Le riche et Lazare
« Lazare, sors de là ! C’est le Seigneur ton Maître ! »
Dit-Il si fortement sur le seuil du tombeau
Que les portes du Ciel s’entrouvrent à nouveau :
Sous le drap mortuaire on voit le corps renaître !
Et la vie en son cours ne peut pas se soumettre
À la Nuit qui s’en va comme un vol de corbeau,
Sur l’échelle du Temps l’infini se fait beau,
Quand le billet du vrai s’exhume de la lettre !
L’un se gonfle d’orgueil, l’autre touche au grabat ;
N’a-t-il donc pas aussi cet organe qui bat ?
Le pauvre en sa masure appartient-il à l’ombre ?
L’homme sur son fumier ne doit crier : enfin !
Alors que le puissant prend l’autre pour un nombre,
Tutoyant la richesse et n’ayant jamais faim !
Vingt-huit septembre vingt
Vision
Peut-être que le temps se fendra d’une larme,
Quand au creux de nos jours le désespoir est roi,
Plongeant tous ses sujets en profond désarroi,
Angoisse de la nuit que l’aurore désarme !
Car il advient l’instant qui se mue en vacarme ;
Le printemps assouvi sur une aube qui croît
Ne peut que confirmer l’adage qui fait loi :
Ô du ciel ténébreux l’incontestable charme !
Et rien ne vient tarir les ombres de la mort,
Pas même ce pantin qui nous prédit le sort,
Alors qu’un vil chaos engendre le désastre !...
…Des os nauséabonds s’envolait le parfum ;
Pas un bruit de fureur, rien ne filtrait sous l’astre,
Mais dans le noir, blotti, je vis bouger Quelqu’un !
Onze octobre vingt
Dualité
Il me faut cependant du temps tourner la page,
À l’heure où le pardon valide le regret
De ceux dont le destin conseille le retrait :
Laissons donc pour toujours ce combat qui fait rage !
Ô la dualité du démon et du mage !
Pareils à ce Sauveur recevant le soufflet,
Puis montant dans les cieux avec un grand reflet,
Quand l’Existence naît d’un glorieux outrage !
Alors que l’homme suit des chemins enivrants,
Réservez-moi, Seigneur, ces moments transparents
De Paix et de Repos, en attendant votre heure !
De l’habitat céleste acquérons la Maison !
Sage décision qui paraît bien meilleure
Que l’humaine pensée ébauchant la Raison !
Quatorze octobre vingt
La condition de l'être
Il ne t’est arrivé que des choses humaines,
Même si ton discours au propos alarmant
Ne fait que recourir à l’oracle qui ment,
Quand le vaisseau des jours vogue sans capitaines !
Vois les flots en souffrance et les façons hautaines
Que revêt le ressac en son aspect charmant,
Lorsque la proue émet quelque balancement,
Sous le vent de noroît ou des brises lointaines !
Que de vaillants clippers au loin évanouis
Ont peuplé les grands fonds, dans le sable enfouis !
Ramenant au néant leur si belle aventure !
Ne prends pas peur, ô frère, en face du tombeau !
Pour les pleurs émergés nul besoin de clôture :
Le babil de l’Amour reprendra le flambeau !
Trente octobre vingt
Les amours contrariées
Au paradis des maux éclatent les : « je t’aime ! »
Mais nous sommes si seuls parmi les bruits épars !
Perfide Cupidon tu perces les remparts
De nos egos transis, comme un vil anathème !
D’amours contrariés le singulier problème :
Versons encor un pleur puisque déjà tu pars !
Ô du temps assassin les cinglants avatars,
Tous les germes de mort que l’épouvante sème !
Dans le jour de l’épreuve on se hait volontiers,
Revoici la dispute et nous mourons altiers,
Bien pénétrés d’orgueil, pareils à des fantômes !
Même si le tourment ne se veut éternel,
Des péchés ancestraux je perçois les symptômes,
Quand il pleut sur mon âme entre deux arcs-en-ciel !
Six novembre vingt
Les larmes de l'amour
Sous vos fervents assauts, ma tête soudain ploie !
Dites-moi, mignonnette, où se trouve l’amour ?
Et tous ces sentiments que l’on dit alentour,
Quand il pleut dans mon cœur tant de larmes de joie !
L’autre ne peut rester une possible proie !
De vos feux alanguis je ferai donc le tour,
À travers de grands pleurs en leur plus bel atour,
Ultime exhalaison d’un bonheur qui foudroie !
Le temps du vivre ensemble est proche du chagrin ;
Ô ma sœur sondez-moi désormais jusqu’au rein,
Absorbez mon esprit comme on boit un calice !
Parmi les flots amers ramons encor à deux !
Car l’amble de nos corps apparaît bien propice ;
Nous voilà si naïfs et pleinement heureux !
Onze novembre vingt
Ô Vénus
Femme, ton aura sort du profond des ténèbres !
Bannissant désormais toute forme de mal,
Quand s’ajoute à l’esprit le besoin animal :
Je ne quitterai pas tes paradis funèbres !
En amour on reprend quelques phrases célèbres,
Qu’il ne sert d’occulter le besoin lacrymal,
Que le pleur à nos yeux apparaît bien normal ;
Nul besoin de saisir les ouvrages d’algèbres !
Et ma voix de déchoir : « Ô l’improbable vers ! »
Quand la glose attendrie apparaît de travers :
Vénus, je t’en conjure, ouvre-moi ta pensée !
Dans la vie affective il n’est pas de recel,
Même au jour de mensonge où la loi transgressée
Confère au sentiment un facies de sel !
