Fulgurances et labyrinthe
Voici que l’on entend un chant visionnaire
La voix du grand Victor aux jours de son exil
Pourfendant le tyran : « viens et meurs ! » lui dit- il,
Magicien du vrai qu’un peuple entier vénère !
De la verve si tendre à l’éclair sanguinaire
Hugo se fait voyant par un discours subtil,
Sous des vents rédempteurs où décembre est avril,
Souffles intemporels parcourus de tonnerre !
Dans la nuit alanguie et les cris fulguraux
Du verbe génial devenons les hérauts !
Même s’il faut braver le murmure et la crainte !
Vois ce trait de salut qui s’en va sur l’écueil,
O prophète puissant sors-nous du labyrinthe
Où l’être humain s’égare en attendant le deuil !
La romance du pont
S’il suffit d’écouter pour effacer tes larmes
Je ne veux y surseoir
Parce que tes alarmes
Je saurai les calmer et près de toi m’asseoir !
Passe et passe tant d’eau sous le vieux pont charmeur
Que je l’entends mugir sur la pile en rumeur
Je prends ta main bénie et me tiens sur la brèche
Alors que dans nos yeux
Apparaît une crèche
O le regard pâli par tous nos vœux pieux !
Passe et passe tant d’eau sous le vieux pont charmeur
Que je l’entends mugir sur la pile en rumeur
Nos sentiments s’en vont comme une sauterelle
Arrêtée en son bond
Délicate et rebelle
Jamais l’amour tourment ne se change en pardon
Passe et passe tant d’eau sous le vieux pont charmeur
Que je l’entends mugir sur la pile en rumeur
Tes grands yeux dans mes yeux susurrent à la nue
Qu’il fait bon vivre encor
Au soleil de ta vue
Tes grands yeux sont si beaux qu’aucun chagrin n’y dort !
Passe et passe tant d’eau sous le vieux pont charmeur
Que je l’entends mugir sur la pile en rumeur
Songe à Magali
Je songe à Magali qui se perd en défis
Pareille à ces oiseaux que des flots de tempêtes
Projettent vers les cieux par le ballet des crêtes
Là-bas où le futur grime les infinis !
La voilà qui sourit, indomptable et sereine
Au-dessus des désirs, au-delà des regards
Mais qu’a-t-elle donc fait pour gagner mes égards ?
Quand Magali sourit je crois voir une reine !
Par tous les temps je vais, heureux ou malheureux
Accrochant à sa couche au milieu des mensonges
Ces bouquets de baisers qu’on cueille dans les songes
Il se peut que le ciel soit à jamais nous deux !
Aux yeux de Magali je ne sais me soustraire
Ses yeux sont un jardin où coule quelque pleur
Faut-il qu’avec la nuit notre idylle se meurt ?
Or nous avons au cœur le vouloir et le faire !
La femme apprivoisée
Femme, tu n’es toujours qu’un versant de moi-même,
Quel que soit le désert, te voilà contemplant
Ce sceau de notre amour qui paraît si troublant :
Au jour de la disette il nous faut un emblème !
Et scrutant le lointain, tel le marin au port,
Tu fais pâlir le ciel et ta couche me hante
De mon empressement seras-tu triomphante ?
Quand le gris de nos jours se change en pur transport !
En le sable secret te voici ténébreuse :
Tu marches à pieds nus dans un soleil épars
Au gémir du ressac tout doucement tu pars :
Le bruit des flots et l’air te rendent voyageuse !
J’ai vu le vrai du vivre où l’autre est anxieux
Pareil au cri strident de grands oiseaux qui passent
Mais les limbes du coeur tendrement s’entrelacent :
Rien ne viendra jamais nous séparer de Dieu !
La marche du soleil
S’il ne faut que des pleurs pour apaiser ta larme
Je serai celui-là. Quelques mots bien pensés
Quelque phrase choisie où le bonheur nous charme
Les ruisseaux couleront vers des soleils percés !
Le soleil ne paraît jamais très longuement
Et l’ombre appesantie absorbe la lumière
Sais-tu que le printemps ne dure qu’un instant ?
Implacable défi peint à la boutonnière !
La prairie tourmentée, un roc fiché en terre
La noblesse des fleurs, une ode aux firmaments
L’inoubliable feu défiant le parterre
Le roc, les fleurs, le feu, voici les éléments !
De loin en loin il pleut des mystères d’antan !
On ne voit plus de fleurs dans les yeux d’une fille
Pourtant le désespoir fait grâce, nonobstant,
Le soleil va-t-il fuir pour rejoindre Manille ?
Les chants de déraison
Aux confins de l’amour, les chants de déraison :
Je croirai seulement au regard qui m’enlace
Et la main dans la main, pour jamais les « hélas !... »
Si tu veux le bonheur, abolis la raison !
S’il est vrai qu’un regard peut effacer la peine,
Par qui d’autres que toi faudra-t-il qu’il advienne ?
Parfois je méditais : « ses yeux me parlent d’elle ! »
( Le vent suspend du bleu sur les limbes des cieux,
Une ombre se défait).Que d’indicibles mieux
En des tons apaisants baptisent ma prunelle !
S’il est vrai qu’un regard peut effacer la peine,
Par qui d’autres que toi faudra-t-il qu’il advienne ?
Ce que vraiment tu veux sera tien désormais,
L’iris est déjà pur, quelles belles prémices !
Contre tes cils le feu se change en flux propices,
Quand l’encor de nos corps ne se grime de « mais !... »
S’il est vrai qu’un regard peut effacer la peine,
Par qui d’autres que toi faudra-t-il qu’il advienne ?
Complainte du berger
Le crépuscule éteint le rouge à la persienne
Et mon ange vaillant sous le vent aperçu
Est prêt à guerroyer, vous ne l’avez perçu :
Il taira le danger pour que l’on s’en souvienne !
