Guerre
Tu pourrais bien avoir la réponse au mystère,
Et puis la connaissance en ce monde inquiet,
Voire le souvenir d’un Sauveur qui pliait
Sous le patibulum, ô vision austère !
Il te manque pourtant, devant les bruits de guerre,
Le paisible regard d’un Christ qu’on liait,
Et dont le sacrifice, introduit par le fouet,
Nous pousse à respecter tout homme sur la terre !
Car sur la Croix obscure où tout semble finir,
Quand l’Etre vers le soir ne peut plus retenir
De l’eau mêlée au Sang, alors le voile tombe !
Sera-t-on insensible à ce discours profond ?
Répondez-moi, mon frère, avant de voir la tombe,
Si du moins votre esprit ici-bas se morfond !
Vingt-trois février vingt-deux
L'ombre de la mort
Buvons encor un verre avant qu’on se sépare !
Un dernier pour la route et puis tout est fini,
Dans un monde où l’orgueil se revêt d’impuni,
Folle conclusion dont chacun s’accapare !
Alors que l’homme tue au son de la cithare,
Avec Lui dirons-nous : « lamma sabactani » ?
Quand le Ciel semble clos, à tout jamais terni
Par l’hérésie interne ou le drame cathare !
Quoi ! Vraiment auriez-vous mis en croix notre Dieu ?
Démiurge accroché dans un étrange lieu,
Sanction terminale ô combien surhumaine !
Traversé bien souvent par l’ombre de la mort,
Comme un nuage noir obscurcissant la plaine,
Je ne crains que Jésus qui règne sur mon sort !
Vingt mai vingt-et-un
De poème en poème
J’ai pensé tout de suite : « il s’agit d’une blague ! »
Comment un être juif, mort voilà deux mille ans
Pourrait par son propos m’arracher aux néants ?
Grotesque stratagème ourlé comme une vague !
Nombreux sont les penseurs estimant qu’il divague,
Lui dont le vain discours renvoie aux charlatans,
Que cette pulsion vers laquelle tu tends
Se dresse comme un mal que nul souffle n’élague !
…..Mais dis-moi, mon ami, qui donc créa le ciel,
Les saisons, le bétail et le flux éternel
Des mers ou des cours d’eau, les petits matins blêmes ?
Alors que Ton Récit s’emplit de Vérité
Dans un brouillard épais se perdent mes poèmes ;
Seul le Dieu trois fois Saint se vêt d’éternité !
Trois juillet vingt-et-un
En partance
Vois la nue embrumée aux beaux jours en partance,
Comme un soleil couchant à travers les roseaux,
Quand l’automne parait, les rayons en biseaux,
Alors que sur la mer le vaisseau se balance !
Des flots inabolis la merveilleuse engeance,
Lorsqu’au creux du ressac se fracassent les eaux,
Sous un ciel turbulent où règnent les oiseaux
Éclaboussés d’écume au gré de leur errance !
Ô les ombres du soir précédant la grand-Nuit,
Déchiquetant l’azur sans produire aucun bruit,
Nuages en lambeaux d’un supplice ordinaire !
En la voûte céleste et magnifiquement,
Une poussière d’astre illumine son aire,
Pareille aux grains de blé jetés au firmament !
Huit juillet vingt-et-un
Le jardin secret
Dans le jardin secret s’en vont toutes les roses …
Par l’atroce baiser du démon au Héros
S’achève brusquement le règne des bourreaux …
Pétales en sursis aux cent métamorphoses !
Parmi le doux cresson simplement tu reposes,
Comme le font les morts au sein de leurs fourreaux,
Quand ils quittent l’azur pour les lieux carcéraux,
Car il n’est que des fleurs au paradis des choses !
Ô n’apercevez-vous les revers éclatants
Lorsque l’être s’en va sous l’action du temps ?
Menant le combat dur s’il se peut jusqu’au terme !
Et l’âme se défait sur un récif omis,
Affichant de surcroît le courroux le plus ferme ;
Mais quel forfait grossier avons-nous donc commis ?
Treize juillet vingt-et-un
Au commencement...