Dix-huit novembre vingt
Le Seigneur, la Bête et le Faux prophète
Le Temps est bien fini, l’humanité renonce !
À force de frapper à la Porte des Cieux
Mes doigts ont revêtu ce mal mystérieux
Que l’on peut définir comme une plaie absconse !
Il s'agirait en fait du Printemps qui s’annonce !
Mais où sont donc partis les princes et les dieux,
Gorgés de déraison et de désirs pieux,
Qui ligotaient le peuple au moyen d’une ronce ?
D’aucuns pensent qu’Il fut comme un homme de bien,
L’ultime guérisseur à qui l’on dit : « Combien ? »,
Voire un censeur divin jouant les trouble-fête !
Cependant Il demeure à jamais transcendant,
Quand la foule gémit au temps du Faux prophète
Et de la Bête immonde à l’orgueil évident !
Vingt-et-un novembre vingt
La vache
La vache est dans l’enclos et la luzerne en elle ;
Quelques poules et coqs se dandinent, altiers,
Non loin du ruminant qui mange volontiers,
Le flanc taché de brun sur la blanche mamelle !
Les poussins piailleurs et le taureau rebelle
Ne font jamais frémir ses plantureux quartiers,
Au contraire du taon, compagnon de sentiers,
Qui pique l’animal dont le cuir se bossèle !
Maints coups de queue ardents frappent le bestiau
Pour éloigner le dard au son du flutiau ,
Inachevé ballet que rien ne peut suspendre !
L’humanité ressemble à l’objet de ces vers :
À force de fouetter un pelage si tendre,
Son instinct de mourir lui survit à travers !
Cinq décembre vingt
Séduction
À chaque époque il faut un séduisant prophète !
Que ce soit Mahomet, Marx, Freud ou bien Vishnu….
Le temps d’une prière et l’on s’en va tout nu,
Dépossédé du moi par l’extase…imparfaite !
Crachant leur oraison comme le fait l’ascète,
Que de chercheurs de Dieu au discours saugrenu
Recrucifient le Christ, ne l’ayant pas connu,
Dans des cultes divers où nul n’est à la fête !
Tout au plus restent-ils de sombres parias,
Oubliant d’exister, comme tu le crias,
Quand le propos trompeur te menait à la tombe !....
.... Priant dans le Jardin, le Seigneur, jusqu’au soir,
Combattit Belzébuth avant que la Nuit tombe,
Les disciples dormant, ivres de désespoir !
Douze décembre vingt
Malheur à moi !
Malheur à moi, Seigneur, si je n’évangélise !
Nous dit l’apôtre Paul dans l’épître à l’ancien,
Faisant preuve d’un zèle où lui-même n’est rien :
Plus le mont Golgotha que les doux yeux d’Elise !
...Dans des concepts étroits le monde entier s’enlise,
Soumis en quelque sorte au sort béotien,
Celui de ne jamais se sentir vraiment bien
Et de vouloir toujours préparer sa valise !......
Dans la froide prison je fus décapité,
Moi le grand Saul de Tarse, avant l’éternité,
Pour en sauver plusieurs on a tranché ma tête !
Serez-vous donc aussi les vaillants portefaix
De cette Croix qui reste un châtiment honnête ?
Lorsque le prix du Sang couvre tous les forfaits !
Vingt-quatre décembre vingt
Christ Pantocrator
N’est-ce pas un concept, ce Dieu que l’on vénère ?
Un conte élaboré par Jésus et les siens
Que l’on narre le soir auprès des plus anciens,
Quelque sornette acquise au premier millénaire !
Car même si le Mot paraît visionnaire,
Comment ne pas vomir les syndromes chrétiens,
Tous ces dogmes étroits auxquels tu n’appartiens ?
Plus le doute brumeux que le confort sectaire !
Cependant l’on ne sait d’où provient le soleil,
Les ombres de la nuit et le climat vermeil ;
Le corps désemparé peut-il aller sans tête ?
Le poète le dit : saisi par la liqueur
Le peuple agonisant a besoin d’un Prophète :
Ô Christ pantocrator, Tu sors encor vainqueur !
Six janvier vingt-et-un
Perplexe ?
J’étais sur l’existence un peu perplexe en somme,
Pas vraiment satisfait, voire jamais content,
Porté par ces leaders que l’on admire tant,
De la droite à la gauche, en folâtrant par Rome !
L’on entend même dire, à propos de tout homme,
Que le sport ferait loi contre le stress qui tend
Et qu’il faut exercer le corps à chaque instant,
Mouvement du biceps voisin du métronome !
Que dire de Jésus, ce Dieu Pantocrator ?
A-t-Il donc le pouvoir de gérer notre sort ?
Lui dont le sacrifice aboutit à la Vie !
Il se peut que cela demeure bien abstrait,
Relevant d’un fantasme ou d’une folle envie,
Mais sache cependant que Son Mot reste vrai !
Seize janvier vingt-et-un
Les belles courtisanes
Dansent et puis s’en vont les belles courtisanes !
Quand leur lèvre s’épanche au milieu du beffroi,
Sous des yeux attendris où l’autre devient roi ;
Vous faites mon bonheur, montures alézanes !
L’on se pavane encor, ainsi que des faisanes ;
Dans le tréfonds de l’âme advient le désarroi,
Chacun dit en riant : « en ce jour aime moi ! »
Des réciproques feux vous êtes partisanes !
Nous voilà bien maudits en trouvant l’amour fou,
Celui que l’on propose à Venise ou Corfou,
Ersatz d’affection en sa forme dernière !
