Soldats !
O soldats de l’amour le Seigneur vous regarde !
Montrez lui votre zèle à l’instant du combat,
Brouillard d’affliction sublimant le sabbat,
Et qu’alors sabre au clair vous ne baissiez la garde !
Veux-tu du crépuscule une splendeur blafarde ?
S’abstenir de rapports ou pratiquer l’ébat,
Voilà bien sous les cieux l’inutile débat,
Quand déjà fond sur nous la belle, la camarde !
Mais le fait d’être fiers nous rendra-t-il heureux ?
Et la fureur de vivre habitant nos aïeux
Permettra-t-elle un jour de raviver la flamme ?
Il me restait en tête un rien d’éternité ;
Sur le bord des ruisseaux j’ai promené mon âme,
M’abreuvant à l’envi comme on boit en été !
Neuf juin dix-sept
En qui ?
Voici déjà venir l’effroyable et l’austère ;
Le temps est accompli, je sais en qui j’ai cru,
Et l’antéchrist sournois désormais apparu,
Se dresse sous la nue au souffle délétère !
O clairon de l’esprit que l’autre ne peut taire,
Pareil au naufragé sur les flots secouru,
Lorsqu’au jour du malheur, le tourment, vite accru,
Fait perdre pied à Job, le fort s’écriant : « Terre ! »
Mais où vous demeurez, n’avez-vous pas d’amour ?
Pourquoi donc raccourcir la longueur de ce jour,
Mettre sous le boisseau la lumière du monde ?
Idéal d’un instant où le corps tint debout,
Quand le sol se fit dur comme un rocher dans l’onde ;
Crier son désespoir ! O Seigneur fut-ce tout ?
Cinq juillet dix-sept
L’impossible amour
Combien nous sommes fous de croire en l’impossible
Amour, d’une folie où l’autre semble roi,
Comme cet oiseau pur tout parcouru d’effroi,
Que des soleils brûlants prennent soudain pour cible !
O trouver du lieu saint l’endroit inaccessible !
Quand les mornes esprits du terrestre charroi,
Consolent bien pensifs le charnel désarroi,
De ces jours habités d’un mal irréversible !
Au temps des yeux hagards nul ne vit sans regret,
Lorsque l’être qui meurt au départ semble prêt,
Suppliant de la nue une grâce éphémère !
Ah ! le bord taciturne, effrayant du tombeau !
Le voilà si penché sur l’ardente chimère,
D’un ciel parfois sanglant qui se grime en flambeau !
Dix-huit juillet dix-sept
Chagrin
S’il te plaît ô mon Dieu brise ma solitude,
Mais l’autre en son discours me paraît si peu sûr,
Comme un oiseau qui meurt aux confins de l’azur,
Acceptant sans férir la mystique hébétude !
Des temps inabolis j’ai vu la plénitude,
Et il m’aura fallu ce flux combien impur,
Pour chasser du tombeau le facies le plus dur,
Lorsque dans la fureur le bonheur on élude !
Il pleut dedans la nue et je dois m’en aller,
Comme le ton d’un ciel que l’on voit s’étoiler,
Au jour du nœud mortel impossible à défaire !
S’il me faut un chagrin plus fort que les amours,
Seule émanation de l’astre funéraire,
C’est mon tour de pleurer pour l’ultime secours !
Vingt-huit juillet dix-sept
Les fleurs d'au-delà
Mais fils as-tu le choix au jour de la détresse ?
Quand la tentation engendre le péché,
Comme cet aigle mort à jamais empêché,
De déployer son aile en un ciel qui l’oppresse !
O le cours de nos pleurs que l’affliction tresse !
Pareil à ce ruisseau par le vent asséché,
Que des filets d’argent maintiennent accroché,
Au soleil matinal d’une aube enchanteresse !
Avant de m’en aller j’aimerais tant savoir,
Si les fleurs d’au-delà se fanent vers le soir,
Dernière expression d’un mal-être sans borne !
Je parcours tout l’azur sans un seul coup férir ;
Pauvre semble la nue et le temps paraît morne :
Peut-être que l’oiseau se cache pour mourir ?
Deux août dix-sept
Alléluia !
Te voici bien souffrante au jour de la détresse,
Développant parfois une paranoïa :
Tu méprises ton frère avec maestria,
Quand un conflit larvé se lève sans tendresse !
O ces nœuds affectifs que l’affliction tresse ;
Dans le feu du tourment l’un dit : « alléluia ! »,
S’il se peut aussi haut qu’un bois de séquoia,
Et l’autre en sa raison sous le ciel nous oppresse !
Mais dans l’aube du mal le vrai semble proscrit,
Pareil au temps d’hier si dépourvu d’esprit,
Lorsque la nue accueille un suaire de brume !
O fils n’entends-tu pas le cri de nos amours ?
Ce fleuve plébéien qui lentement s’enfume,
Crépuscule formel que l’on verrait toujours !
Sept août dix-sept
Fais-toi grâce !
Mais la rébellion, ô Seigneur de lumière,
Qu’est-ce ? Un dissentiment passager et lointain ?
Ou cet immense feu qui nous vient du destin ?
Quand aux lieux de torpeur Tu fais crier la pierre !
Du reflet des amours te voilà prisonnière,
Et l’on fait des grands cieux l’incroyable festin,
Dans le meilleur des nuits s’achevant au matin,
Inaboli ruisseau d’un flux à la paupière !
Vois s’élever déjà le remords infini,
Du parcours infernal qui m’aura donc puni ;
Dans des bras accueillants tu gis exténuée !
