comme un désir qui change.
Prophète redis-moi le discours de l’azur !
Il se pourrait que Dieu ne soit plus aussi sûr :
Mon âme fuit le Ciel, ô cruelle ironie !
Et si je ne vois plus le Créateur en Roi
Devant tout l’univers je clame Son génie :
Pour tous l’Etre Divin mais à chacun sa foi !
Frontière
Sans m’en apercevoir j’ai passé la frontière
De l’amour éternel où le bonheur nous suit
Et palpite en nos yeux, au sortir de la nuit,
Comme un soleil lointain croissant sur sa litière.
Par la dune en cohorte, une échine côtière.
Des immenses rouleaux nous entendons le bruit
Là-bas sur l’horizon la vague naît et fuit
Les lames se défont de leur figure altière.
Murmure d’océan, cette plainte du soir,
Quand le temps se prosterne au chant d’un rêve noir.
C’est l’écho de nos cœurs, insaisissable haleine !
Les songes, que le vent fait naître sur un flot,
Poussés par nos soupirs, s’envolent dans la plaine.
Le tourbillon s’en va puis revient au galop !
Les yeux de l’étrangère
L’aube n’est un joyau que dans les bras d’un ange,
Même aux matins voilés où le lac de ses yeux
Se couvre de vapeurs, de chants silencieux.
Qu’il fait bon naviguer quand le soleil se venge !
Aux oiseaux de l’espoir, j’ai donné des rameaux
Et maintenant l’esquif affronte ses parages,
Sous des cieux ignorés porteurs de vents sauvages.
Est-ce ainsi que l’amour enfante ses jumeaux ?
Pareils à ces cristaux en la vague fleurie,
J’ai vu ses yeux calmer un feu serti de pleurs,
Fragments d’infinité me parlant des ailleurs
Qui frémissent, royaux, avec espièglerie.
Ses yeux portent en eux la fin de tout ennui.
Autour de leur éclat, de ses cils l’embrasure,
L’arc-en-ciel se défait et faiblit à mesure
Et l’on sent dans ses yeux le firmament qui luit.
Mais quand le mal nourrit de sombres épopées,
Irai-je encor demain en sa prunelle voir
A l’ombre d’un regard il fait souvent très noir,
Combien de mots usés s’y dressent en épées !
Plus fraîche qu’un ruisseau l’inconnue apparaît.
Là-bas l’aurore peint bergers et transhumance,
Leur cours à toutes deux vient chanter la romance
Mais ma voix d’invoquer ce grand amour qui naît :
Aimer toujours aimer, impossible nature !
N’est-ce pas un défi sur notre amour récent
Ce brouillard déloyal que l’être aimé ne sent ?
Chagrins du temps jadis me prenant en pâture.
Il se peut qu’un héros périsse naufragé.
Les plus forts sont perdus quand l’aquilon redouble,
Je croyais l’adorer, il ne reste qu’un trouble.
O le premier élan par nos cris abrégé !
Bientôt l’ancre descend le long de ma détresse
Vers le flot si secret jusqu’aux fonds apaisants.
Son fer croise parfois de beaux agonisants
Morts d’avoir oublié que la corde se tresse.
En tout arbre terrien, un fruit de paradis.
Pour moi l’iris bleuté sur lequel je m’embarque,
Elle voit et mon corps redevient une barque
Que son souffle conduit par des creux interdits.
Princesse noire
Je regarde au lointain une princesse noire
Danser nonchalamment dans ses plus beaux atours
Au bruit d’une guitare, esquissant quelques tours,
Son buste généreux imprègne ma mémoire.
Doit-on être inquiet au jour de la victoire
Quand amour vient déjà rimer avec toujours ?
Pourtant l’on sait qu’il faut pour le blé des labours
Et que le grain s’envole au tout début du croire !
La femme au cops foncé fait onduler ses pieds
Alors que mes yeux lourds par son charme noyés
Disparaissent bientôt, abandonnant le monde.
Ses propos enchanteurs ressemblent à des ponts
Avançant et jetant leur tablier sur l’onde
Combien de temps encor dira-t-elle : «réponds !»