Passent les temps confus et nous voici cherchant
L’étrange souvenir, portés par la bannière,
Des sentiments mortels et d’un monde alléchant !
Vingt-trois janvier vingt-et-un
Qui pourra ?
Qui pourra contenir les assauts de nos larmes ?
Quand au moment du vivre et d’un regard si bon,
L’on voit des soldats nus franchir le Rubicon ;
Ô l’immense frayeur des citoyens en armes !
L’un se répand alors en pieuses alarmes,
L’autre mêle ses cris au discours du canon,
Mais les princes obscurs jamais ne disent : « non ! »
Il n’est plus entêté qu’un roi pourvu de charmes !
S’il me faut parcourir et le ciel et l’enfer,
Abandonnant la ville aux tourelles de fer,
Je ne saurai déchoir à la fin de l’aurore !
Et voici le moment des combats valeureux ;
Vient le maître de guerre au mot que nul n’ignore :
« Même les saints d’en bas se disputent entre eux ! »
Treize février vingt-et-un
Dans le coeur
J’ai vu le Christ Jésus offert en sacrifice ;
Aucune échappatoire il me faut trouver Dieu,
Celui qui fait de nous le temple du saint lieu,
Quand l’aube en son lever se révèle propice !
Habiterait-Il donc le pieux édifice ?
Cette construction où l’on s’écrie : « Adieu ! »
Alors que l’au revoir, planté comme un épieu,
Serait plutôt de mise au jour de l’artifice !
Mais non ! Le Fils puissant réside en notre cœur,
Tant que dans les combats nous le faisons vainqueur ;
Plus le Messie en croix que les gloses abstraites !
Dans le quotidien l’on cherche des héros,
Tous ces marchands d’espoir aux mines contrefaites,
Lors même que survit le sacre des bourreaux !
Vingt fevrier vingt-et-un
Errance
Voudrais-tu donc remplir le fût des Danaïdes ?
Toi le chercheur de mieux au propos sublimé
Par l’emphase des jours, du temps inanimé,
Prophète introverti venu des Thébaïdes !
A quoi sert-il d’errer sur des astéroïdes ?
Quand le corps défaillant par la myrrhe embaumé
Trouve alors au tombeau son marbre accoutumé,
Vestige sépulcral des mondes sphéroïdes !
Mais la mort serait-elle un exutoire à tout ?
Le moyen excellent pour demeurer debout,
Discours du paradoxe en ce temps d’hivernage !
Quand bien-même la chair renaîtrait sur les os,
Comme pour le soldat, blessé dans un carnage,
Rien ne peut altérer le flux vengeur des eaux !
Quatre mars vingt-et-un
Mon retour
Voici que maintenant Je quitte cette sphère,
Y laissant Mon Esprit, parmi vous répandu,
Pour que nul ne se perde au jour tant attendu :
Celui de Mon Retour, imprégné de mystère !
Alors qu’il faut jouir comme unique critère,
Sois donc un de Mes Fils, à l’église assidu,
Arrachant au chaos ce qui semble perdu,
Tous ces espoirs de paix que le malheur enterre !
Mais au lieu de scruter si fixement le Ciel,
Viens en aide au prochain par un don fraternel
Et non uniquement au moyen d’une glose !
Qu’il fait bon investir la divine Maison ;
Contre le sein de Dieu son bien-aimé repose,
Immuable bonheur plus doux que la raison !
Neuf mars vingt-et-un
Le Messie
Le Messie apparaît, vient la fin de l’Histoire !
Nos fondements moraux sont judéo-chrétiens,
Si pauvrement croyants et pas vraiment païens.
Ô mort inabolie, où règne ta victoire ?
Je vois plus d’un humain s’enquérir de la gloire,
Mais son âme chargée ignore tout des siens,
Jusqu’à désinvestir les moments anciens
Que l’esprit conservait pour affermir le croire !
Pourquoi donc vivre avant d’aller en Paradis ?
Pour porter la Lumière ! Ainsi que Tu le dis !
Comme un éclair jailli du profond des ténèbres !
Ah ! Supplier un Ciel apparemment d’airain,
Lorsque rien ne répond hormis les bruits funèbres :
Aurait-on oublié ce Jésus souverain ?
Vingt mars vingt-et-un
Jaillissement
La Vérité se tient au-delà des nuages ;
Ami, pose ta plume ! Il faut bien convenir
Que l’immensité bleue a trait au souvenir,
Depuis les premiers pas jusqu’au profond des âges !
Irons-nous dépités par d’incessants mirages ?
Ou verra-t-on nos fronts tout à coup rajeunir
Sous l’effet d’un propos dont on doit se munir,
Quand le mal en son cours peut grimer nos visages !
Avec sur la poitrine un crucifix en buis
Et de lugubres croix qui nous servent d’appuis,
Lors même que l’obscur en son charnier festoie !
Parmi les gens de paix il est beaucoup de sourds :
Ô frère sauras-tu trouver l’unique joie
Qui du Tombeau jaillit tout comme aux premiers jours !
Trente mars vingt-et-un!
Décrépitude
À ma lèvre un rictus en guise de sourire ;
Mon temps connait l’ hiver, c’est ainsi que je meurs !
D’un cancer terminal aux multiples tumeurs,
Ce que le genre humain peut présenter de pire !
Pourtant ma bien-aimée allons encor souscrire
À ces paradis blancs où fondent les rumeurs,
Les incessants besoins engendrant bien des pleurs,
En quête d’une paix que nul ne sait transcrire !