Où s’en va le sanglot il n’est plus de saison,
Et l’ardent univers te porte en la nuée :
Fais donc grâce à toi-même aux jours de déraison !
Treize août dix-sept
Solitaire
L’amour s’en est allé, je marche solitaire,
Cherchant dans le ciel bleu ce remède au tourment,
Celui de ne plus voir l’autre en seul agrément :
Les pleurs de récréance il nous faudra les taire !
Vois grandir à présent le sentiment austère,
Qui nous suspend bientôt aux clous du firmament
Les moments de tristesse où le visage ment ;
Devant les infinis le poète dit : « Terre ! »
Mais peut-on assumer les désespoirs béants ?
A l’heure où nos remords se dressent en géants,
Comme ce fleuve hagard ne possédant de rive !
De nos rires d’hier subsistent des morceaux,
O l’immense douleur du grand deuil qui m’arrive :
Austerlitz rayonnait au matin des assauts !
Dix-neuf août dix-sept
Le premier
Le premier qui s’exprime apparait comme juste,
Vient la partie adverse et ferraillent les mois ;
Le mal-être réel qui jaillit des effrois,
Se dresse sous les cieux en un sursaut vétuste !
Sur la lande, difforme, un misérable arbuste,
Comme à jamais étreint par des affreuses voix,
Ce tourment d’au-delà qui saisit les bourgeois,
Au jour du préjugé puis du discours auguste !
Bientôt sur l’horizon se dévoilent les temps,
Quelques regards épais aux miasmes éclatants,
Et dont jadis l’esprit se voulait insondable !
Vois ces hommes de peu s’avançant, pâles, nus :
O des nuits le fracas, inouï, formidable !
Bastion virtuel soumis aux inconnus !
Vingt-huit août dix-sept
Ecume
Passent les temps anciens et viennent les ténèbres ;
Quelques vaisseaux fumants nous pressent sur les mers,
Et la brume engloutit des horizons si verts,
Ainsi que des esquifs arrogants et funèbres !
Sur les flots déchaînés des brigantins célèbres,
Improbables bateaux dont les flancs sont amers,
Sertis de fers brunis, de lichens recouverts,
Subtile équation qui régit les algèbres !
Asservissant les cieux à l’éternel remords,
D’un bord inaccessible où les oiseaux sont morts,
Le rivage s’étend comme un dernier prophète !
L’on chemine en costume et l’on rentre en haillons,
O l’écume des cieux qui ne se veut muette,
Ponctuant le ciel noir de ténébreux rayons !
Trois septembre dix-sept
Résilience
Pour la résilience il faut tourner la page,
Des soirs les plus trompeurs aux innocents matins,
Quand l’aurore de givre aux feux bien incertains,
Se lève dans un cri magnifique et sauvage !
O ce puissant amour répété d’âge en âge !
Et l’étrange propos que dans la nuit je tins,
Pareils à des baisers qu’on ne voudrait lointains :
Depuis le temps d’hier je t’aime davantage !
Et la bouche frémit dessous un grand clin d’œil,
Par un cri de douleur aboutissant au deuil ;
O le battement sourd du sang qui coule en fleuve !
Voici le jour subtil parcouru de remords :
L’existence au désert s’est muée en épreuve,
Celle de l’agonie agitant tous les morts !
Neuf septembre dix-sept
L'épine au front
J’ai rêvé d’un Seigneur qui courberait les têtes,
Mais la foi serait-elle un trouble compulsif ?
Malmenant l’être humain comme un cruel récif,
Qui crèverait le flot au hasard des tempêtes !
Tes frères t’ont appris le plus grand des prophètes,
Mais face au désespoir tu t’en vas si pensif,
N’étant pas satisfait du bienheureux poncif,
Où l’esprit inquiet ne supporte les fêtes !
O culpabilité tu m’auras donc puni,
Moi qui cherche du ciel le remède infini,
A l’instant de l’épreuve et des lèvres impures !
Soumis à cet enfer d’un jugement trop prompt,
Occupé que tu fus à laver tes souillures,
Te voilà maintenant avec l’épine au front !
Dix-huit septembre dix-sept
Je suis là
Dans ce monde, ici-bas, je n’ai connu moi-même,
Que le cours de ses pleurs redisant : « je suis là ! »
Pareil à un ruisseau parcouru d’au-delà,
Manifestation de ce Seigneur que j’aime !
O la balle et le grain que la tempête sème,
Le seul pan de l’habit en forme de holà,
Tissu d’un seul tenant du Maître que voilà,
Et ces grumeaux émis pour le bonheur suprême !
Si sévère la croix au dessein tôt écrit,
Ce sommet de douleur que redoute l’esprit,
D’un prophète couvert d’une terrible huée !
Du peuple murmurant jusqu’au sépulcre ouvert,
Alternant désormais ténèbres et nuée,
Voici le vrai Sauveur sur un bois qui n’est vert !
Vingt-et-un septembre dix-sept
Le crime parfait
Je demande son nom, l’un me dit : « c’est la vie ! »
Ou le Prince des jours qu’on voit auparavant,
Menacer la tempête et la force du vent,
Et l’autre : « la bonté par la gloire suivie ! »
De la chute de l’homme il n’en avait envie,
Mais regarde déchoir le fier engoulevent,
Cet oiseau si frondeur qu’on aperçoit souvent,
D’un coup d’aile, bannir l’aurore inassouvie !
Mais n’as-tu jamais vu le Sauveur sur le bois,
Ce châtiment pervers qu’on observe parfois,
Au milieu du silence ou des bruits de tonnerres !
Les anges à genoux alors qu’Il expirait,
Bataillons d’au-delà, vaillants légionnaires,
Firent de cet instant le crime si parfait !