Hélas, en telle église où l’âme se veut Mienne
Voilà que le docteur n’a jamais rien reçu
Sinon quelque discours par lui-même conçu
N’ai-je pas dit jadis : que l’enfant M’appartienne !
On te dit éprouvé, quel est ce frère tendre ?
Or tu vas ton chemin s’il se peut sans attendre
Du bonheur du prochain toujours insoucieux !
Souvent à tes côtés la grâce ne s’altère
Mais quand tu te suffis, Je vais silencieux :
Sanglot vrai de l’Amour, inaboli mystère !
Agonie
La poudre des canons ne passera le fleuve
Voici venu le temps d’un jour vraiment meilleur
De tous côtés l’armée abolit le vengeur
Fallait-il tout ce sang pour que le ciel s’abreuve ?
Mais le voilà meurtri par un bruit qu’on émet,
Le sommet pour lequel a combattu cet homme,
Quand un vent violent la nuit le jour consomme
Un repas de douleur comme un terrible mets !
Car on entend gémir depuis le bord du gouffre,
Un ennemi défait qui se plaint et qui souffre
Et se met à mourir en un cri déchirant !
Ici le chef ne veut briser le sort tragique,
Tout est fait, tout est dit : il s’en va triomphant
Ses hommes fatigués ne cherchent pas supplique !
Désolation
Tous les crachats du peuple ont grimé la liesse
Les manières des rois les rires du bourreau
C’était le temps choisi pour flétrir le Héros
Devant les juifs hurlants le Pouvoir acquiesce !
Tous les princes de l’ombre ont expiré gisant
Sur le sein d’une idole éprise de massacre
Ici-bas le charnier prend l’allure d’un sacre
Et le serpent ancien triomphe séduisant !
Tous les péchés de l’homme altèrent sa science
Emplissant l’horizon de foyers redoublés
Les gueux rêvent au sang le soldat songe aux blés
Quand le vin de l’orgueil se transforme en démence !
Tous les êtres s’en vont vers le grand Jugement :
Pour l’esprit insurgé le feu de la géhenne
Effroyable brasier qu’un vent cruel déchaîne
Aux lieux où la douleur n’a pas d’achèvement.
Plaidoyer pour le vrai
Je pensais t’avoir dit, au meilleur de nos nuits,
Que les fleurs de l’obscur ne se défont du glauque :
Les voiçi s'en allant, proférant un cri rauque
Lorsque le jour s’immole après tous les minuits !
Un jour je redirai qu’adorés nous nous sommes
Quand le vrai de tes yeux se gonflera d’un pleur,
Certains que pour jamais le soleil ne se meurt :
O cette main tremblée en nos grands songes d’hommes !
J’ai souri au destin comme tu ris parfois
Sans savoir si vraiment tu voyageais heureuse,
J’ignore si tu crois à la vie amoureuse
Alors pour t’y mener je crie un nom cent fois !
Nous suspendrons bientôt un rayon aux persiennes
Contre ton corps ma joue implore à l’unisson
Et le discours de l’âme, immortelle chanson,
Ecartèle la nuit au seuil de tous les règnes !
Liberté vraie
Misérable autrefois je vivais dans ce monde,
Allant de place en lieu, pas vraiment satisfait,
Ecartant les barreaux d’un destin qu’on défait,
Petite était la joie et ma peine profonde !
A présent faible encor et sans verve d’acteur,
Je n’ai d ‘autre souci que mon âme obstinée
Redise sous le ciel : « il me faut être née,
Pour faire du prochain un juste adorateur ! ».
Donne-moi de trier le bon grain de l’ivraie,
Quand le monde se perd en quelque rudiment,
Devant l’accusateur qui méprise et qui ment,
Je ne veux que le vent de la Liberté vraie !
Affranchi pour toujours de ma pauvre terreur
Je sais plus que jamais qu’en lisant dans Ton Livre,
Du mal-être d’hier mon esprit Tu délivres,
Effacé mon péché ! Sur la Croix mon erreur !
Esprit
Le printemps rédempteur triomphe de mon âme
Après avoir goûté le temps des jours heureux
Je voudrais contempler ce séjour qui m’émeut
M’éloigner du tison, m’affranchir de la flamme !
Je ne sais de l’amour que les moments mauvais
Fissures du poète où vient suinter le monde
Eternels souvenirs de quelque bête immonde
De chimère en chimère à jamais je m’en vais !
Cependant il se peut que mon âme éprouvée
Ne déplaise à l’esprit sous son trait maladroit
Et qu’un ciel refermé soupire à mon endroit
Comme l’amant attend sa belle retrouvée !
Rien ne viendra ternir le plaisir enfantin
De l’homme. Parvenu au sommet de mon âge
Il me plaît de ramer jusqu’au lointain rivage
Pour faire de la vie un paisible festin !
Un jour, demain
Fallait-il tout ce temps pour se dire « je t’aime ! »
Toi si pareille à moi et jamais vraiment même
Entre nous deux si forts, un regard éternel
Et pardon à celui qui se fie au charnel !
Un jour viendra couleur d’aubépine et d’asphalte
Un jour où nous serons comme un dieu qu’on exalte
Toi si pareille à moi par ce jeu de démon
Et pardon à celui qui s’en prend à ton nom !
Demain je m’en irai cueillir quelques pensées
Le front contre le ciel et les yeux pleins d’idées
O propice saison, ô printemps animal
Et pardon à celui qui crie à Bélial !
Le Fils perdu
Je vais par les chemins qui mènent au sublime.
Je ne saurai brûler en enfer plus longtemps
Car les bras grands ouverts au Salut Tu prétends.
Océan rédempteur jaillissant de l’abîme !
Sous un preux aquilon je gravirai la cime
De mes égarements : qu’il souffle sur ce temps !
Quand dans l’amour de l’autre un vrai baiser Tu tends.
O ce divin rayon que nulle ombre n’opprime !