La femme aux yeux azur
Sous un air anodin la voilà qui s’approche
La femme aux yeux azur, blonde parmi les blés,
Voyageant sur mon corps, guide si vous voulez !
De son iris bleuté ne point aucun reproche.
O le bruit des airains on dirait une cloche !
Et déjà nos regards paraissent si troublés
Que les pleurs et le rire abondent, emmêlés,
Délivrant un grand souffle auquel le cœur s’accroche.
Disons encor ce cri qui provient de la nuit !
Princesse des désirs et de l’heure qui fuit
Quand le temps ne connaît l’écume à son rivage.
Pour survivre un instant il me faudra mourir
Mais d’où part ce courant ineffable et sauvage ?
C’est le flot de l’amour qui nous fait tant souffrir !
Mystère
Mon esprit attendri s’émeut d’un grand mystère :
Je désire une femme, elle ne m’aime pas.
Ce lien se veut mal car la suivre est faux-pas,
Pareil au soupirant s’égarant, volontaire.
Et les yeux pleins de pleurs et mon temps solitaire…
Frémissant de douleur au terrible repas,
Je survis, ténébreux, où l’autre fait trépas,
Quand le vent dit son chant et qu’il ne peut se taire !
Mais laissant les enfers je gagnerai le Ciel.
Je suis seul, préférant au présent l’éternel,
Tant de moments rêvés effacés par ma plainte !
O la plaine assoupie et l’obscur où tout dort !
La flamme de l’attrait, la voici bien éteinte.
Jamais je n’ai connu le triomphe ou la mort !
Défis
En mon intime for j’admirais les candides
Mais au temps du vécu j’inventais des défis
Singuliers : mon espace était un paradis
Où je rêvais d’amours charnelles et splendides
Au cadran des saisons vient l’hiver glacial !
Comme un vent de froidure au creux de mon histoire
Quand le sillon gorgé se surprenait à boire
Fallait-il sembler fou pour ne pas être mal ?
J’allais et je venais, si fier de mes conquêtes
Même aux jours de tristesse où, des femmes captif,
Mon esprit se brisait sur l’ultime récif,
Parmi celles d’un âge auquel certes vous êtes.
L’air était plein de joie et les pleurs oubliés
Je voyais resplendir des couleurs magnifiques
Reflets d’un réverbère en des cieux pacifiques
Et nos cris de douleur furent bientôt liés.
Amour
Je vais par les chemins qui mènent au sublime.
Je ne puis séjourner en enfer plus longtemps
Car les bras grand ouverts à mon cœur tu prétends,
Océan rédempteur jaillissant de l’abîme !
Sous un preux aquilon nous gravissons la cime
De nos égarements : qu’il souffle sur ce temps !
Quand dans l’amour de l’autre un vrai baiser tu tends.
O ce charnel rayon que nulle ombre n’opprime !
Dans l’immense plaisir pour toujours enfoui,
Mon esprit séducteur se veut épanoui :
«Je vois la belle au loin et ma bouche frissonne !»
Le lever du désir se révèle attendu.
Rien ne doit m’éloigner de ta chère personne
J’exulte de bonheur en un rire éperdu !
Amour défunt
Il faudra bien qu’un jour je raconte l’histoire
D’un poète alangui qui connut la douleur
Et dans les yeux duquel se figea quelque pleur,
Pour un amour défunt labourant sa mémoire.
Cet écrivain, c’est moi ! La belle me fit croire
Qu’un dévorant hymen me donnerait couleur,
Comme un vent zéphyrien venant fraîchir la fleur.
Je sentis seulement que son âme était noire
Oh ! Elle me mentit, provoquant tous mes maux,
Son sourire affecté frissonnant sous les mots.
Combien peut être amer un faux parfum de roses !
Désormais je le sais, elle me dira « vous ».
Tôt je disparaitrai dans la rigueur des choses.
Lecteur rappelle-toi que ses feux semblaient doux !
Paradis proche
Aux paradis lointains je préférais les femmes.