Vingt-huit septembre dix-sept
Est-ce tout ?
J’ai perçu du néant cette beauté que j’aime,
Comme ces oiseaux morts dérivant dans l’azur,
Déshérence des jours où le mal-être est sûr,
Vois le violent flux gonfler l’horizon même !
Au cri des passereaux le matin se fit blême,
Quand le pantocrator au blasphème si pur,
Jeta depuis le bois et dans un geste mûr,
Son généreux pardon pareil à cet emblème !
Toi qui fais du quidam ton ultime attribut,
Comme si ton prochain s’était trompé de but,
Que ta seule parole éloigne l’anarchie !
Sens le ciel s’affermir quand rien ne tient debout ;
O l’immense grandeur d’une tête blanchie !
Mais Seigneur mon ami l’épreuve serait tout ?
Douze octobre dix-sept
Frissons
L’on ne peut décemment incriminer la rose,
Cette fleur d’au-delà qui périt vers le soir,
Heure du crépuscule à l’indicible espoir,
Où l’être enamouré si tendrement repose !
Ton bonheur compromis fait que tu vas morose,
Comme un oiseau perdu naviguant dans le noir,
S’efforçant par son chant de ne jamais déchoir,
Parcouru d’un frisson, sans connaître de pause !
A travers tout l’espace et sans qu’il s’élevât,
Saluant si souvent des ombres le vivat,
Le voici solitaire en attendant son heure !
Planant dedans ton ciel tant constellé d’effroi,
Plus que l’astre du jour ô tu te crois meilleure,
Pour un moment l’esclave et pour l’autre le roi !
Vingt octobre dix-sept
Illusions
J’ai vécu bien des mois au royaume de l’autre,
Parcourant les déserts, sous des vents de malheurs,
Quand les temps incertains se pressaient en voleurs,
Projets fallacieux, trompeuse patenôtre !
Au moment où l’impie agonise et se vautre,
Voilà qu’un chérubin inondé de grands pleurs,
Brise son auréole en d’intimes pâleurs,
D’un geste glacial, probablement le nôtre !
Mais peuplés de remords les mystères s’en vont,
Fantasme d’un instant ou délire profond,
Inaboli tribut réclamé chaque année !
O ces mots si légers que l’on redit parfois,
A la femme d’un jour muette et consternée,
Qui se méprendrait même aux accents de ma voix !
Quatre novembre dix-sept
Vanité
Mais n’as-tu pas perçu la vanité des choses ?
A l’heure de ces temps qui nous semblent douleurs,
Libation d’un corps d’où jaillissent les pleurs,
Quand tu passes ta vie en des fêtes moroses !
Dans les jardins anciens j’ai respiré les roses ;
Se peut-il qu’à présent tu rêves des ailleurs ?
Alors qu’en vérité l’on pense aux jours meilleurs,
Car dans de verts concepts désormais tu reposes !
Si l’on part un matin pour retrouver l’amour,
C’est parce que les cris s’élèvent tout autour,
Et qu’il fait bon dormir au firmament des songes !
O mon frère retiens de ces modestes vers,
Que rien ne rompt jamais les terrestres mensonges,
Sauf l’immense salut que l’on voit à travers !
Quinze novembre dix-sept
Sous le vent
Voir l’étendue amère ouverte en sa partie,
Quand le Moïse élu dont le cri souverain,
Anéantit l’armure et les casques d’airain,
D’un prince pharaon chargé d’immodestie !
Le mur d’eau en tombant si durement châtie,
Les peuples égyptiens devant le juif serein,
Qui vainquit Amalek d’un puissant coup de rein,
O flot impétueux, charnelle sacristie !
J’ai perçu de l’azur le sanglot émouvant,
A l’heure du chaos et du corps sous le vent,
O Sauveur bénissant devant qui l’on s’incline !
La femme s’est figée au seuil du tombeau noir,
Après l’acte odieux sur la sainte colline,
Où mon âme renaît avec l’aube du soir !
Dix-neuf novembre dix-sept
Brisure
Voir l’amour se briser au jour de la détresse,
O séparation te voilà dans nos murs,
Quand les rapports à l’autre ont cessé d’être purs,
Et que dorénavant la colère nous presse !
Sur la montagne sainte il n’est plus de prêtresse,
Et Diane ou Vénus n’engendre les futurs,
Derrière leur autel l’on ne voit pas d’azurs,
Pareilles à l’humain que dévore l’ogresse !
Mais qui donnera vie à l’homme épouvanté,
La femme secourable ou l’Etre en majesté ?
Comment prier le Ciel quand on ne sait qui croire ?
De l’éternel espoir qui surgit du néant,
Ah ! Mépriserons-nous la vision de gloire ?
Désespérance intime habillée en géant !
Vingt-et-un novembre dix-sept
Le meilleur
Me voici naviguant de chaos en mystère ;
Le meilleur, je le sais, n’habite pas en moi,
Comme un homme inquiet qui scrute avec effroi,
La face de l’abîme au souffle délétère !
Et j’ai vu, dans l’azur, l’incandescent cratère,
Ce soleil d’au-delà qui nous vient du grand roi,
Lorsqu’Il nous communique une dose de foi,
Prodigieux destin que je ne saurais taire !
Mais voulons-nous salir le plancher des héros ?
Quand nous nous comportons trop souvent en bourreaux !
Et que l’humanité fait un bond en arrière !
Qui nous parle au désert pendant tout notre exil ?
N’avons-nous donc perçu le mot tendre du Père ?
« S’il s’agit de mourir, qu’il vive encor », dit-Il !