Dans l’immense pardon pour toujours enfoui,
Mon esprit repentant s’est vite épanoui :
« Je vois le Père au loin et ma lèvre frissonne ! »
En Ton affection Tu m’avais attendu.
Rien ne m’éloignera de Ta Sainte Personne.
J’exulte de bonheur : « je suis le fils perdu ! »
Inri
Tout ce que l’Homme a dit parle de la géhenne,
Le sermon sur le roc, les vrais commandements,
L’unique vérité, les derniers châtiments,
Propos toujours trompeurs qui se veulent sans haine.
Qu’il saigne de ce sang pareil au flux rosé
Recouvrant le désert d’une manne propice
Tout ce que l’Homme a fait mérite le supplice
Qu’il supporte le bois en un geste brisé !
Tout au long du chemin, la femme pécheresse
A freiné notre pas vers le rocher maudit
Que de pleurs répandus pour ce damné bandit !
Mais les vieux partisans ont caché leur tristesse !
Nos grands pharisiens ont réfléchi longtemps
Sur le sens du destin comme le fit Abrame
Faut-il que chacun meurt ou bien une seule âme ?
La fin de ce Jésus est un signe des temps !
Chacun des deux brigands n’était pas si coupable
Que le conspirateur aux mots séditieux
Envoyons aujourd’hui ce christ sous d’autres cieux !
Comme le baptiseur qui nous fut détestable !
S’il plaît à notre Dieu nous dormirons en paix
Notre religion asservira la terre
Et notre inspirateur nous servira de père :
Gloire aux judaïsants. Heureux celui qui sait !
Pilate s’est lavé les mains du simulacre :
Dès l’instant où le peuple a perdu la raison
Le besoin de tuer peut changer de saison
D’ailleurs on avait mis l’épine pour le sacre !
Sous les clous déchirants, c’est le sang qui s’en va
L’impossible destin peu à peu devient aigre
Mais quand on a tendu l’éponge de vinaigre
Il m’a semblé soudain que c’était Jéhovah !
Saisons
La saison du chagrin a la couleur du mal
Comme un ciel tourmenté quand l’azur ne paraît
O pleurs agonisants si brûlants et secrets
Faut-il aussi amers à l’enfant dans ses rets
Qu’ils taisent en son cœur le besoin animal !
Poète aux sanglots purs et aux mille regrets
Tu parles longuement des anciennes merveilles
Avec les mots pâlis que l’on souffle aux oreilles
Les moissons de la chair se flétrissent pareilles
Sous le rire les pleurs, en un instant discrets !
Au sein des flots houleux le périlleux voyage
Timonier mets le cap sur le ciel désormais
Là-bas l’azur si bleu les accents de la paix
O hommes le mépris ne guérit pas le « mais ! »
Seul l’amour éclaircit le ciel chargé d’orage !
S’en aller pour renaître ?
J’entends le Christ prier au plus fort du mal-être :
Nul, ni le centenier convaincu de l’erreur,
Ni l’être repentant baptisé dans l’horreur,
Ne saurait abolir le rire qui pénètre !
En ces jours de la fin, je songe à la fenêtre,
Quelque rêve attachant qu’un pieux laboureur
Venu du fond des temps, m’a livré sans fureur
Dois-je donc à présent m’en aller pour renaître ?
Indicibles instants qui jouxtent l’infini,
O roi de nulle part affublé de déni !
Il Te faut revêtir un linge plus propice !
Naufragé de Ton corps, soucieux de ceux-ci,
Tu Te fais solitaire au cœur du précipice
Car les anges du Ciel se détournent aussi !
Repos
De la fuite du temps j’aperçois la nacelle,
Cette nef indomptable où l’être a pour souci
D’abandonner le bord en oubliant ceci :
Passer sur l’autre rive est chose solennelle !
L’espérance des jours la voici qui chancelle !
Etaient-ils plus fautifs que ne le sont ceux-ci ?
Tous ceux à qui la mort murmure : « c’est ici ! »
Formidable destin admets-les sous ton aile !..
Au paradis des sens, c’est la femme qui rit
Quand le flot insoumis s’exhale en un esprit !
Se peut-il qu’au matin je conserve la flamme ?.....
….. Malgré les cris du peuple et son cruel propos,
En dépit des mots vains d’un Pouvoir qu’on acclame,
Le Corps tout écorché va sonner le Repos !
Le temps du Salut
L’Amour, ce sentiment qu’il faut sans cesse apprendre,
Je le vois dans tes yeux au meilleur des saisons
Quand le discours des jours se mue en oraisons
O ce chant de l’instant que nul ne sait reprendre !
Des horizons rougis, j’ai remué la cendre
Et le vent frémissant comme flamme aux tisons
Souffle sur mon visage, indicibles frissons :
Voici venir ce dieu que l’on appelle Evandre !
Que tremble le destin car au mont Golgotha,
Sur des morceaux de bois que le Pouvoir jeta
Les corps suppliciés se défont en silence !
O le temps du Salut, admirable et profond !
Jusqu’au tombeau muet, quand Christ se fait immense :
La voix des nations jamais ne Le confond !
Eternité
Parle-moi du bonheur en un balbutiement
Puisque tu vis pour toi, que ton regard est triste,
O la femme qui croit que l’équilibre existe
Ailleurs que dans le Christ, en dehors de l’Aimant !
Où vas-tu mon amie ô combien fraîche et sombre ?
Où vas-tu mon amie, oui mais… l’éternité ?
Heureuse seras-tu si tu choisis d’Aimer
Où vas-tu mon amour quand tu te plais dans l’ombre ?
Je ne sais que ton nom sur ma bouche formé
Une braise en mon cœur qui jamais ne s’achève
N’es-tu pas le baiser qui ne connaît de trêve
Mais pourquoi ce désir sur nous deux refermé ?
Où vas-tu mon amie ô combien fraîche et sombre ?
Où vas-tu mon amie, oui mais… l’éternité ?
Heureuse seras-tu si tu choisis d’Aimer
Où vas-tu mon amour quand tu te plais dans l’ombre ?