Par un matin si clair je suis venu vers toi,
De mon cœur attendri tu transgressas la loi,
Même que l’on devait y perdre un peu nos âmes.
Souviens-toi du printemps où, fiers, nous nous aimâmes.
Tu me parlais de l’autre et de ce grand émoi,
Au pays de l’amour je devenais un roi,
Quand dans nos yeux rêveurs s’agitaient quelques flammes.
Et j’ai vu les enfants venir sur nos chemins,
Frissonner de bonheur en nous tendant les mains,
Comme une eau de rosée au désert apparue.
Tu paraissais ma sœur archange à l’œil profond,
Un sillon à la glèbe, un soc à la charrue,
A qui suffit le ciel et sur qui l’on se fond.
Amours hivernales
Il est passé le temps des amours estivales.
Les jeunes amoureux ne viennent plus aux prés,
Plus de fleurs à la main, plus d’oiseaux aux cyprès,
Seuls les chants de l’automne et ses rayons si pâles.
C’est un refrain ancien que murmure la mer
Et le feu languissant vient iriser la vague,
Quand un nuage noir tous les horizons tague,
Aux jours où les remords rendent le ciel amer.
Voici le temps venu des amours hivernales.
Les amoureux transis s’embrassent dans le froid,
La rose est bien fanée, il neige sur le toit,
Et les oiseaux partis : tristesses sépulcrales !
C’est l’infini ressac de l’immense océan.
Les amoureux s’en vont comme s’en va la lame,
Se peut-il cependant qu’ils y perdent leur âme
Pareils à des vaisseaux ramenés au néant ?
La muse
O Muse inspire-moi dans la paix, la tourmente !
Quand le temps dit son œuvre en silence ou rumeur.
Ne me laisse passer comme glisse un rameur !
L’écume sur mon front et l’onde si clémente !
Sur le parvis céleste un monde se lamente.
La terre nourricière attend quelque semeur,
Egérie échappée à la rude clameur
Des sillons et des socs : la voici véhémente !
Rien ne peut altérer la douceur de l’azur,
Aux jours où nos esprits se défont de l’impur,
La voix soumise au cœur, interrogeant le monde.
De ma lèvre s’envole un chant mystérieux,
Le cri d’époux choisis aboli pour l’immonde.
O femme que ta grâce illumine nos cieux !
Rivage
L’existence ressemble à ce lointain rivage
Qu’on aborde le soir en un jour qui périt,
C’est pourquoi je préfère à la lettre l’esprit
Car il me faut franchir de la mort le passage.
Toi tu suis ton chemin mais dans quel équipage ?
Même si le regard sur l’autre s’attendrit,
Le roulement du temps te déclare proscrit.
N’as-tu pas compris que le vieil homme surnage ?
Mon enfant que faut-il te dire pour ôter
Le voile sur tes yeux ? Veux-tu vraiment fauter ?
Te voilà pénétré d’une tiédeur en somme !
Murmure misérable et superbe à la fois,
Ton rire réfléchit le plus triste de l’homme
D’où sort comme un défi la vaniteuse voix !
Profondeurs intérieures
Nos regards échangés et déjà la colère
De nous être connus à la fin de ce jour
Quand amour ne peut plus rimer avec toujours
Mais le temps n’est pas vain : le passé nous éclaire !
Du matin triomphant au feu crépusculaire
Les pieux souvenirs que l’on tait alentour
Illustrent simplement le terrestre séjour
Par des mots interdits que la raison tolère.
Veux-tu parler de toi ? Mais l’autre n’y croit pas !
Car il ne sait comment te guider pas à pas
Et le fait d’énoncer lui déplait fort en somme !
De l’être intérieur point un remous profond
Qu’on nomme affection, ce que cherche tout homme,
Comme un pleur se brisant sur l’écueil d’un haut-fond.
Tristesse du soir
Lorsque l’amour ne vient je l’attends en silence
Aboli sentiment qui jadis s’endormait
Sur le rocher propice où meurent à jamais
Les cris d’inimitié, les pleurs sans espérance.