Vingt-sept novembre dix-sept
Plus jamais
Plus jamais ô mon Dieu je ne serai le même,
Car sur le Golgotha j’ai vu briller la croix,
Libation d’un jour, gaie et triste à la fois,
Ultime expression d’un Seigneur qui nous aime !
Toi qui fais de la vie un divin théorème,
Rescapé des enfers et Sauveur toutefois,
Comme l’astre d’argent lentement tu décrois,
Crépuscule d’une heure à la clarté suprême !
Au paradis du vrai, l’on a plus d’autre espoir,
Que de servir le Christ du matin jusqu’au soir,
Voilà le seul propos d’un Ciel que tu déplores !
Dans l’ombre inassouvie un bienveillant soleil ;
O voir des jours nouveaux les troublantes aurores,
Quand l’homme en son repos ne trouve le sommeil !
Deux décembre dix-sept
Les mots
J’aperçois un soleil à travers les mensonges,
Aussi ne te mets pas à critiquer la foi,
Comme un fieffé menteur au matin de l’effroi,
Quand le vrai de la vie appartient à des songes !
Il te faut, c’est certain, lorsque sans fin tu plonges,
Pareil à ces oiseaux englués dans leur moi,
Te remettre à celui qui transcende la loi,
Aspirant le néant comme font les éponges !
Exister par les mots, j’adore tant cela,
Devant mes vers pâlis, tu ne dis que : « voilà ! »
Espérance d’un jour et triste fantaisie !
Les blés sont si fanés, les épis bien trop mûrs,
Ami, ferme les yeux, ce n’est que poésie !
Mais nos propos d’amour verront tomber les murs !
Sept décembre dix-sept
Concepts
Parmi nos cris communs les conflits séculaires :
Nous étions si joyeux au seuil de notre amour,
Quand des mots insolents ont alors vu le jour,
Comme ces cumulus chargés de froids polaires !
Je meurs paisiblement de cinglantes colères ;
De l’être intérieur j’ai perçu le contour,
Le bien en son noyau puis le mal tout autour,
Lorsque l’aube se vêt de ses feux tutélaires !
O les flots tant amers aux ressacs purs et nus,
Marins de tous les bords qui ne sont revenus,
Perdus dans des courants qui percent leurs entrailles !
Sur la porte du Ciel aux battants entr’ouverts,
Comme les blés qu’on voit sur les champs de semailles,
Vois ces concepts frileux qui se plaisent couverts !
Neuf décembre dix-sept
Le chant de l'infini
Et pourquoi ne pas rire au jour de la détresse ?
Quand le Maître s’invite à manger avec toi,
Pieuse injonction au firmament du moi,
Ah ! L’amour de Jésus qui désormais nous presse !
Vois s’abattre le fouet, ô cruelle caresse !
Avant que le romain ne couronne le Roi
De crachats et d’épine, à l’heure de l’effroi,
Puis la croix du salut très lentement se dresse !
Entends-tu sur les monts le chant de l’infini,
Face au crime pervers qui demeure impuni,
Le sanglot de l’archange au seuil de l’invisible !
Or les pharisiens lui montrèrent le poing ;
Juste après Golgotha plus rien n’était possible,
Mais l’homme sur le bois ne leur en voulut point !
Onze décembre dix-sept
Toi-même
O ces jours indécis où ton discours est triste :
J’ai vu tous les sauveurs prosternés sur le seuil
De ton entendement, comme au vent le cerfeuil,
Douterais-tu parfois que le naufrage existe ?
Flanqué d’un faux témoin pour seul panégyriste,
Tu marches sur les eaux d’un impossible orgueil,
Déchaînement d’un jour où l’autre se fait deuil,
Adressant à la plèbe un discours égoïste !
Te voilà bien souffrant d’un intense idéal,
Qui certes te domine et qui te met à mal,
Mais pourquoi t’entêter à vouloir le prodige ?
Alors qu’il serait bon de quitter le parfait,
Toi qui fais de toi-même une idole, te dis-je,
Tu parcours l’étendue, encore insatisfait !
Seize décembre dix-sept
Le moi religieux
N’entends-tu pas gémir la complainte muette,
De l’homme suffisant au moi supérieur,
Verbes inconsolés de l’être antérieur ;
Que veux-tu mon ami ? Je ne suis que poète !
Tous les religieux à la mine inquiète,
Cherchent dans l’au-delà quelque propos rieur,
Ce qu’ils n’ont pas perçu dans leur intérieur,
Auraient-ils rendu vain le discours du Prophète ?
Pourquoi tenir encor en termes agressifs,
Ces murmures d’un jour que l’on voudrait récifs,
Refaisant sans raison le divin sacrifice !
Car le Dieu tout puissant veillera sur tes pas :
Fréquentant avec joie un pieux édifice,
Tu sauras ignorer ce que Dieu ne veut pas !
Dix-huit décembre dix-sept
Ce n'est qu'un poète !
Si ce jour on te dit : « Mais ce n’est qu’un poète ! »
Rappelle-toi, lecteur, que le Père éternel
L’a revêtu de blanc jusqu’au bout du charnel,
Que rien ne peut ravir sa grande âme muette !
Mais quand tu veux rallier le céleste prophète,
En l’espace du temps que l’on appelle ciel,
Laisse ton sacrifice à côté de l’autel,
Et va-t-en si joyeux, comme dans une fête !
Sur le clair horizon tu paraîtras debout,
Pareil au Fils promis qui te dit : « est-ce tout ? »,
Quand Il sent une armée émerger de la plaine !