Et c’est encore toi qui réjouis mes jours
Hormis le Rédempteur et Ses chants d’allégresse
Il me semble à présent que rien d’autre ne presse
Mais voudras-tu demain du Fils de Son Amour ?
Où vas-tu mon amie ô combien fraîche et sombre ?
Où vas-tu mon amie, oui mais… l’éternité ?
Heureuse seras-tu si tu choisis d’Aimer
Où vas-tu mon amour quand tu te plais dans l’ombre ?
Les vents d’ailleurs
Tu contemples ce corps sanglant et solitaire
En un jour de malheur émanant du charnel
Toi dont le Maître a dit : « revenons au réel ! »
Femme de Galilée invitée au suaire !
Alors que le vrai rang des disciples se serre
La voici héritant d’un parcours éternel,
S’il faut un autre fils, voilà Jean l’immortel,
A l’heure d’un défi tout d’abord ordinaire !
O ces mots de toujours se grimant en chanson
Lorsqu’on fait d’un dieu vil l’éphémère moisson :
Le mal devient pressant et l’on pleure en silence !
Par des cris douloureux, le visage inquiet,
Soumise aux vents d’ailleurs, quand l’âme se balance,
Elle cherche au lointain ce salut qu’Il voyait !
Eclaircie
D’un Christ crucifié l’impossible colère,
S’il Lui faut un brigand : « viens à Moi ! » souffle-t-Il
Si le monde se brûle au feu de Son exil,
Il fait du Sacrifice un repas somptuaire !
Peut-être saisis-tu le pourquoi du Calvaire ?
Mais il fallait encor que ce drap de coutil
Puisse accueillir le Fils après un cri subtil !
Quand l’Etre humilié se fait crépusculaire !
Comme un bruit émanant du manège charnel
Tous les chevaux d’orgueil viennent fouler le Ciel :
Jusqu’en l’an trente-trois, le futur semble morne !
Sauveur intemporel à l’opaque récit,
Même au temps des Sermons, Son Amour est sans borne :
Alors sur mon chemin l’orage s’éclaircit !
Vision
Même du Ciel a chu le démon, mauvais ange,
Lieu de rédemption où souvent nous narguons
Les esprits devenus d’illustres parangons,
Quand le ruisseau du monde en flot amer se change !
Tu croîs que l’eau d’en-haut lave mieux que la fange !
Encensoirs de la nuit sur le bleu des lagons,
Voici les Temps Nouveaux, ô sublimes jargons.
Tu te laisses tomber et ce n’est pas étrange !
L’Apocalypse exulte en Saint-Jean-bouche-d’or.
Les hommes dominés en demandent encor.
Minuit sonne : la cloche inonde alors la plaine !
L’un a rejoint le Christ, l’autre est au plus profond.
Mais quand s’approchera la liberté lointaine
Des peuples asservis ? Quelle grimace ils font !
Les portes du sacré
La nuit s’est faite jour et confond tout l’espace :
A l’endroit où Je vais, vous ne pouvez aller !
L’aurore en son lever illumine les blés,
O cette humanité qu’un Dieu paisible enlace !
A l’ombre des tombeaux, Il prépare une place,
Recevant en Son sein Ses enfants accablés,
A l’heure de combats pour un temps redoublés,
Il nous faut revêtir ce Christ que rien n’efface !
J’ai perçu du divin le secours éternel,
Car l’on saigne avec force aux limbes du charnel
Mais ce qu’on a peut-on le désirer encore ?
Par un amour profond si puissamment ancré,
A travers le chaos d’un monde qu’on déplore,
L’Homme devient Salut aux portes du sacré !
Le nouvel Adam
Voici les Temps Nouveaux de l’imparable crime,
Pareils à ces Héros émanant du néant,
Conférant au seul Dieu un facies de géant,
D’un bois désincarné vient le regard ultime !
Indicible secours que le Salut anime,
Verbe initiateur de ce nouvel Adam,
Quand le Fils aux mots purs secrète un océan :
Le voilà s’échappant du profond de l’abîme !
A l’heure d’un Judas reniant d’un baiser,
La nation rebelle accable l’accusé,
Maudissant tout à coup le cortège des gloires !
Ne vivre qu’un amour, ô Jésus se peut-il ?
Incessante oraison aux stances de victoires
Pareille à la mémoire interrogeant l’exil !
Vers ultimes
A la fin de mes jours, je m’épanche en tristesse :
Plus jamais de baisers sur ton corps refermé
Quand nos doigts fatigués ignorent la tendresse,
Tu deviens étrangère en mon pays aimé !
Depuis longtemps je crois que pour la vie on aime.
Mais lorsqu’un mal survient, tout semble alors si vain!
Mon esprit affligé par une autre moi-même
Me fait crier au ciel! Et rien ne me convainc!
J’adore être amoureux : c’est dans l’ordre des choses !
Sauf que le temps qui passe apporte à travers moi
Des projets si ténus, des desseins bien moroses,
Et il dit qu’être seul vaut mieux qu’un grand émoi !
Re-création
La terre un peu partout se souvient du sublime
Une touche de bleu à l’horizon sali
C’est un soleil brisé qui plonge dans l’abîme
A travers les vapeurs d’un univers pâli
Dans cet abattement, le mal-être se lit !
Il marche sur les flots comme un preux survivant
Regarde bien la barque et la crainte de Pierre
Avançant sur les eaux en un pas émouvant
Le vrai des compagnons qu’un même élan resserre
Dans les reflets du lac comme dans la prière !
Alors Il prend le vent pour dernière tunique
Au-dessus de la croix, le ciel est en lambeaux
Quand l’impossible voix de l’Homme communique,
O ce sang, ces crachats, ces jurons déloyaux :
Ils disent que le vent attise les flambeaux !
Serait-ce encor le feu qui lui brûle le front
Pareil aux cris léchant le gosier des prophètes
O Père ! La douleur d’un si cuisant affront!