Souvent, pour exister, mon esprit se balance
Comme un vaisseau dansant de la cale au sommet
O flots noirs vous heurtez sa coque désormais !
Creux rageurs d’une mer qui s’y brise en cadence
Passe destin maudit avec ton grand affront !
Et moi serai-je ceint d’une couronne au front ?
Car à tes yeux j’ai vu paraître nos années.
Le morne désespoir que l’on ne peut nommer
S’immisce lentement en nos âmes fanées :
Mon cœur saigne si fort que je ne puis aimer !
Attente
Puisqu’il nous faut quitter nos lèvres étonnées,
Cette extase du geste où l’œil erre pâli
La paupière fermée en un charnel oubli,
Je ne puis que saisir les futiles années.
Sous l’aquilon profond je vois des mers fanées,
Notre esprit à jamais dans l’onde enseveli,
Quand à la fin des temps le ciel se veut rempli
Et qu’au calendrier s’effacent nos journées.
Dans le feu de l’automne il est des chants vermeils
Et le couchant se vêt de désirs sans sommeils
Crépusculaire instant du déclin de tout homme.
Ainsi se fait la Vie où déjà Tu m’attends,
Un labeur patient comme un espoir en somme
Mais l’horizon blanchit : je n’irai seul longtemps !
Apaisement
Comme à l’oiseau le feu je crains le temps qui passe
Echappé du tourment en un jour étouffant
Sous les cieux argentés me voilà cet enfant
Et mon esprit hagard se prend dans une nasse.
Je ne sais si l’azur renferme l’efficace
Pareil à ce coursier au lointain piaffant
Quand le matin d’été s’annonce triomphant
Mais mon Dieu je l’assure est un parfum vivace.
Car je perçois la Vie et je ressens la mort
Les marchands d’au-delà m’ont réservé ce sort
Dans des soirs sans espoir où l’âme se rebelle.
Je crois en Ton éclat tel l’astre au firmament
Eternel verse en moi la vertu toujours belle :
Celle de Jésus-Christ donnant l’apaisement !
Lumière noire
Béni soit cet échec car c’est lui qui me donne
La force de poursuivre au pire du tourment
A l’heure où la douleur m’enlace tendrement
Accrochant alentour ses regards de madone.
Mais voici mon amie et sa peau qui frissonne !
Quand la fuite des jours s’annonce lentement
Dans les pleurs et les cris, en un malheur charmant,
Combien ses yeux sont froids lorsqu’elle m’arraisonne !
…Et parmi les flots noirs, les ombres de la nuit,
Ces esprits condamnés qu’un cerbère conduit
Prennent possession de leur demeure ultime.
Il faut de la lumière au tout début du mal
Pour sécher ce sanglot que le remords anime :
Le chemin d’ici-bas je le veux idéal !
Moisson d’amours
Voici que mon esprit s’en va par la nature.
Nous sommes en automne et l’on voit un sillon
Rejoindre le couchant avec son bataillon :
Semailles et labours, ô charnelle ouverture.
Nous irons tous aux champs, dans la beauté future.
La brise en nos haillons deviendra l’aquilon
Et les eaux du torrent se feront tourbillon,
Larmes d’éternité qu’un océan capture.
Surtout regarde bien le grand déclin des jours.
Il reviendra le temps de la moisson d’amours,
Car déjà tes yeux purs ont vu l’herbe promise.
Si de la glèbe imberbe on fait des creux profonds,
C’est pour que la semence y puisse être soumise.
Labeur intemporel par qui nous triomphons !
Nouveau monde
L’inconnue apparaît et je ne sais me taire.
Chaque fois que je viens à lui tendre une fleur,
Il est de mes chagrins qui perdent leur douleur.
Mais pourquoi cette femme au regard solitaire ?
C’est un sourire ému se grimant en mystère.
Nous quittons à présent notre intime pâleur.
Allons sur ce rivage où se défait le pleur !