La nouvelle s’en va jusque dans les faubourgs :
O vois agir la foi, paisible, surhumaine,
Au-dessus du chaos, au son de grands tambours !
Vingt décembre dix-sept
Le Seigneur nous regarde
Mes amis, sur la croix, le Seigneur nous regarde ;
Nous allons Lui montrer, et bien sûr sabre au clair,
Que le clan assassin ne fait que battre l’air,
Et que jamais le Ciel ne baissera la garde !
Dessus nos os laiteux, l’injustice criarde,
Comme des épis neufs sous leur gangue d’hiver,
Penchés nonchalamment dans un fourreau de vair,
A la face des jours, en l’azur qui se farde !
Mais voici que surgit l’inutile matin,
Quand tous les cris d’amour s’en prennent au destin,
Manne de l’au-delà désespérément née !
Les pleurs que l’on émet s’en vont à petit bruit ;
Ma sœur au doux regard ne sois pas étonnée,
Pareille à ce soleil qui ressemble à la nuit !
Dix-neuf juin dix-sept
Propre justice
Ne mûris au soleil de ta propre justice,
Car tu verras l’azur rougeoyant sous le pleur,
Et que feras-tu donc si tu sens dans ton cœur,
Des combats singuliers l’impossible armistice ?
Bien pauvre était le jour d’un bonheur si factice,
Comme l’astre d’automne en son feu salvateur,
Quand le froid du dehors se proclame vainqueur,
Au paradis des sens le preux rayon nous hisse !
Par les heures d’hiver l’ombre se fait tourment,
Pareil au souffle morne expiré lentement,
Et dont le cours d’en haut vient immoler la nue !
Vois paraître en nos yeux quelque désir suivi,
Ce regard vacillant d’une belle inconnue,
Attendant le signal de l’être inassouvi !
Neuf juillet dix-sept
Le bienveillant rivage
Sens-tu de l’au-delà le bienveillant rivage ?
Comme ce bel oiseau précipité des cieux,
Déchiquetant l’azur d’un vol mystérieux,
Qui réunit la nue aux souffles d’un autre âge !
Voici venir au loin l’incandescent parage,
Ce feu torrentiel qui consume nos yeux,
Abolissant du mal les mensonges pieux,
Quand un cri si profond s’élève sans partage !
J’ai vu tous les ruisseaux se jeter dans l’étang,
Vrais sanglots et pleurs feints que l’on adore tant,
Pareils à ces linceuls à la splendeur blafarde !
Heure crépusculaire où l’astre vient s’asseoir,
Dessus nos os transis que nul rayon ne farde :
Le soleil disparaît au bruit du glas le soir !
Vingt-trois juillet dix-sept
Les baisers lointains
Mais la fin, ô Seigneur, en quel siècle sera-ce ?
J’ai vu dessus l’autel monter le feu sacré,
Pareil à ce héros sous les cieux consacré,
Pour servir de pâture à la glèbe vorace !
Penché sur ton ego l’affliction ne passe,
Comme cet être feint par lui-même exécré,
Qui tiendrait de la nue un espoir mal ancré,
Et prisonnier du temps le voilà dans l’espace !
Dans la suite des jours il n’est rien après lui,
Que le discours charnel qui génère l’ennui,
Par le signe commun d’une folle épouvante !
Ah ! Le jour du repos au septième matin !
Juste émanation d’une sphère vivante,
Quand on sent du schéol le baiser si lointain !
Trente-et-un juillet dix-sept
Confusion
Dans la confusion le verbe est ma patrie,
Car le cri de l’amour souvent chargé d’embruns,
Jamais ne se défait en soupirs opportuns,
Quand l’aube en son lever se déclare meurtrie !
De douleur revêtue et d’angoisse pétrie,
Voici la destinée au creux des temps communs,
Gesticulations dont les fruits sont si bruns,
Lorsqu’arrive le mal, pieuse idolâtrie !
Parmi les coups du sort le ton devient méchant,
Et l’ignoble des jours le délire cherchant,
Recouvre de folie une fière apparence !
La torpeur éternelle ô mon Dieu voilà tout ?
Soulignant du ciel bleu la forte incohérence,
Mais qui logiquement dans le vrai tient debout !
Cinq août dix-sept
Moisson d’amours
Voici que mon esprit s’en va par la nature.
Nous sommes en automne et l’on voit un sillon
Rejoindre le couchant avec son bataillon :
Semailles et labours, ô charnelle ouverture !
Nous irons tous aux champs, dans la beauté future.
La brise en nos habits deviendra l’aquilon
Et les eaux du torrent se feront tourbillon,
Larmes d’éternité qu’un océan capture !
Surtout regarde bien le grand déclin des jours :
Il reviendra le temps de la moisson d’amours,
Car déjà tes yeux purs ont vu l’herbe promise !
Si de la glèbe imberbe on fait des creux béants,
C’est pour que la semence y puisse être soumise.
Labeur intemporel qui nous grime en géants !
Dix août dix-sept
Crépuscule
J’ai vécu dans un monde où l’un semblait le maître ;
Remets ton vêtement Pierre, c’est le Seigneur !
Quand le sort fait du mal un cruel artilleur,
A l’heure du chaos et de la fin du traître !
O le morne horizon que l’araire pénètre !
Comme un épi de blé sous la main du vanneur,
Pareil à ce disciple insolent et railleur,
Dont l’âme si troublée attend le cri de l’être !
Vois déjà repartir ce Fils auquel on croit,
Crépuscule d’un jour qui lentement décroît,
Laissant le fol oiseau se perdre dans l’espace !
En l’absence des cieux se défait la saison ;
Ah ! Les craintifs ébats d’un mal-être où tout passe,
Mais qu’importe le fruit de la dure oraison !