C’était au tout début de surprenantes choses ;
Notre cœur battait fort au plus profond de nous,
Alors qu’Il sanglotait, ce Messie à genoux,
Dans un Gethsémané fleuri de mille roses !
Quand le Maître se meurt, les disciples moroses
S’endorment toutefois comme un troupeau de gnous
Echappés désormais aux hommes en burnous,
Mais sont-ils conscients de leurs propres scléroses ?
Ô brigands sur la croix, bien sûr vous êtes deux
Pour encadrer le Christ, et les gens autour d’eux
Se moquent volontiers de ces boucs émissaires !
Mais qui donc a compris que pour tous Tu t’en vas ;
Malgré les clous rageurs Ton cœur aussi se serre,
Puis le voile se fend du plus haut jusqu’en bas !
Vingt-cinq juillet vingt-et-un
Patibulum
Mais qu’as-tu donc reçu pour parler de la sorte ?
Toi le nazaréen avec le pied percé,
Lors même qu’un soldat par l’horreur agacé
S’écrie encor : « Vraiment, cet homme est bien la Porte ! »
Au pied du Christ en croix, la femme reste forte ;
Observe bien Marie au visage effacé
Soutenir Son Sauveur dont l’œil violacé
Contemple désormais ce brigand qu’Il exhorte !
Car ce dernier, pensif, dans l’ultime moment,
Ouvre l’âme et le cœur si démesurément
Que le Messie alors l’accueille afin qu’ils règnent !
Sous le patibulum fixé sur un épieu,
L’incrédule passant fustige ceux qui saignent,
Crachant ses quolibets sur la face de Dieu !
Trois août vingt-et-un
Idoles
Faudra-t-il parcourir et la mer et la terre ?
Pour soustraire à Ta vue, ô Seigneur Éternel,
Mon visage défait oublieux du réel
Et me voilà bientôt fuyant et solitaire !
Car nous, êtres humains, préférons le mystère
De la glèbe terrestre à l’aspect si charnel,
Plus l’idole du cœur que le bon Dieu du Ciel !
Combien je suis habile à tout sauf à me taire !
Et même à condamner les péchés les plus noirs,
Sans regarder en soi par un jeu de miroirs,
Entraînant le prochain dans sa propre torture !
Veux-tu gagner l’espace, avec, à moitié mort,
Un air de jalousie où gît la raison pure,
Ce vent de la rancœur qui trop souvent te mord !
Neuf août vingt-et-un
Comme un voile
Parmi les vains propos se lèvent les murmures,
Ces discours bien sournois où l’autre est spolié,
Avant même de voir son corps défait lié,
Et d’accéder au rang des gloses les plus mûres !
Il nous faut désormais revêtir des armures
Pour devenir du jour le subtil allié
Quand le travail du vent soudain humilié
Consiste à faire choir les plus frêles ramures !
Je délirais ainsi, la face contre ciel,
Ne sachant plus alors où trouver l’Éternel,
Et l’angoisse sur moi paraissait comme un voile !
Mais quand l’éclair advint, en forme de sarment,
De loin en loin brilla la formidable étoile
Qui sied à l’infini sous son éclat charmant !
Vingt-trois août vingt-et-un
Liberté
À présent, en dehors d’un puissant esclavage,
Le sort des nations apparaît incertain ;
Suivre les dieux de fer et demeurer hautain ?
Loin du vrai de la vie au précieux nuage !
Quitter sa liberté pour devenir otage
Du concept farfelu d’un penseur si lointain,
Amphigourique, abscons, que l’on quitte matin
Pour des bords plus concrets qui s’approchent sans rage !
Le salut semble là, mais….je ne sais plus où !
Faire l’oiseau, poser sa tête dans un trou ?
Peut-être que voilà la délivrance innée !
Ô les yeux irréels d’écailles recouverts !
Lors que l’Homme aux doigts d’or guérit l’aveugle née,
Au jour où le printemps revêt ses habits verts !
Vingt-six août vingt-et-un
Immensité
Sur les chemins d’ailleurs je m’en vais solitaire …..
À force de chercher les alizés porteurs
Qui propulsent l’humain à de grandes hauteurs …..
Après avoir subi les affres de la terre !