Devant un monde neuf les amants disent : « terre ! »
O joyeuse est mon âme en nos premiers baisers,
Quand des cris innocents s’envolent, apaisés,
Au moment où l’attrait me saisit et m’éclaire.
Voici que nous marchons au rythme de nos cœurs,
Tout imprégnés encor d’une douceur si claire,
Offrant dessus l’autel murmures et rancœurs.
Espérance
Tu me dis à présent : « Je reviendrai peut-être ! »
Cet espoir se grimant en amour éternel
Va chanter la romance au fronton du charnel.
Dans tes yeux si rêveurs le désir semble naître.
Il se peut que l’amant fasse couler un pleur.
Je souhaite m’éteindre au ressac de ta larme
Quand un dessein rageur, produit de notre alarme,
Vient assombrir le jour ; heureux le grain qui meurt !
« La vie est sans espoir ! », souffles-tu sans comprendre
Le chant de la nature, ô ces couchants si beaux !
Pourquoi la rose frappe aux portes des tombeaux ?
Univers rougeoyants comme le feu, la cendre.
Le monde nous attend ! Que des rayons plus doux
Eclairent ton esprit, ô compagne immortelle !
La nuit aura le goût du bonheur qu’on attelle
Et nos cœurs à jamais nous rediront époux.
Abîmes
L’abîme est si lugubre et les nuits sont si noires !
J’entends un cri qui vient du profond de l’enfer…
Où vont-ils les esprits traînant aux pieds un fer ?
On évoque leur vie, impossibles histoires !
Par moments une flamme éclaire vos mémoires,
Mais rien ne vient sécher le pleur empreint d’amer
Et la barque du Temps qu’agite Lucifer
S’évanouit au loin pour des bords illusoires.
Dans une aube incertaine, en un jour sans soleil,
Le chant morne et plaintif des âmes en sommeil
S’élève, tout là-bas, comme une voix féconde.
Morts ou vivants, vos noms ne connaissent l’oubli,
Surtout quand votre souffle abandonne le monde,
Même lorsque le corps se trouve enseveli.
Christ-Roi
Aucune voix n’est faite ici-bas pour se taire
Redisons à jamais la chanson du Christ-Roi
Pour un jour le miracle et dans l’autre l’effroi
Nul ne secourt le Fils tremblant et solitaire.
Il finit sur le bois son passage sur terre
Aux cris de désespoir nous répondons : « la Croix !»
Car Tu parles du mal aussi bien que de Toi
Prince de l’univers : ô l’absolu mystère !
Environnés de chants étonnants et profonds
Voici que par Son sang en Lui nous triomphons :
Il faut le proclamer avant que la nuit tombe
Du salut la beauté du chaos la grandeur
Voilà parmi les pleurs un rayon en la tombe
Signal intemporel de l’Amour du Sauveur !
Soleil
Tout est don afin que nul ne se glorifie
Et si tu crois tenir le verbe dans la main
Interroge le Maître au sujet du chemin :
Aux préceptes humains les plus beaux ne te fie !
O penseur ton esprit le monde entier défie,
Ton discours devient règne aux portes de demain,
L’homme songe au futur et sur le parchemin
De l’univers transcrit sa terrestre graphie.
Qui se veut le plus grand, suzerain ou vassal ?
Les sommets embrumés ou le fonds abyssal ?
Quand l’obscur se fait jour au tout début des choses.
Qui dépose en le ciel quelque rayon vermeil ?
Et ne sauve-t-Il pas maintes âmes moroses ?
Oui notre Créateur ressemble à un soleil !
Patrie
Je veux faire du Ciel mon unique Patrie
Etre par mon esprit aux lieux où Jésus prie ;
La Maison du Sauveur, voilà tout mon argent !
Absoudre l’empereur ! Elever l’indigent !
Quand le pauvre anobli, pour ce siècle fantôme,
Hérite maintenant des trésors du Royaume,
Quand le riche appauvri recherche en même temps
Le rire du bouffon, la grâce qui suspend,
J’incline alors mon front sur l’épaule du Maître,
Mais pourquoi ces soldats et pourquoi donc ce traître ?