Pareil à cet insecte arrêté dans son bond,
Mon cœur peine à trouver le chemin pudibond
Que la morale enseigne avant que la Nuit tombe !
Tous les oiseaux du ciel gazouilleront longtemps ;
Ferme un instant les yeux, ô ma douce colombe,
Malgré le mal sournois je crois que tu m’attends !
Premier avril vingt-et-un
Libération ?
Mon âme s’en allait, à demi libérée,
Sauf qu’elle demeura, disant alors : « Souffrons ! »
Nonobstant le naufrage et les cuisants affronts
Que confère à l’esprit la peur réitérée !
Ô cette vision d’une France éthérée,
Cherchant de toute part à soulager ses fronts,
Au moyen de la grâce à laquelle nous offrons
Les jugements hâtifs d’une lame acérée !....
….À grands pas j’arrivais à l’heure de midi,
Sur un vallon désert par la brise tiédi ;
Combien de corps éteints à l’odeur délétère !
On voyait quelques yeux sous le vent tressaillir,
Le flot de sang perdu n’asservissant la terre
Et glissant vers le fond pour bientôt rejaillir !
Six avril vingt-et-un
Devant……Dieu !
Il me faut donc mourir, en redisant sans cesse,
Au nom de tous les miens, par ce qui nous unit,
Ne transgressant jamais le serment de granit ,
« Je resterai fidèle au Christ de ma jeunesse ! »
Au-dessus du chaos un élan de tendresse :
Les bras tout grand ouverts le Père nous bénit,
Loin du poison mortel produit par l’aconit,
Conformément d’ailleurs à Sa chère promesse !
« Sera-ce le ciel clair ou le tourment ? » dit-Il,
Quand l’ange annoncera la teneur de l’Exil ;
Au Seigneur Éternel un jour tu rendras compte !
Te voilà plein de crainte en face du Saint Lieu ;
Pourras-tu te cacher à l’heure de la honte ?
Considère ton sort bien avant de voir…. Dieu !
Douze avril vingt-et-un
Un coeur serein
Nous voici dans le temps où l’âme se repose !
Il me plaît de te dire, au seuil de nos amours,
Combien je fus séduit par quelques charmants tours :
Devant un doux regard l’on perd souvent sa glose !
Délicate de taille ainsi qu’une fleur close,
Si belle de faciès, dans de très beaux atours,
Le printemps enjoué te souffla : « …pour toujours ! »
Tandis que sous le pont passait le flot morose !
Et puis je lutte encor, à tout considérer,
Sur la terre bénie où nul ne doit errer,
Pourvu d’un sentiment qui jamais ne recule !
Ô des corps l’union rendant le cœur serein !
Sans jamais succomber au troublant crépuscule,
La main évanescente et les poignets d’airain !
Seize avril vingt-et-un
L'inutile foi
Mangeons ! Buvons ! Dansons ! Car le Ciel peut attendre,
Et puis nous verrons bien lorsque le temps viendra,
Quand au jour éternel le sort décidera :
Inutile de croire avant de voir la cendre !
Insensé ! Ton esprit confond à s’y méprendre
Le bon grain de l’ivraie, en suivant le Tantra,
Je ne sais quelle erreur agitant l’agora,
Méprisant ce Salut vers lequel on doit tendre !
L’un dit : « Le monde entier est mû par le Malin »
Et l’autre : « Crois en l’Homme à l’étoffe de lin ; »
Les deux ont donc raison, il te faudra l’admettre !
Se lèvent tant de voix alors que l’on va seul !
Même les grands vaisseaux ne se passent de maître,
Ce Jésus souverain échappé du linceul !
Vingt-quatre avril vingt-et-un
La dame au beffroi
Je fais toutes les nuits le rêve bien étrange
D’une dame agitant son foulard au beffroi,
Alors qu’un chevalier la quitte avec effroi :
Est-ce un vassal félon que le seigneur dérange ?
Elle a le doux faciès de je ne sais quel ange
Et les plis de l’habit font penser à ce roi
Dont le joli pourpoint conditionne l’octroi
De quelque privilège éloigné de la fange !
Bien que le dur malheur proprement l’écrasât
Elle ne présentait un regard de forçat,
Au jour où sans nul doute elle mouillait son voile !
Ô ce geste du bras, on eût dit un flambeau !
Et ses yeux langoureux brillaient comme une étoile,
Sanglotant désormais jusqu’au seuil du tombeau !
Vingt-neuf avril vingt-et-un
Commune union
Nous voici sans conteste à la fin de notre âge ;
« Encore un peu de temps, vous ne Me verrez plus,
Finis les gestes vains et les mots superflus
Et puis Je reviendrai pour régner sans partage ! »
La Vie est devant toi si tu prends pour bagage
Le glaive de l’Esprit dans la Parole inclus,
Quand les standards humains paraissent révolus
Et qu’au bout du parcours il faut tourner la page !
On n’imagine pas, avant toute union
L’avantage premier de la communion,
Lorsque deux être chers se retrouvent ensemble !
Au paradis du verbe, un seul propos, l’Amour,
Venu du plus profond de la chair, il me semble,
Dessinant du bonheur le bienheureux contour !
Deux mai vingt-et-un
Comme un petit enfant
ourquoi sonder les jours, le Ciel serait-il vide ?
Ou bien alors peuplé d’individus falots,
Sous les ordres d’un Dieu décrétant à huis clos ?
« Sachez vous contenir ! », comme le dit Ovide !
Non ! Il n’est d’angelots au visage livide,
Assis sur un nuage, esseulés et pâlots,
Mais des êtres parfaits dépourvus de halos,
Présents dans les écrits d’un Livre qu’on dévide !