La physique céleste apparaît bien austère,
Mais d’où sont donc issus les principes moteurs ?
Qui font que l’univers ouvre ses réacteurs,
Quand le Pantocrator incarne le mystère !
Les planètes s’en vont dans un ordre absolu,
Et tournent les fragments sous un feu dévolu,
Brumes du crépuscule, on vient à vous sans peine !
Orphelin de la Vie et pourtant jamais seul,
Le verrou de l’espoir semble n’avoir qu’un pêne :
Mon ami le Salut deviendra ton linceul !
Trente août vingt-et-un
Admiration ?
L’absurdité t’étreint et le mal te dévore,
Toi dont le vain propos génère quelques cris,
Quand ta voix sans arrêt se transforme en débris,
Irons-nous ainsi donc jusqu’à l’ultime aurore ?
Donnerons-nous des fruits à l’herbe carnivore ?
Mais non ! Il ne se peut, ô plante tu péris !
L’on ne voit que sagesse aux peuples Maoris,
Peut-être faudra-il tout élaguer encore ?
Je prosterne mon corps devant tes yeux ouverts,
À l’éclat si profond, bleus comme l’univers,
Oui c’est le seul faciès qui dès ce jour persiste !
Laisse-moi t’énivrer, pareil à la liqueur,
Quand bien même le ciel tout à coup se fait triste :
Le besoin de jouir demeure ainsi vainqueur !
Six septembre vingt-et-un
La beauté future
Voici que ma pensée accouche en la nature :
C’est le moment d’automne où l’on voit un sillon
Rejoindre le ciel noir avec son bataillon :
Semailles et labours, ô charnelle ouverture !
Nous irons tous aux champs, dans la beauté future.
La brise en nos habits produira ce haillon
Et les eaux d’ici-bas se feront tourbillon,
Larmes d’un monde clos que l’océan capture !
Surtout regarde bien le grand déclin des jours :
Il reviendra le vrai de la moisson d’amours,
Car déjà tes yeux purs ont vu l’herbe promise !
Si de la glèbe imberbe on fait des creux béants,
C’est pour que la semence y demeure soumise.
Labeur intemporel qui nous grime en géants !
Vingt septembre vingt-et-un
Le temps des désamours
Il fait froid, c’est l’hiver. Dehors souffle la bise ;
L’un observe les cieux ; pour lui « quel temps fait-il ? »
Alors que l’autre émet quelque propos subtil ;
Je m’en vais, bien pensif, avec la lèvre grise !
Mais pourquoi faire sien une terre conquise ?
L’on ne peut effeuiller la fleur jusqu’au pistil,
Ou sentir d’un iris le parfum volatil,
Si l’on croit avoir seul la vérité promise !
Faire belle la part aux sentiments hideux,
Quand le fracas des jours se déchaîne autour d’eux,
Ne pourra survenir quand vous serez squelettes !
Vois venir désormais le temps des désamours
Ceux qu’on subit toujours en ce monde où vous êtes :
Il faudra donc prier notre Dieu pour toujours !
Onze octobre vingt-et-un
Les grandes rêveries
Poète défais-toi des grandes rêveries
Qui proviennent d’un monde où tous autour de moi
Se laissent volontiers aller sans un pourquoi,
Lorsqu’ils s’adonnent tant à leurs fautes chéries !
Combien de grands penseurs aux allures fleuries
Ont rejeté le vrai pour vivre dans l’effroi ?
Ainsi que des croyants ayant perdu la foi,
Qui meurent sans espoir sous des faces meurtries !
Certains veulent quitter cet univers hideux
Qu’ils vénèrent pourtant, en tuant autour d’eux,
Pétris d’un rêve pur et pleins de violence !
Dans les geôles d’en bas se lèvent des bruits sourds :
À grands coups de bâton on crève le silence,
Sans savoir que le cri monte au ciel pour toujours !
Neuf novembre vingt-et-un
Poussière
On a dit tant de fois : par où vient la sagesse ?
Observons donc la fin d’un misérable Exil,
Pour lequel l’ingénu déclare : quel est-il ?
Au lieu de protester et de gémir sans cesse !