Mais, quand le feu s’éteint, quelle tête vous faites
Je ne sais si vraiment vous étiez en ces fêtes !
Déjà ce feu puissant vient consumer l’écume
L’univers parcouru d’un violent baiser
Se dissout lentement, le firmament s’embrume
Un nouveau monde point dessous le ciel rosé
Là-bas le grand Yahvé se promène avisé !
Tes yeux
Peut-être que demain l’arbre n’aura de palmes
Vivons, vivons heureux tout au long de nos jours !
J’irai là-bas cueillir un peu de ces toujours
Lorsqu’au cri des oiseaux tes yeux brillent si calmes !
Aux sources des amours, ce sont des pleurs de feu
Joyeux je redirai, blotti sur ta prunelle
Combien je te chéris : vraiment il ne m’est qu’elle !
Limbes du paradis, présage et pur aveu !
Regarder ? Regarder ? Maintenant je suis ivre !
Il se peut que le mât chavire dans l’azur
Quand le vrai de tes yeux vient mourir en fruit mûr
Nourrissant un récit, emplissant tout un livre !
Déjà demain accourt, rien ne fait la saison
Sans attendre le jour, sans atteindre l’aurore
Je veux que tes grands yeux m’illuminent encore
Comme le phare luit : nulle autre pâmoison !
Je ne sais
Je ne sais d’où tu viens, je ne sais ton histoire
Je pense à toi la nuit, je pense à toi le jour
Joyeux, tissant ma vie au fil de notre amour
Je pense à toi si fort que j’en perds le grimoire !
Au cœur de nos destins c’est le verbe qui rit
Comme un amant surpris à déclarer sa flamme
O mon âme tais-toi ! Et viens briser ta lame
Sur l’écueil de la vie, au seuil de notre esprit !
S’il te plaît je serai ton compagnon fidèle
Quand au creux de nos jours, dans notre éternité,
Le credo du bonheur nous servira d’été
Je serai ton époux, tu seras mon modèle !
Bien au-dessus des monts, par delà les chemins
La course du soleil nous apparaît si pure
Sous ses rayons le vent attise un feu qui dure
O que j’aime du temps les singuliers matins !
Je t’ai cherchée
Je t’ai cherchée un jour dans les paradis bleus
Lorsque j’ai mal vécu, quand l’âge nous consume,
Ah ! La mort qui surgit éteignant tous nos feux :
Heureux celui qui prie en dissipant la brume !
Ce seront à jamais angoisses et lumières
Un baiser ruisselant à nos fronts prosternés
Et l’ultime sursaut qui nous grime en poussières :
Je crois bien que les blés sont déjà moissonnés !
Ce soir je t’ai rêvée et j’ai crié tes noms :
Je t’ai cherchée en vain dans un ciel de mystères
Il se peut que je t’aime en dehors des saisons
Mon enfant, mon amour aux rires salutaires !
Dans tes parvis rieurs j’aperçois nos chimères !
Les grands amours s’en vont, tumultueux et beaux
Rappelons-nous encor que nous perdons nos mères !
C’est bien le vrai ressac où s’inscrivent nos maux !
Stèle à Gaëlle
Son prénom est Gaëlle et tout me parle d’elle
Du grand astre du jour aux gouffres de la nuit
Qui ne connaît Gaëlle ô l’amante éternelle ?
Je l’aimerai toujours si bien sûr je le puis !
Chaque fois que le vent vient mugir sur les flots
Quand un vaisseau d’orgueil plonge dans la tempête
J’entends le refrain vrai de quelques matelots
Me dire que sa flamme illumine, secrète !
Mais je ne serai pas un airain qui résonne
Même un triste tambour à mon esprit honni
Le Bien est espérance et les chants qu’on entonne
Commencent en ce monde où se farde l’onyx !
Car Gaëlle est mon tout. Laissez-la reposer
Sur mon sein attendri ! Quelle offrande céleste !
Nous voici parcourus d’un sublime baiser
Et nos cœurs étonnés abolissent le reste !
La mère
Lorsque l’amour paraît au sein de la famille
Sous un regard brillant au firmament des cieux
Pas le moindre chagrin dans la voix des aïeux
La mère étreint souvent ses petits qu’on houspille !
Et maintenant voilà cet ancien qui babille !
Belle joute animant le regard et le front,
La femme rit et va, corrige sans affront :
Sa langue est un parfum qui de bonheur habille !
La mère au noble cœur élague la broutille,
Réjouit la maison par l’apparition
De ses rires plaisants, paisible effusion,
Pareille au ciel clément provenant de Castille !
Elle a tant de fraîcheur qu’on l’applaudit, gentille,
O ! Le pain de l’amour qu’elle a mis dans son sac,
J’entends, j’entends des flots le singulier ressac :
Ah ! La maison est bien une mer qui pétille !
La mer
Tout s’enfuit dans la mer, délicate et joyeuse
Même ce bel esprit aux paradis poreux
Même le mal d’un jour grimant la précieuse
Immortel océan où vont les amoureux !
A midi le flot noir cède la place au gai
Epilogue attendu après l’onde si fine :
Le temps se met au beau comme un homme qui plaît
Bientôt le zéphyr souffle et remue une échine !
En le sable, étouffé, un petit soupir monte
Renouveau d’océan se mettant à changer !
Point de galets ici pour un mur de la honte :
Sur le sable je dors et regarde pêcher !
La mer est comme toi, c’est le terrain des dieux
O quel parfait labeur, quelle couleur de flamme !
Les flots, les flots rougis à poindre, gracieux
O les flèches de feu d’un soleil qui se pâme !
Mourir pour la patrie
O non ! Pas maintenant ! Ce serait trop affreux !
La musique a joué « Mourir Pour La Patrie » !
Insoutenable affront ! O fragile fratrie !
Et le corps du soldat au paradis si peu !