Connaîtrons-nous le feu dont on t’a baptisé ?
Toi le Messie en croix au corps martyrisé :
Après tant de noirceurs verrons-nous donc ta face ?
Sous la pluie et le vent, je ne puis plus tenir !
Ô Seigneur trois fois saint que veux-tu que je fasse ?
« Comme un enfant si pur, il te faut devenir ! »
Quatre mai vingt-et-un
Le temps
L’affaire se révèle immense et si petite ;
Holà, Messire Dieu, retenez donc le Temps !
Ce géant en déroute aux maux intermittents :
Les puissants et les gueux ensemble ont pris la fuite !
Ô les reflets charnels d’un brasier qui crépite,
Quand les frères, muets, vers qui parfois tu tends
Ne font que confirmer le sacre des titans,
Murmures d’évangile ou de la lettre à Tite !
Car il nous faut, bien sûr, dans le chaos un roi,
Lorsque l’indifférence appelle un désarroi,
Grimant cet au-delà qui dans tes yeux scintille !
Parmi tous les détours d’un destin qu’on rêva,
L’un se fait sensuel, pareil à cette fille,
L’autre innocemment tremble et pour toujours s’en va !
Cinq octobre vingt
Culpabilité ?
Des moments incertains, aucun n’en a l’envie :
Elle ronge le cœur, la culpabilité !
Comme ces flots amers au sel de notre été,
Quand le ciel se dérobe au plus fort de la vie !
Ô l’indomptable écume à présent asservie
Par le ballet des flots en leur éternité
Qui viennent, chancelants, mourir en vérité,
Sur la plage du temps sans cesse inassouvie !
Mais qui pourra tarir les propos nébuleux ?
Le doux son du hautbois et des cris merveilleux
Que l’on entend le soir dans un battement d’aile ?
Vois les glaives de fer en leur fourreau d’airain,
Les glorieux drapeaux de la France éternelle
Où l’enfant sous la nue apparaît si serein !
Douze octobre vingt
Un ciel de sang
Voici que je m’en vais mystique et solitaire,
Avec au fond des yeux une lueur d’espoir,
Quelque chose de grand que je voudrais revoir,
En ayant accompli tout mon temps sur la terre !
Devant l’affliction prenons soin de nous taire,
Car il ne sert à rien pour l’ego de déchoir
Lorsque notre existence expire en entonnoir :
Ô les pieux désirs d’un monde réfractaire !
Alors que l’être humain légifère par bonds
Parmi ceux de sa race, amers et pudibonds,
Les dieux inanimés se partagent le monde !
Bientôt le soleil croît puis lentement descend
Sur ces lieux de trépas où le malheur abonde,
Quand l’azur se fait rare au cœur d’un ciel de sang !
Vingt-six octobre vingt
Armageddon
Vois les divisions que le tourment décime !
Il pleuvait des sanglots et des larmes de sang
Au matin du combat, imprégnés de l’accent
D’un clairon infernal qui traversait l’abîme !
Jusqu’au soir rougeoyant la lutte fut ultime !
Pareille à ce duel singulier et puissant
Qui crève l’horizon et lentement descend :
Des sommets embrumés on ne voyait la cime !
Se propageaient des bruits auréolés d’azur,
( Tous les moments de doute où l’on dit : « rien n’est sûr ! »)
Quand sous les cieux de fer crachait l’artillerie !
Des glaives effrayants sortaient de leurs fourreaux ;
Ô les chars d’Israël et sa cavalerie !...
…Et cette vision fit de nous des héros !
Deux novembre vingt
Le papier de ma chambre
Les sinueux contours du papier de ma chambre
Ont nourri le regret de n’être plus enfant,
Tous ces instants de joie où l’on va triomphant,
Un jouet près du cœur, vers le mois de décembre !
Ô les reflets furtifs du plafond couleur d’ambre
Et la nue écarlate en un ciel étouffant !
Lorsque l’astre paraît, au son de l’oliphant,
Vestiges d’un soleil que le volet démembre !
Vois l’espace informel peuplé de grands roseaux,
Les misérables nids et les petits oiseaux
Déversant dans l’azur leur trop-plein de romance !
Les murs incandescents sont émaillés de fleurs
Et chacun des bourgeons se grime d’espérance :
Le dessin des motifs ne supporte les pleurs !
Neuf novembre vingt
Miroir
L’amour est ce miroir où l’on peut voir un ange,
Même aux jours de douleur, lorsque je vais transi,
Malmenant un destin pareil au pain moisi ;
Qu’il fait bon s’embrasser quand le désir nous change !
Il finit de pleuvoir et le soleil se venge !
Amie, irons-nous donc sous un ciel cramoisi
Renouveler nos vœux par quelque mot choisi ?
Déjà Vénus s’approche en un distique étrange !
Qu’importe la saison ! Un feu mystérieux
Émerge de ta lèvre et se propage aux yeux :
Combien de baisers purs ont serti ma prunelle ?
Sur l’écorce des sens j’inscris ce que tu fus !
Pour nous faire oublier la faute originelle,
Afin que l’homme Adam ne paraisse confus !
Quinze novembre vingt
Le Christ et les deux larrons
Vois le Maître parler à celui qu’on dédaigne :
« Que me veux-tu, brigand, je suis plus mort que vif ? »
Et le larron de dire : « admets-moi donc sous l’if
De ton Salut si beau, car approche ton règne ! »
Il est déjà bien tard et le corps de l’un saigne,
Mais l’autre se débat : « Te voilà bien naïf
De croire en ce Jésus comme l’Être effectif
Qui peut t’offrir le Ciel où seul l’archange enseigne ! »
Les voici tous les trois suspendus aux gibets,
Recevant des passants d’immondes quolibets :
«Christ, si tu viens d’en-haut, descends du bois toi-même !»