Ainsi, lorsque j’entends la voix enchanteresse
D’un délire charmeur ancré dans le babil,
Mêlant faux et réel au souffle volatil,
Alors dans l’ombre vive expire la tendresse !
Puisque l’espoir terrestre aboutit au chaos,
À quoi bon conserver le reste de nos os,
Ou jeter à tout vent les cendres calcinées !
Mais gageons que l’azur ne me laissera seul
Ô mon Dieu permets-moi de survivre aux années,
Avant que la poussière absorbe mon linceul !
Quinze novembre vingt-et-un
Un murmure si doux
Mais à quoi bon songer ? Nous déplorons les mythes !
À force de souffrir l’être humain s’avilit,
Encor un peu de temps et l’on demeure au lit ;
Le prince de ce monde apparaît sans limites !
Qui que tu sois, repense aux parcours adamites !
Notre commune foi serait-elle un délit ?
Quand le vrai d’exister se mue en chienlit ;
Faut-il vivre à l’écart comme font les ermites ?
L’un veut accuser l’autre, en un vil corps à corps,
Alors que leurs propos les rendent déjà morts ;
Ne comprends-tu donc pas ce que l’Esprit murmure ?
Allez-vous désormais plonger dans le Léthé ?
Quand tous aux alentours revêtent une armure
Qu’un démon sanguinaire enduit de vérité !
Six décembre vingt-et-un
Ô Israël
Donc après le désert, vint la Terre Promise ;
Alors parmi les cris se dressa Josué,
Sentant bien qu’Israël, de marche exténué,
Irait en Canaan de par son entremise !
Lorsque l’unique loi du Berger fut admise,
Hommes, femmes, troupeaux, ce peuple dénué
Des valeurs de l’Égypte, un temps diminué,
Accomplit le dessein révélé par Moïse !
Oh ! Frères dites-moi le pourquoi des amours,
Quand tous devant Baal se prosternent toujours,
Ou bien fêtent Mammon en croyant être libres !
D’où vient le sens exact de ces mots que l’on dit ;
D’un enfer doucereux aux cruels équilibres ?
Du Christ accoutumé que le passant maudit ?
Vingt-sept décembre vingt-et-un
Le Trône
Mais qu’importe le prix pour avoir la couronne !
Quand l’esprit de ce monde, avec ses mots puissants,
Ne peut pas m’arracher au bonheur que je sens :
Contempler pour toujours le Seigneur sur son trône !
Comment te recevoir, liberté que l’on prône ?
Le vacarme trompeur des démons indécents
Semble à jamais ternir nos propos faiblissants,
Mais au Christ glorieux appartient le neurone !
Et l’Esprit nous amène à laisser nos erreurs,
Parce que celles-ci se nourrissent des peurs
Que chaque individu reçoit en héritage !
Comme un peu de Savoir pousse l’homme au muet,
Pour déployer son aile il lui faut une cage,
À l’heure où l’Éternel patiemment se tait !
Vingt janvier vingt-deux
Ténèbres
Je te conçois vainqueur, pourtant dans les ténèbres,
Ivre de ton propos et recouvert d’encens
Qu’un peuple malheureux attribue aux puissants
Pareils aux savants fous bien imprégnés d’algèbres !
Mais il n’est de chaos pour les hommes célèbres,
Abrutis de discours, de mots étourdissants,
Qui se vendent matin en de trompeurs accents,
Et dominent, le soir, par des phrases funèbres !
Après avoir connu les parages hideux,
Un prince en son orgueil se dresse au milieu d’eux,
Facies provenant du plus sinistre gouffre !
D’avatars en forfaits se forge le destin :
Nous voilà donc saisis comme un être qui souffre
Et notre bien commun se dissipe, incertain !
Onze février vingt-deux
Une mort si vivante !
Je L’aime ce Sauveur à la mort si vivante !
Incliné sous le bois et puis qui se levât,
Entre deux criminels au masque de gravat,
Mais dont l’un se repent par la noire épouvante !
Au pied de Golgotha, pas la moindre servante ;
Les souffles abyssaux succèdent au vivat
Qui jadis s’élevait au temps du Khédivat ;
Rien que quelques amis à la face émouvante !