Ce corps de chair sans vie afin qu’on s’en souvienne
La mémoire éperdue en un agonisant
Qui garderait toujours son air de mendiant
Supplices d’un destin s’il faut que la nuit vienne !
Univers asservi, dur pas du promeneur,
O souffle finissant ô râle incantatoire
Quand le feu assassin d’un craquement notoire
Met le rouge effronté au flanc du déserteur !
La salve retentit dans le troublant silence
Au jour où la mort pleut sur l’homme interrompu
Preux peloton en joue et visage impromptu
Bientôt la peur s’en va pour une autre démence !
Plainte pour survivre
Il doit bien exister, sous cet immense ciel,
Quelque dieu méconnu, le dernier arc-en-ciel,
Qui m’aide à supporter ce qui vient de la vie,
Vivre cet accident qui ne me fait envie
Mais la chaîne à ma peau se veut comme le miel
Et pourquoi faudrait-il qu’elle soit comme fiel ?
Il se peut qu’aujourd’hui la faiblesse dévie
Et qu’en fait de durée on ne voit que survie !
Je crois que la clameur est démonstration
Des théoriciens je veux la passion
Avec plus de raison que la vérité même,
Quelque dernier conflit que chaque ouragan sème
Aux confins de l’azur, du cri des nations,
Aux lieux où le printemps fait germinations
Et qu’un jour aille en paix le serpent de géhenne
Autant que tous ses crocs ont injecté de haine !
Mais pour toi que pourrais-je athlète aux bras d’acier ?
Vois-tu dans quel enfer je me suis enfoncé ?
A force de courir dans le sens de la marche !
Garde tes deux genoux pour descendre la marche !
Si tu te sens trop fort, fais que tu sois lié,
Mais pas trop cependant pour ne pas renier
Et s’il vient un éclair, que tu vois passer l’arche,
Crie à Noé l’ancien : « où ma moitié se cache ? »
Le bouquet
Demain, au petit jour, j’irai fleurir ta tombe
Je crois que tu verras mon geste maladroit
Sachant que ce désir provient d’un esprit droit
Mais je crains, ô je crains que mon bouquet ne tombe !
Pendant le temps humain nous vivions d’un baiser
Quand notre corps tremblé psalmodiait « je t’aime ! »
Ce cri de tous les temps où rien n’est vraiment même
Et le flot de nos coeurs désormais apaisé !
Demain, au petit jour, je gagnerai Saint-Pierre
Sa place colorée et son clocher joli
Contre le marbre dur un bouquet si bien mis
Qu’il me faudra lutter pour survivre à la pierre !
Pendant l’éternité nous vivrons ébahis
De nos destins conjoints. Tu souris ? Que je meure !
Il fait si beau là-haut que j’ai oublié l’heure
Tous les deux nous serons à jamais réunis !
Jougs
J’ai souffert sous un joug qui n’était pas le Sien,
Car ce joug-là est dur et personne n’échappe
A la rigueur du jour, fi du menteur la chape !
Et le prince du monde invalide le Bien !
Son fardeau est léger, voilà ce qu’Il enseigne
Aux disciples choisis pour en être témoins,
Pierre le bagarreur étonné pour le moins
Que les trois reniements intronisent le Règne !
Et Son joug est si doux ô ne le sais-tu pas !
Joug de soumission pour l’Eternité vraie,
Attelage divin qui s’en prend à l’ivraie :
Les fils de Son Amour le portent pas à pas !
Petits enfants venez devant la Croix du Maître !
Car Son joug est si doux et Son fardeau léger,
Lui qui vient de tous temps le faible soulager,
Défendre l’orphelin de l’ennemi, du reître
Les barreaux de la cage
J’ai vécu bien des ans en niant de ma cage
Les barreaux : ils étaient si propres et dorés,
Que l’implacable fer s’est pris à respirer,
Même s’ils m’ont blessé parfois jusqu’à l’outrage !
Alors dans mon mal-être, abandonné souvent,
J’ai recherché le Fils qui remplaça ma mère,
Qui m’apparut dès lors non comme une chimère,
Mais comme le vrai Dieu pacifique et vivant !
Maintenant m’appuyant sur Sa grande promesse,
Je reçois Son Amour au plus profond de moi,
O les transports de joie aux accents de Sa voix,
Me donnant tout à Lui pour qu’un jour je renaisse !
Si parfois de mon cœur s’échappe quelque bruit,
Si mon âme endurcie admet les cris du monde,
C’est que l’onde de Vie agit, combien profonde !
Séparant Bien et Mal, quand la crainte s’enfuit !
Serments
Je cherche sur ton front la grâce d’une reine
Princesse viens régner sur tous les univers !
Que l’exil de tes pleurs apaise un peu mes fers !
Je cherche sur ton front un désespoir sans peine
Je cherche dans ta voix comme un chant murmuré
Pareil à ce transport qui se grime en promesse
Qui fait dire à tous deux : « aimons nous donc sans cesse ! »
Je cherche dans ta voix un soupir adoré !
Je cherche dans tes yeux quelque soleil propice
La trace de nos feux aussi cruels qu’aimants
Quand la loi du désir nous fait prêter serments
Je cherche ton regard au coeur du précipice !
Je cherche dans ton corps l’impossible là-bas
Voilà qu’en m’embrassant au fond de ma misère,
Tu fais de notre amour un parfum délétère :
Mais je sens dans ton corps le secret d’ici-bas !
Le Christ aux outrages
Le connais-tu vraiment, ce Seigneur aux outrages ?
Sous le soleil du vrai fortement rejeté,
Ecrivant désormais de l’Histoire les pages,
Jusqu’à l’instant de gloire : il est ressuscité !
Le connais-tu, ce Christ à la chair si meurtrie ?
Pas un pharisien ne vient le secourir,
L’univers pour royaume et le Ciel pour patrie,
Devant les Juifs hurlants Il choisit de mourir !
Le connais-tu vraiment, ce Sauveur débonnaire ?