Ils ont tiré au sort ta tunique Seigneur,
Toi qui du noir sépulcre es ressorti vainqueur ;
Le disciple demande : « où dois-je donc attendre ?
Me faudra-t-il encor jeter au vent la cendre ? »
La voix du Christ répond : « avance ô mon soldat !
Suis ce chemin paisible où j’ai conduit ton pas ;
Demeurant à présent auprès de Dieu le Père,
Mon corps si glorieux le vrai salut opère ;
Ne te laisse troubler par ce monde attristant,
Petit troupeau vers toi ma passion s’étend ! »
Brumes sur Golgotha
Le Christ intemporel, innocente Victime
Se revêt de grandeur en disant ce qu’il croit
Quand viennent les moqueurs au jardin de l’effroi
Un seul de Ses regards, les voilà dans l’abîme !
Du larron au Seigneur cet échange sublime :
«Souviens-Toi de mon nom lorsqu’on Te fera roi !»
«Avec Moi tu seras !», répond le Maître en croix
Délivrant un amour que le geste n’exprime.
Dessus la terre aride, en un ciel agité
Vois-tu je sens briller toute l’immensité
Comme un soleil levant sur la terre promise
Et s’il faut que la brume enténèbre l’esprit
Avant que la nuit vienne en la glèbe insoumise
Recommande ton sort à celui qu’on proscrit !
Je t’imagine
Je t’imagine ô vie, immortelle et féconde,
A l’heure d’un amour dépourvu de malheurs,
Reflet d’un jour nouveau sans ombres ni douleurs.
Mûris, salut profond ! Que l’ange agite l’onde !
En des flots inconnus que nulle ancre ne sonde
S’engloutissent, joyeux, les chants des oiseaux-fleurs
Et l’horizon brûlant recueille tous nos pleurs :
Quittant les lieux divins la grâce nous inonde !
On ne distingue plus l’endroit où l’homme est seul,
De l’automne rêveur à l’hiver en linceul
Il s’achève le temps de l’innocence sombre.
Plus jamais ô ma sœur nous ne vivrons l’amer
Il tonne sous la nue aux mystères sans nombre
Et la splendeur du ciel vient consteller la mer.
Lève-toi !
C’est une tragédie au plus profond des choses
Et le pleur en son flot absout le naufrageur
S’il Te faut une croix je demeure songeur :
Revoyons-nous encor dans le jardin des roses !
O tombeau, lieu maudit dans lequel Tu reposes,
Garde en ton sein la mort qu’un être au bras vengeur
Prononce sur le Fils comme un défi majeur !
Quand le sang fait s’enfuir les disciples moroses.
Mais Son esprit s’en va vers un autre soleil,
Délivrant les humains de l’horrible sommeil
D’un monde qui s’éteint : la nuit devient féconde !
Au jour de la douleur je ne connais l’effroi
Car je vois le Seigneur triompher de l’immonde
Et sur la nue Il vient : poète lève-toi !
De profundis
Soyez mes compagnons, océans, mers et brumes !
Je pose mon regard sur un coin d’horizon
Redisant des rouleaux l’incessante oraison
O les flots couronnés de crachins et d’écumes !
Là-bas des albatros, ici des goélands,
Tous oiseaux d’océans qu’un courant précipite
Aux accents de leur vol vers la vague insolite,
Leur cri n’a pour égal que ses mugissements
Océans ! Océans ! Vous avez pris des hommes !
Vous dont les flots sans fin s’en viennent courroucés
Assaillir les vaisseaux sous des cieux enfoncés !
Navires tourmentés des arrogantes Romes.
Marin pêcheur, demain, tu prendras l’océan !
Comme aux jours où Noé naviguait dans son arche,
A travers les flots noirs l’interminable marche,
Pour un jour le repos, pour l’autre le néant.
Vers le Père
Voici que maintenant je m’en vais vers le Père,
Quittant parents, amis, pour me rendre en le Ciel,
Voir face à face, enfin, ce Jésus que j’espère,
Et toi sens-tu déjà ce plaisir éternel ?