Dix-huit août dix-sept
Révélation
Jouir du temps présent ou du plus grand des princes,
Voilà le vrai dilemme au temps du désarroi,
Quand le Sauveur divin devient enfin ton roi ;
Ton œil se fait discret, des mâchoires tu grinces !
Pauvres sont les concepts et les preuves si minces,
Car le Père éternel transcendant notre effroi,
Lorsque la douleur gît en un pesant charroi,
Ne divulgue le vrai qu’au commun de la gens !
Dans les limbes du mal tu vas épouvanté,
Contestant au Seigneur son rang de majesté,
Au jour où les obus font gronder le tonnerre !
Soumis à ce courroux parfois tu lui dis : non !
Toi qui parais souvent comme un légionnaire :
Est-ce bien d’appeler le Maître par son nom ?
Vingt-six août dix-sept
Pour l'éternel
La vieillesse s’approche et nous allons, moroses ;
Le senti du plaisir accompagne parfois,
Ce geste que l’on fait un grand nombre de fois,
Quand le désir prospère au firmament des roses !
Dans de fâcheux concepts doucement tu reposes,
T’induisant en erreur ainsi que je le vois,
Soumis à un chagrin qui s’en va toutefois,
Même au jour difficile où règnent les névroses !
Des amours sous le vent je ne connais l’ennui,
En m’estimant toujours intéressé par Lui,
Charnelle inflexion de chaque citadelle !
J’ai perçu dans ses yeux un mal-être profond,
Mais son cœur flamboyant soudain me remplit d’elle :
O ces rêves furtifs qui pour l’éternel sont !
Premier septembre dix-sept
Déclaration
J’aurai pu cependant te déclarer : « je t’aime ! »
Mais mon cœur fatigué n’a pas suivi ton pas,
Prétextant la névrose ou qu’il ne fallait pas,
Et que l’âge entre nous ne paraissait le même !
Mais qui saisira donc le charnel théorème ?
Celui de l’abandon au Fils par un trépas,
Que le Maître des cieux intronise en repas,
Poudre de l’orient qu’un crépuscule sème !
Dans l’actuel fracas jamais je n’ai vu Dieu !
Moi cet être rompu dédaignant le ciel bleu,
Quand un désir sournois très instamment nous tente !
Cherchant le souffle pur qu’on aurait cru plus fort,
Quittant pour un moment de son âme la tente,
Contemple le Maudit que l’on condamne à tort !
Quatre septembre dix-sept
Le bonheur absolu
Tu souffrirais alors de démonopathie,
Quand au creux de tes jours le démon si malin,
Ferait croire à l’élu sous sa robe de lin,
Qu’un esprit arrogant le transforme en pythie !
Du diable déchaîné l’ignoble répartie,
Contestant au Sauveur le salut cristallin,
Comme enclin à jamais au propos sibyllin,
Changeant le flux boueux en trompeuse amnistie !
Mais as-tu donc choisi le bonheur absolu,
Ce céleste repos que le Maître a voulu,
Comme un joug indolore ôtant la solitude ?
Puisque ton âme geint après l’éternité,
De Charybde en Scylla tu vas sans certitude,
Souriant follement comme on rit en été !
Onze septembre dix-sept
Cet amour qui nous presse
Les temps sont achevés, l’amour de Christ nous presse ;
Prononceras-tu donc le beau nom de Jésus ?
Obtenant le meilleur et les grâces en sus,
Gethsémané d’un jour où la nue est ivresse !
Dans le regard du Maître un ruisseau de tendresse,
Roulant ses flots sereins sous le vent aperçus,
Des vagues à foison agonisant dessus,
Ces brûlots d’océan comme un feu de détresse !
De tous ces gens de peu que ne soumet le vers,
Voilà bien le propos malhonnête et pervers :
Parcourir terre et mer pour faire un prosélyte !
Je t’aurais reconnue au signe sur le front,
Parmi les vains reflets d’un feu qui périclite,
A ce geste du corps où l’œil se fait si prompt !
Dix-neuf septembre dix-sept
Pardon
Ce n’était qu’un malaise, un collapsus en somme,
Quand le vrai de la vie aboutit à des nœuds,
En un jour de douleur au cri vertigineux,
Un de ces traits d’esprit qui fait de moi cet homme !
O le chant sibyllin d’un malheur que tout nomme,
Animant l’horizon d’un faste lumineux,
Celui du seul amour appelé de tes vœux,
Confirmant le récit d’Adam et de la pomme !
Au cadran du retour, ah ! mais quelle heure est-il ?
Il te faut c’est certain les stances de Myrtil,
Pour fortifier l’âme après l’ignoble crime !
Et ton discours adroit se mue en embarras,
Mais n’as-tu pas connu le Sauveur si sublime ?
Le Maître en son pardon t’ouvrira grand les bras !
Vingt-cinq septembre dix-sept
La foi
Et je ne sais pourquoi, dans son immense grâce,
J’ai reçu du Seigneur le cadeau de la foi,
Parole qui permet de transcender la loi,
Formidable nouvelle où chacun trouve place !
Il semble peu certain de contempler sa face,
Sauf qu’avant son retour le Maître se veut toi,
Comme un trait de lumière émanant du seul roi,
Faisant fondre l’hiver et le fourreau de glace !...
…Mais au-dessus des eaux se mouvait un esprit,
Puis l’ombre inapaisée apparut, me reprit,
Ce royaume des morts qu’on nomme cimetière !
Voici venir la faux car l’on coupe les blés,
Pourtant à quel défunt peut-on jeter la pierre ?