Mais bien qu’à l’agonie et proprement vaincu,
Le Fils remet sa dette au crucifié blême ;
Pour l’œuvre de rachat Il n’a pas survécu !
Dix-neuf novembre vingt
L'amour fou
Elle me regardait de ses doux yeux de braise
Et j’allais sous la nue avec le cœur troublé,
Succombant au désir qui m’avait accablé :
Le moindre de ses feux me paraissait fournaise !
Ô les moments confus que le regard apaise !
Quand l’espace des jours par le bonheur comblé
Chassait le désespoir dont j’étais affublé,
Comme faisant l’objet d’une sévère ascèse !
Inondés de plaisir en un ciel réchauffant,
Parmi les cris de joie on devenait enfant :
Oui vraiment l’amour fou peut guérir une plaie !
À l’horizon du Temps l’aurions-nous vu surgir ?
Ce mal inaboli que nul vaccin n’effraie :
Des baisers généreux l’autre ne doit rougir !
Trois décembre vingt
Pollution et mort de l’homme ?
De la part de tous ceux qui sont à la mamelle :
Quelle sphère aura-t-on comme terrain de jeu
Quand la pollution va devenir l’Enjeu ?
Un coin de terre hostile où l’herbe se rebelle !
Irons-nous donc aux champs, ma douce colombelle ?
Le gazon asséché pâlit en un aveu,
Et les blés incertains aussi fins qu’un cheveu,
Recrachent le poison que la glèbe recèle !
Verrons-nous une isssue, oublierais-je donc tout ?
Lorsque l’homme affaibli ne peut tenir debout,
Figé dans ce linceul où déjà tu reposes !
Le monde en ma prunelle agonise à demi ;
Languira-t-on encor du seul parfum des roses ?
Mais non ! L’aube paraît : j’ai plutôt mal dormi !
Sept décembre vingt
Judas Iscariot
« J’ai vendu le Seigneur contre un peu de monnaie »
Déclare ainsi Judas, tout à coup repentant,
Aux disciples unis, les péchés remettant ;
« Pour quelque vil argent, comme une offrande vraie !... »
…..Ô toi centurion que nul malheur n’effraie,
Te voici plein de doute, avec crainte admettant
Que l’Homme sur le bois n’est pas un charlatan,
Et qu’un si grand Salut avoisine l’ivraie !....
Et par l’Iscariot ce Christ devenu cher
Reçoit le dur baiser, Lui le Verbe fait chair,
Sentence d’un instant qui nous sort de la fange !
Le soldat désormais Le fixe avec dédain
Et le vassal félon sournoisement se venge
En livrant le Sauveur à la troupe soudain !
Quatorze décembre vingt
Brise nos liens !
Le remords me saisit jusqu’au tréfonds de l’âme ;
Je prends ce soir la plume au nom de tous les miens
Pour demander à Dieu de briser nos liens,
Lui dont on ne perçoit que la lointaine trame !
Ô les derniers reflets d’un univers infâme !
Où règnent le malheur et les tourments anciens,
Ceux que le peuple fait aux temps quotidiens,
Idoles d’un instant que le pays acclame !
Et lorsqu’enfin l’on croit le but final atteint,
Sur les nations souffle un vent qui les étreint
D’une poigne de fer dans un velours sublime !
La dictature humaine a ceci d’enivrant,
C’est que tout paraît pur, justifiant le crime
Dont l’accuse un Prophète au propos transparent !
Six janvier vingt-et-un
Eternité
La fin de toute chose est désormais si proche !
Ami, pose ton sac, voilà l’éternité !
Comme on quitte l’hiver pour la saison d’été ;
Sous la terre gelée on aperçoit la roche !
Ô les éclairs de feu que le Malin décoche !
Quand sur le flot amer je meurs d’avoir été
Ce vaisseau titubant à l’horizon jeté,
Soumis au vent cruel qui sur les eaux ricoche !
Mais qu’importe le sort, il faut déjà partir
Vers ce Ciel glorieux où règne le Martyr,
Dont l’image s’érige en un halo funeste !
L’éclat de son regard irradie, éperdu,
Et l’ombre se défait pour que l’on voit s’il reste
Un peu de chair meurtrie autour du clou tordu !
Treize janvier vingt-et-un
Le Maître te demande !
Ami, ne tarde pas, le Maître te demande !
La Croix reste la Porte où l’on s’en va frappant,
Derrière le verrou se tient le Dieu vivant,
Dont le corps glorieux confirme la légende !
Et la voix des élus se lève en une offrande,
Comme ces cris furtifs que la brise répand,
Au Royaume éternel on redit si souvent
La majesté du Fils que l’immensité scande !
Penses-tu désormais te retrouver debout,
Quand l’Être en Son Amour t’aura dit : « est-ce tout ? »
Confondu par l’Esprit de la Sainte Parole !
Avant de t’engager pense au prix à fournir,
Puis parle à ce Jésus qui tient la banderole,
Peut-être bien alors pour ne plus revenir !
Dix-huit janvier vingt-et-un
La femme aux yeux argent
Elle a ce doux faciès des personnes bien nées,
Comme une demoiselle au si joli minois
Que l’ange amer lui-même agonise, narquois ;
Il sied à l’odorat ses fragrances innées !