Son amour débordant le mène vers la croix ;
Il reçoit du Très-Haut Son destin millénaire,
Heureux tous les enfants ! Heureux celui qui croit !
Le connais-tu, ce Christ qui vient dans l’heure noire ?
Allumer un flambeau sur des flots déchaînés,
Un Dieu s’humiliant pour changer notre histoire,
Dire qu’Il est vivant ! En Lui nous sommes nés !
Voyage au-delà du concept
Au bout du tunnel de la mort
Je trouverai l’homme vêtu
D’un habit d’un blanc éclatant
Il me fait signe de la main
Et ouvre l’écrin de ses bras
De l’autre côté de mes pensées
Il y a Jésus qui m’attend
Il a construit un feu étrange
Un feu qui ne s’éteint jamais
Ses yeux font rougeoyer la braise
L’Homme de Nazareth chemine
Devant moi. Ses lèvres sont closes
Il mène le deuil de mes rêves
Je ne pensais pas qu’il suffisait
De poser mes pas dans les siens
Qui ?
Qui me délivrera de la peur de la mort ?
Sera-ce Jéhovah ou Jésus ou Marie ?
Ou demain Mahomet ou Karl Marx ou Gandhi ?
Qui donc viendra sur moi pour régner sur mon sort ?
Qui me délivrera de la peur de la mort ?
Qui donc viendra sur moi pour régner sur mon sort ?
Qui me délivrera de la peur de la mort ?
Je ne demeurerai avec parents, amis
Je ne pourrai rester près d’eux comme en sursis
Qui donc viendra sur moi pour régner sur mon sort ?
Qui me délivrera de la peur de la mort ?
Qui donc viendra sur moi pour régner sur mon sort ?
Qui me délivrera de la peur de la mort ?
Demain je ne serai : je sais que nul n’attend
Très longtemps ! Loin d’un dieu, l’œil fixé sur le temps,
Qui donc viendra sur moi pour régner sur mon sort ?
Qui me délivrera de la peur de la mort ?
Qui donc viendra sur moi pour régner sur mon sort ?
La politique exorcisée
A vouloir le soleil, j’ai vécu sous l’ombrage
De beaux politiciens ignorant tout des droits
Qu’il ne sert nullement de vouloir être rois
Et qu’à briguer l’honneur, on adore une image !
Seigneur accordez-moi ce que l’autre ne veut
Et s’il faut que le jour déloge les pénombres
Ah pitié ! Laissez-moi conserver quelques ombres
Dedans mon clair-obscur je serai très heureux !
En portant vos drapeaux, en criant vos supplices,
Vous suspendez les lois aux clous d’exclusion
C’est à cause de vous que rit la nation,
O le joli destin que celui des Narcisses !
Mais quand saignent vos cœurs en présence des loups
De dévots séducteurs si plaisants à vos âmes,
Que vos yeux obscurcis s’allument comme flammes
En ce jour-là j’irai détrôner tous les fous !
O prophète !
Par des cris fulguraux, il nous suffit de tendre
Vers ces jours de douceur où l’on entend le Ciel
Où brille au firmament un présage éternel :
Voici le temps d’hier illuminé de cendre !
En cette éternité que nul ne peut comprendre,
Recevant du Seigneur quelque soutien réel,
Nous voilà lentement affranchis du charnel :
Bientôt sonne le glas à la bouche d’Evandre !
Aux chants de déraison, il suffit d’un exil
Pareil à cette mer où vient mourir le Nil,
Insondable salut aux paroles propices !
O prophète subtil parlant au nom de Dieu,
Tu fais de corps meurtris ces calmes précipices
Que l’infini revêt d’un tour mélodieux !
Emergence
Au profond du néant point de vaine querelle
Quand des morts assemblés s’en prennent au Vivant
Comme ces épis mûrs qu’on moissonne au levant
Allons parmi les blés ma douce tourterelle !
O du mont Golgotha l’émergence nouvelle !
Les cris des condamnés se défont dans le vent
Et l’Homme se soumet aux pleurs dorénavant
Pareils à ce torrent qui déborde et ruisselle !
Sur la Croix, vertical, ou plus tard en gisant,
S’adressant au brigand, Lui-même agonisant,
Le voici qui proclame un destin séculaire !
Sur Son corps écorché les crachats n’ont de fin !
O passant redis-moi l’impossible colère
Du Christ interrompu dont mon âme a si faim !
Plénitude
N’entends-tu pas les cris des peuples qu’on opprime ?
Du sanhédrin vengeur au dessein criminel,
A la Rome sanglante au pouvoir éternel,
Pour un temps l’innocence et pour l’autre le crime !
J’ai vu le Christ prier au profond de l’abîme !
Prince d’inanité ? Sauveur intemporel ?
Verbe tôt incarné qui ne rit du charnel,
O ces jours de pardon que le remords anime !
N’abolis donc jamais cette Paix qui ne ment,
Qui nous fait ressentir le vrai confusément !
C’est là le seul chemin, l’unique certitude !
Frères de sang j’entends des brigands le propos
Ah ! Laissez-moi goûter du Ciel la plénitude :
A Mon côté percé vient jaillir le Repos !
Paix
Tout ce que tu m’as dit, je le savais déjà
La douceur de Jésus, Ses messages au monde
Son combat sans merci contre la bête immonde
Ah ! Je croyais savoir l’Alpha et l’Omega !
Et Judas qui trahit et Pierre qui renie
Au matin du salut nul ne se presse encor
Ou bien sûr celle-ci qui réclame Son corps
Quand le disciple enfui les évidences nie !
Ce que le Fils a dit, je ne l’ignorais point
Son discours rédempteur, Ses accents de tendresse
Mais je ne connaissais cette paix de l’ivresse
Ce bonheur sans égal que communique l’Oint !
Les serpents d’airain
S’il fallait nous aimer pour confondre l’espace
Tu n’aurais pour seul droit que le charme enfantin
Illuminant tes yeux au sortir du matin,
Quand l’être invétéré se veut désir et passe !