Le ciel n’existe-t-il que pour les gens troublés ?
Premier octobre dix-sept
Souffle
Sentir son souffle court sur la croix acérée,
Voilà bien le défi perçu dorénavant,
Par le brigand hagard, plein de remords souvent,
Qui cherche dans la nue une rive éthérée !
De l’océan vengeur, la si forte marée,
Quand les creux de l’amour se suivent sous le vent,
Pareils à cet éclat que l’on trouve fervent,
Même lorsque le flux se vide en cuillerée !
Se succèdent les pleurs et le cruel tourment,
Le bien et puis le mal qui passe lentement,
Ces iniques concepts ponctués de mystère…
…L’entière humanité se para de courroux,
L’horizon résonna du bruit des gens de guerre,
Mais l’on vit le néant se placer à genoux !
Treize octobre dix-sept
Néant
Le temps félon s’écoule et j’ai vu dans un rêve
L’orient éternel défier l’occident,
Comme cette sirène au vacarme strident,
Qui hurle sous les cieux sans connaître de trêve !
D’improbables héros dont l’existence est brève,
S’embrasent au lointain comme un buisson ardent,
Enfants d’un seul destin ou nés par accident,
Quand des fourreaux sanglants l’on sort bientôt le glaive !
N’asservissez le peuple, il vous le rendra bien !
En ces temps de révolte où l’on ne dit : « combien ? »
Et dont le chant s’élève en accents formidables !
O le flot tant amer ridé d’un creux béant,
Déchirant l’indigo par des flux insondables,
Quand les vaisseaux perdus succombent au néant !
Trois novembre dix-sept
Où serais-je sans lui ?
Il a tout partagé sur la saga céleste,
Et j’ai vu désormais où brillait le mensonge,
Il a tout annoncé sans peur qu’on le moleste,
Jusqu’à la croix infâme à l’issue immodeste,
Jusqu’au passant qui rit comme on rit dans un songe,
Il a tout partagé jusqu’au clou qui le ronge !
Où serais-je sans Lui, Lui qui me fit renaître ?
Où serais-je sans Christ sur le bois suspendu ?
Toute une vie axée à mépriser le Maître !
Que ferais-je sans Lui, sans Son sang répandu ?
Il a tout partagé sur l’espérance humaine,
Que l’homme vit aussi pour un amour fougueux,
Que le bonheur n’est pas une chose incertaine,
J’ai suivi son chemin dans le moindre domaine,
Car je ne savais plus ce que c’est qu’être heureux,
J’ai suivi Son chemin comme un jeune amoureux !
Où serais-je sans Lui, Lui qui me fit renaître ?
Où serais-je sans Christ sur le bois suspendu ?
Toute une vie axée à mépriser le Maître !
Que ferais-je sans Lui, sans Son sang répandu ?
Qui parle de malheur quand Il s’est incarné ?
N’est-ce pas un sanglot de la joie absolue,
Ce côté transpercé du corps qu’Il a donné,
Cependant je vous dis que le salut est né,
A la fin d’une mort qu’Il a toujours voulue :
Monde, monde, voici le jour de Sa venue !
Où serais-je sans Lui, Lui qui me fit renaître ?
Où serais-je sans Christ sur le bois suspendu ?
Toute une vie axée à mépriser le Maître !
Que ferais-je sans Lui, sans Son sang répandu ?
Partir
Partir vers un ailleurs aux rives chimériques,
Voilà ce que redit le chant des bateliers,
Que l’on entend s’ébattre en des cris réguliers,
S’affranchir du chaos comme de purs cantiques !
Des démons incarnés les sermons hérétiques,
Quand le prince de mort aux baisers singuliers,
Massacre innocemment les paisibles guerriers,
Sous l’ardente colère et les mots hermétiques !
Un propos génial et l’on va triomphant,
Comme l’adulte mûr qui redevient enfant,
O funèbre noirceur produite par les ormes !
Rien ne peut soulager notre embarras serein,
Mais faut-il agonir de sentiments difformes ?
Lorsque le vrai du vivre accouche, souverain !
Seize novembre dix-sept
Déraison
L’homme déraisonnable omet la foi réelle,
Mais dans la voix du Christ pas le moindre grief,
Car le malin s’agite en son terrestre fief ;
Sauvera-t-on la vie à grands coups de truelle ?
Où donc passerons- nous l’existence cruelle ?
Quand la vie ordinaire a perdu son relief,
Du moulin idéel le plus trivial bief ?
Si l’eau perd sa couleur, de quel goût sera-t-elle ?
Mais faut-il raccourcir la longueur de ce jour ?
Quand la nuit assassine abolit tout contour :
Ne considère autrui, car lui, que lui importe ?
Vous avez fait le choix des propos insensés,
Lorsque l’affection s’arrête au pas de porte,
Semant trouble et horreur parmi les cœurs brisés !
Vingt novembre dix-sept
Le siècle
J’ai vu dedans le ciel le portrait d’une femme,
Qui me semble si belle et qui m’aime déjà,
Comme Tristan, Iseult, que le désir vengea,
Quand chacun bâtissait ce bonheur qui se pâme !
Alors que s’assombrit ton regard tant infâme,
Dans le semblant du cœur tu dis : « Hallélujah ! »
Toi l’ignorant de Dieu que le mal engagea,
Et qu’un feu tutélaire adoube d’une flamme !
Dans vos relations vous recherchez l’amour,
Mais peut-on échapper à la rigueur du jour ?
D’un siècle où tout se vend, où l’autre vous achète !