Du cosmos triomphal aux profondeurs damnées
Cupidon tu détiens plus d’un trait au carquois
Et ta lance brisée au plus fort des tournois
Nous montre le chemin jusqu’à nos destinées !
Oui je me suis battu contre le cours du temps,
Ce flux qui nous échappe en jets intermittents,
Ultimes soubresauts d’un monde réfractaire !
Ainsi passent les jours, nous allons au linceul,
Mais fort heureusement j’aurai connu sur terre
La femme aux yeux argent qui ne me laisse seul !
Trois février vingt-et-un
Rêve et réalité
Puisqu’il n’est pas possible, autrement qu’en un rêve,
De célébrer Cronos pour assouvir la faim
De nos corps se cherchant et ce jusqu’à la fin,
Choisissons une vie où l’on ira sans trêve !
Comme un vol d’oiseaux fous au-dessus de la grève,
Vient le moment d’aimer, quand rien n’apparaît feint,
Peut-être pas autant qu’un subtil séraphin,
Rejetant la dispute et ce mal qui nous crève !
Ô désir j’ai voulu, dans les ombres du soir,
Asservir ton image un peu comme un miroir
Quand perlaient sur le front bien des gouttes de joie !
Sous des souffles ardents gémissait l’univers ;
La main nue on semblait pareil à cette proie
Qui s’en va sous le ciel les yeux tout grand ouverts !
Quinze février vingt-et-un
Parmi l'ivraie
Pour se rendre en les cieux, nul besoin de bagage !
Il suffit simplement de gagner le lieu saint
En laissant de côté tout ce qui semble feint
Et la Vie en son cours sourira davantage !
Vers l’azur infini le merveilleux voyage,
Quand l’être en son carcan tout doucement s’éteint,
Lumignon d’un brasier où le mal nous étreint ;
Ô ce soleil ardent du ciel d’après l’orage !
Derrière un grand rideau le songe m’apparut,
Fait de douces senteurs dessus le rocher brut ;
J’errai négligemment comme un piètre émissaire !
Passent les jours tu vas, de rancœurs accablé ;
Cesse donc de gémir lorsque ton cœur se serre,
Parmi l’ivraie impie on distingue du blé !
Deux mars vingt-et-un
L'étreinte
Le premier qui s’exprime apparaît comme juste,
Puis vient l’autre partie et nous l’examinons,
Pareille à la mortaise abritant des tenons ;
Seras-tu Don César ou plutôt Don Salluste ?
Avec le poids des ans le corps se fait vétuste ;
Ah ! Toujours monterait le doux bruit des canons,
Le cliquetis du glaive au pied des gonfanons ?
Je n’ai dans mon jardin qu’un misérable arbuste !
Nous voici consternés, emplis d’un vain remords,
Soumis à ce repos que subissent les morts,
Lorsqu’un destin maudit s’invite dans l’épreuve !
Ô l’écume du mal quand tout va de travers !
Ce flot dévastateur aux allures de fleuve :
Le poète succombe à l’étreinte des vers !
Huit mars vingt-et-un
Mystique ?
Serait-Il affublé d’un délire mystique ?
Cet homme qui s’en va, porté par les clameurs
De religieux prêts à gonfler les rumeurs,
En un lieu charlatan et puis ailleurs unique !
Car mon ami le Don n’a rien d’ automatique :
Vois-tu Christ vient à moi souvent par où je meurs,
Aussi propice en nous que le pas des semeurs,
Quand ils sentent déjà lever le blé pudique !
Sur l’herbe des jardins, comme des diamants,
L’astre du jour polit des cristaux si charmants,
Resplendissant de gloire et frais comme la rose !
Le firmament s’allume en des cieux inouïs,
L’être se fait songeur et l’âme se repose,
Parmi les bruits du soir bien vite évanouis !
Quinze mars vingt-et-un
à Denis H.
Un ami, un frère
C'est comme un ami sûr, je dirais même : un frère !
Amoureux si fervent de cette Vérité,
Un témoin du Salut qu’il a donc mérité,
Accoucheur de moissons sachant mener l’araire !
Avec le Saint-Esprit pour ardent partenaire,
Il conteste à Satan la vieille absurdité
Qui fait que l’être humain se vêt d’impunité,
Dominant le chaos, pareil à ce tonnerre !
Le Ciel suspend des vers aux accents de sa voix,
Délivrant maint conseil oui mais combien de fois ?
À tous ces braves gens qu’il exhorte sans cesse !
Point de haine en ses yeux, pas de regards hautains ;
Doté par le Seigneur d’une grande sagesse,
Je le vois tenir tête aux discours incertains !
Vingt-quatre mars vingt-et-un
Aimer
L’amour, ce sentiment qu’il faut sans cesse apprendre,
En ne sachant jamais qui de nous deux est fort,
Quand les dominateurs se disputent le sort,
Celui de ce Sisyphe immaculé de cendre !
Car tout vient du néant, même la chose tendre,
Et l’on ne peut prévoir ce qui touche à la mort,
Pas même le ressac des flots contre le port,
Lorsque l’être esseulé désespère d’attendre !
À moins de définir quel projet insensé
Peut advenir soudain après l’espoir brisé,
Comme un feu débutant parmi des étincelles !
Mais quand l’affection à ta bouche paraît,
Il ne sert nullement d’invoquer toutes celles
Qu’un destin singulier anéantit d’un trait !
Trente-et-un mars vingt-et-un
Auschwitz-Birkenau
Ils furent de grands camps établis en Pologne ;
Derrière les verrous et le portail ouvert
Vit Auschwitz-Birkenau, point final du transfert,
Les haillons sur le corps, le sang bleui qui cogne !