Des peuples asservis, il prononce la grâce
Même aux jours de combat où le cri ne s’éteint
Pareil à ces oiseaux proclamant leur destin,
Sacrifice d’abord pour les gens de sa race !
Sous des cieux ébranlés il s’en ira serein,
Les reptiles charnels se révèlent d’airain :
L’image du bonheur, la revoilà sans cesse !
Improbable secours d’un mystère choisi !
Sera-t-il calciné par des feux de détresse ?
Ce Sauveur qui se fend d’un ultime Merci !
Léviathan
Entendre sous les Cieux le propos de Cybèle
Qui murmure à l’oreille : « ami, viens par ici ! »
Et qui fuit l’agonie où l’autre abdique aussi :
O le puissant secours de la rime nouvelle !
Rien ne peut effacer l’écume à la nacelle :
La tristesse des jours, compagne la voici !
Au plus fort de l’hiver, en notre esprit transi,
Quand l’aquilon vengeur fait de l’être un rebelle !
En ce temps de chaos, l’on devient combattant
Car l’esprit de Satan, cruel Léviathan,
Place sous le boisseau les feux de l’innocence !
Dépasser s’il se peut l’inamovible écueil :
Voilà le seul désir des peuples sans défense
Mais faut-il pour cela la menace et le deuil ?
D’entre nous !
A l’horizon défait, d’improbables apôtres,
Psalmodiant des vers que l’on clame parfois,
Intronisent ce Maître accroché sur le bois :
Il venait d’entre nous mais n’était pas des nôtres !
S’il suffit de chansons nous prendrons donc les vôtres
Quand résonne le glas assourdissant la voix,
Parcouru de stupeur, et sublime à la fois :
A l’heure de la fin considère les autres !
Car nous devons sonder le discours enfantin,
Sous les vents insoumis, nul ne sent son destin :
Agonie et sursauts de la subtile aurore !
L’on voit se dessiner, sur des matins noircis,
Le présent alangui, le passé qu’on déplore
Et ces lieux d’un futur où le Temps semble assis !
Allégresse
A la quête du vrai nous partirons ensemble
Car il nous faut sortir du brouillard enfantin
Pour tendre vers la rive un peu chaque matin :
L’horizon s’éclaircit et la paupière tremble !
Quelque roi d’au-delà, du néant il me semble,
A cloué sur le bois, humiliant destin,
Ce Fils voyant renaître un jour Son souffle éteint,
Haleine d’un coursier qui se dresse et fait l’amble !
Peuples inconséquents fustigez ces sabbats
Où l’on cherche une issue au parcours d’ici-bas :
Rien n’est jamais acquis au temps de la détresse !
Chimères et miroirs d’un monde qu’on rêva,
Vous voici désormais revêtus d’allégresse,
Extase de l’esprit où la crainte s’en va !
Omega
Quand sera-ce Seigneur qu’un intraitable feu
Consumera les flots de ses lèvres de braise
Que le sol tremblera pour un dernier enjeu
Dessous le ciel brûlant pareil à la fournaise ?
Quand sera-ce Seigneur qu’une aube de colère
De nuée et d’angoisse écorchera la nuit
Un jour de cris de guerre où par un grand mystère
Sur l’enfant innocent l’infâme poignard luit ?
Quand sera-ce Seigneur que Ton avènement
En la splendeur du ciel, avec gloire et puissance
Rassemblera les saints venus de chaque vent ?
Lors même que l’impie implore sa naissance !
Quand sera-ce Seigneur que rayonnant de gloire
D’une verge de fer Tu pais la nation
Le fauve pacifique et l’agneau dérisoire
A jamais réunis dans une effusion ?
Allons !
Allons ! Marchons ! Courons ! Echappons aux abîmes !
Le soleil est si beau, ses rayons sont si doux
Et le vaillant Berger nous fait gravir les cimes,
Plus jamais nous dirons: « où donc partirons-nous ? »
C’est Lui qui m’a donné tout ce que je possède :
Docile entre Ses mains comme un vase au potier,
Si faible que je sois, quand je Lui crie « à l’aide ! »
Voilà qu’à l’avorton Il répond en premier !
Depuis le bois dressé l’univers Il contemple,
Attirant désormais tous les humains à Lui
Car l’aube et la lumière ont fait du Fils un temple :
Je crois en Son Amour, je crois en Jésus-Christ !
Plus loin !
Improbable discours où le poète rêve :
Le cri des condamnés fait du songe un drapeau,
Mis à part ce Judas reniant le troupeau,
Hauteur inviolée à laquelle on s’élève !
Le pas d’un vil coursier s’en vient fouler la grève
Et l’être en son linceul ne revêt de chapeau,
Bien plus qu’un artifice, une seconde peau,
Le drap des fossoyeurs ne connaît pas de trêve !
J’ai perçu dans la nue un oiseau sans orgueil
Pareil à ce Dieu fort à l’impossible deuil :
Voici venir Celui qui divise la plèbe !
O vivre d’un amour indulgent et subtil,
Sillon d’un autre temps se nourrissant de glèbe :
D’un peuple souverain nous revivrons l’exil !
Armageddon
La colombe l’oiseau de la bonté de Dieu
A quitté Jérusalem pour les hauteurs du cosmos
Elle a étendu ses ailes trouées de rouge
Et elle danse dans le soleil d’Armageddon
La colombe a lissé ses plumes
Chassé le sang ruisselant à son côté
Elle s’élève au dessus de Golgotha
Au dessus du crime des peuples
La colombe l’oiseau de la sagesse de Dieu
Est parti éclaircir l’horizon
D’un coup d’aile elle efface l’orage
D’un coup de bec elle déchire le malheur
La colombe a fixé le soleil
Sa prunelle dissout la brume
Elle tient dans son vol le repas des nations
Le pain vivant de réconciliation.