En l’ombre inassouvie on construit des satans ;
Au paradis des mots il n’est plus de poète,
Et l’on pleure en hiver comme on rit au printemps !
Vingt-trois novembre dix-sept
La poursuite
Et du vent assassin connaître la poursuite,
Quand tout semble infirmer l’incontestable ciel,
Au matin d’un chagrin qui paraît éternel,
Voilà bien le vécu d’une vaine conduite !
Des instants de bonheur la mémorable fuite,
Où l’être, souverain, se proclame immortel,
Glorifiant le corps dessus son propre autel,
Et dont Eve s’éprend, par le serpent séduite !
Dans le chaos des jours où murmure Sa voix,
Si douce et rassurante, ayant tout à la fois,
Comme un clairon d’argent dans le silence morne,
J’entends l’écho des pleurs qui sont presque taris,
Signal intemporel d’une amitié sans borne,
Où les cris valeureux succèdent au mépris !
Vingt-neuf novembre dix-sept
L'ennui
O la vie en commun, brasier tentaculaire ;
Le temps s’est approché depuis que l’on a cru,
Faible commencement d’un espoir vite accru,
De ce retour promis par le Fils tutélaire !
Jamais je n’ai voulu provoquer Sa colère ;
Ressuscitera-t-il le dernier disparu,
A l’heure des serments et du Christ accouru ?
Au devant de Sa mort qui déjà nous éclaire !
Te voici maintenant pour le moins prisonnier,
Mais comme un imposteur tu seras le dernier,
Car l’aiguille au cadran ne projette plus d’ombre !
As-tu donc accepté de n’être que par Lui,
Ou gis-tu désormais dans des conflits sans nombre ?
De ton détachement je mesure l’ennui !
Quatre décembre dix-sept
Eût-il fallu ?
Des frottements sournois j’ai vu les étincelles,
Et il faut s’en aller au lieu de nulle part,
Pérégrinations qui s’échouent la plupart,
Contre le mur épais des grandes citadelles !
Transgresser sans férir les lois universelles,
Face aux mots qui font mal il n’est plus de rempart,
Et le décès souvent laisse son faire-part,
De vent et de froidure en ces pays rebelles !
O le bruit formidable et le fracas des corps,
Qui s’en vont assoupis comme dorment les morts,
Au son assourdissant de l’ultime trompette !
Cracher sur les tombeaux, Seigneur eût-il fallu ?
Quand le concert des pleurs à l’envi se répète,
Immuable chaos que produit l’absolu !
Huit décembre dix-sept
La nuit
Amis, entendez-vous le chant du crépuscule ?
Voilà ce merveilleux, le naturel chrétien,
Un genre littéraire où le mystique est tien,
Virilité d’un temps que le faux émascule !
A la fin du salut, la charité recule,
Religion charnelle où le corps ne vaut rien ;
A celui qui se pâme en face du païen,
Tu montres un courroux qui semble ridicule !
Mais si l’on souffre encor dedans le gouffre noir,
Si la bouche gémit du matin jusqu’au soir,
Ne crains pas du ciel bleu les divines tempêtes !
O les sombres clartés au plus fort de la nuit :
Dans la quête d’amour vous ressemblez aux bêtes,
Sublime affection que l’ignoble détruit !
Dix décembre dix-sept
Fuir ?
Mais pas besoin de fuir à l’autre bout du monde,
Il te faut c’est certain rencontrer Jéhovah,
Ce Christ pantocrator qui les enfers brava,
Vigne d’un au-delà que la souffrance émonde !
Au matin du salut j’ai vu la bête immonde,
Assassiner le Christ en un jour qui s’en va,
Etrange vision dont le Sauveur rêva :
Le ciel se fait hagard et le feu nous inonde !
O sublime moment d’un destin déchiré,
Quand le cercle ne peut devenir un carré :
Le soldat l’apostrophe et le passant l’ignore !
Or rien n’était trop beau pour le Fils à nos yeux ;
Vois la nue obscurcie au lever de l’aurore :
A présent le chemin semble mystérieux !
Quinze décembre dix-sept
Séparation
Sur le marbre si dur j’ai posé quelques roses ;
Je me souviens de toi tout comme au premier jour,
Et ta voix qui s’est tue apparait en retour,
Dans ce frais cimetière où sans moi tu reposes !
Juste au dessus des croix, maints visages moroses,
Le néant se fait mien au souffle de l’amour,
Quand les pleurs à ma joue affleurent tout autour,
Et que le crépuscule attise bien des choses !
Dans l’ombre, intemporel, gît le cercueil des nuits,
Mais quand l’aube paraît tout simplement je suis,
Non ! La fuite du temps ne sera plus ténèbres !
De mon chagrin bien noir, te voilà triomphant,
Loin de moi la pensée et la mine funèbres,
Je te garde à jamais comme espère l’enfant !
Dix-sept décembre dix-sept
Que dire ?
Que dire mon amour au jour de la détresse ?
Quand les mots si serrés en cruels bataillons,
Dans les cris et les pleurs sont voués aux baillons :
Au paradis du vivre il n’est plus que tristesse !
L’aube se change en nuit et le ciel nous oppresse ;
Finirons-nous le temps revêtus de haillons ?
Comme la glèbe imberbe accouchant de sillons,
Au-dessus des brouillards le firmament se dresse !
O le propos muet que le vent souleva,
Dessous le ciel désert l’archange me dit : va !
Rescapé du chaos, de l’ardente fournaise !
L’écluse de nos yeux se referme à demi,
Lorsqu’un feu sibyllin laisse place à la braise :
Aurais-tu rêvé, donc, avant d’être endormi ?
Dix-neuf décembre dix-sept