Ô le four crématoire et sa triste besogne ;
Entre les barbelés que de gens ont souffert !
Sanctuaire d’un peuple en sacrifice offert ;
Mais qu’est-il advenu des bourreaux de Cologne ?
Et puis en d’autres lieux Treblinka, Sobibor,
Une nation juive avec l’étoile d’or,
Intime cicatrice au plus profond de l’être !
Pour l’immonde Shoah bientôt les voilà nés ;
Devant l’acte odieux qui ne doit reparaître
Nous entendons gémir la voix des condamnés !
Quatre avril vingt-et-un
Nouveaux Cieux, nouvelle Terre
On me dit : « Penche-toi sur la philosophie ! »
Moi je ne veux savoir que Jésus sur la Croix,
En rançon pour plusieurs, si bien sûr tu Le crois,
Absolu Sacrifice auquel nul ne se fie !
Dans des vapeurs d’alcool, une foule bouffie
Par qui se reproduit, du haut de ses beffrois,
Le syndrome du pire où tout devient émois,
Capitule bientôt et déjà se renie !
Un jour tu mettras pied sur un monde tout neuf,
Plus qu’en soixante-huit, mieux qu’en quatre-vingt-neuf !
Jusqu’à faire du mal une facile proie !
Finis les mots trompeurs où l’humanité ment,
Avec pour souvenir un siècle qui nous broie,
Mais qui débouche enfin sur un enchantement !
Neuf avril vingt-et-un
Une rose
Une rose a poussé sur ce qui fut un homme ;
« Frappez ces chiens de Juifs » criait l’oberkapo,
« Jusqu’à ne voir ainsi que le sang sur la peau ! » ;
La plante du martyr agonisant, en somme !
Par l’immonde Shoah se répète la Pomme….
…. « Et nous prétexterons la douche comme appeau,
Quand ils auront quitté leur puant oripeau,
Pour la grande Allemagne on peut procéder comme ! »
Ô morts de l’an quarante il vous faut convenir
Qu’entre les tours de fer se dissout l’avenir ;
Vous ne cherchiez pourtant l’opprobre ni les larmes !
Vois s’élever le chant de peuples en haillons,
Lorsqu’au brouillard des fours s’adjoint le feu des armes,
De quoi faire trembler les plus fiers bataillons !
Quatorze avril vingt-et-un
Prisonnier
J’ai visité la terre où tout me semble immonde ;
Au lieu de ressasser les maux les plus anciens,
En cherchant le miracle, en vils magiciens,
Les hommes feraient bien de traiter l’air et l’onde !
Ô la sphère de plomb sous une lune blonde,
Planètes subissant les mots béotiens
De ces penseurs grimés en politiciens,
Vomissant leurs discours à la face du monde !
Gourous de tous les bords, alors, assumez-vous !
Sinon l’on finira promptement à genoux,
À force de quérir les cris visionnaires !
L’être humain se complait à générer le mal :
Il abolit le calme au milieu des tonnerres !
Le voilà prisonnier du tourment animal !
Dix-huit avril vingt-et-un
Le petit val
L’esprit était vivant, mon corps une chaumière ;
Le saule se penchait sur mes pas indécis,
Comme l’or de l’automne aux rayons obscurcis,
Au seuil d’un petit val inondé de lumière !
Passant, arrête-toi ! La pénombre première
A perdu dans ce lieu ses contours imprécis,
Lorsqu’un brouillard peuplé d’inutiles sursis
N’abolit le soleil sur la rose trémière !
Nous reverrons bien sûr le lever matinal
De l’astre aux yeux de braise au-dessus du chenal,
Quand un feu dévorant le crépuscule embrase !
Voilà que le ciel bleu fléchit obscurément,
Avec le doux parfum d’un fruit que l’on écrase,
Mais je vois l’horizon s’entrouvrir par moment !
Vingt-six avril vingt-et-un
Ô France
Ô France as-tu besoin d’un nouvel Alexandre ?
Ou bien d’un Hannibal franchissant l’Appenin,
Avec des éléphants comme transport bénin,
Quelque Napoléon exhumé de sa cendre !
Perpétuellement l’être humain semble attendre
Un homme politique au très puissant venin,
Appliquant sur le peuple un poison saturnin,
Quand de son piédestal il ne peut redescendre !
Oui mais combien de morts à l’ombre de la Croix ?
Svastikas et latine, actée au nom des droits,
Formidables fracas de concepts sanguinaires !
Dorénavant veillons à punir les bourreaux :
La Nuit gagne et s’avance au bruit de grands tonnerres ;
Au panthéon des dieux il n’est qu’un seul Héros !
Premier mai vingt-et-un
Le Manouche
Je traversais les prés, tout n’était que silence,
Mais au loin j’aperçus les flammes d’un grand feu,
Quelque Manouche errant s’y réchauffait un peu,
Par un vent glacial, sous une voûte dense !
L’homme grattait un air de guitare, en cadence,
Et sa main palpitait comme un puissant aveu
De joyeux désespoir dessous le noir cheveu,
Les yeux contre la nue en guise d’allégeance !
La musique était belle et le temps incertain ;
Sous ses doigts l’instrument joua jusqu’au matin,
Sans connaître de trêve, aussi pur qu’une harpe !
Puis le musicien secoua son chapeau,
Attacha un tissu qui lui servait d’écharpe
Et repartit vaillant au son d’un vieux pipeau !
Trois mai vingt-et-un