Or l’esprit du disciple, en un jour accablé,
Ne saurait concevoir des herbes dans le blé
Et les tristes regards aperçus à l’église !
Il se peut toutefois que le croyant ait faim
D’un message profond de ce Christ qu’on méprise ;
Le voilà s’écriant : « À Toi jusqu’à la fin ! »
Dix-huit février vingt-deux
Les mots belliqueux
Par des mots belliqueux la paix se fait chimère ;
Il est fini le temps où l’avenir sourit,
Quand le bruit des canons semble à présent inscrit
Dans le souffle létal d’une formule amère !
De nos chants d’autrefois, te souviens-tu ma mère ?
Avant que le combat ne trouble notre esprit
Abasourdi de gloire, et plein de ce qu’on prit
Pour qu’autrui vive enfin d’un bonheur… éphémère !
Oh ! Dites-nous, amis, que l’impossible amour,
Entre les nations maintenant se fait jour ?
Et que l’aube promise appartient à ce rêve !
J’ai cueilli maint obus dans un champ dévasté,
En vomissant l’espoir alors que tout s’achève,
Au lieu de l’injustice et de l’iniquité !
Vingt-deux février vingt-deux
La séduisante glose
À l’heure où le regard sur un conflit se pose,
Que la France éternelle agonise et se rompt,
Dans des cris sibyllins, en inclinant le front,
Se dresse le besoin de revoir toute chose !
Hélas ! Rappelez-vous que la métamorphose,
Cet illusoire mieux dont l’usage corrompt
L’intégrité d’un peuple à la critique prompt,
Ne saurait infléchir le culte de la glose !
Si chaque prétendant sollicite nos voix,
Pour avoir un avis bien méprisé parfois,
C’est parce que l’erreur alimente le rêve !
Adieu les Te Deum en un instant changés
Par un chant belliqueux qui jamais ne s’achève :
Rien que l’affreux rictus de crânes ravagés !
Vingt-six février vingt-deux
Perspectives
Votre ombre et vos chansons qui demeurent plaintives,
N’est-ce pas le refus pour le moins d’assumer
Les problèmes hideux que chacun doit grimer ?
Afin d’en aplanir les dures perspectives !
Je comprends le souci de rester attentives,
Ô femmes de toujours dont le cœur veut aimer
Le nid familial sans vouloir réprimer,
Mais ces attentions paraissent bien craintives !
Et souvent les époux négligent votre voix,
Ne comprenant les mots que l’on émet parfois,
Quand l’enfant ingénu s’immerge dans les larmes !
Si le sort incertain se noue à l’horizon,
Alors que tout autour grandissent des alarmes,
Disons-nous que le pleur ne connait de saison !
Vingt-huit février vingt-deux
Diogène de Sinope
Je vois partir les rois en grandes funérailles ;
Que fais-tu Diogène au fond de ton tonneau,
Le monde en la barrique est-il ainsi plus beau
Que le destin des gens blessés dans leurs entrailles ?
Au nom du vivre mieux les possédants tu railles,
Habité d’une ascèse et couvert d’un manteau,
Comme un être cynique où le vrai du tombeau
Ne peut guère advenir par d’ardentes mitrailles !
Il dit d’un air songeur : « Ôte-toi du soleil ! »
Car l’homme libéré, saisi d’un mot vermeil,
Exprime le dégoût des valeurs de Corinthe !
Ces préceptes si durs, aux traits stoïciens,
Seront-ils suffisants pour effacer la crainte
De ne trouver le Bon venu de temps anciens ?
Trois mars vingt-deux
S'aimer encore
Le sentiment n’est plus, il faut s’aimer encore !
Et les regards devront aller jusqu’à la fin,
Même si nos deux cœurs n’éprouvent pas la faim
De ces jeux sexuels que le temps édulcore !
Au tableau des exploits on n’affiche le score
De combats emmenés par quelque séraphin,
Ultimes avatars d’un talent d’aigrefin,
Quand l’autre avec le mal du chagrin nous décore !
Faudra-t-il s’enquérir du Dieu des croix de buis,
Ou chercher grâce aux mots de bienveillants appuis ?
Comme un enfant le fait en parlant à sa mère !
Parmi les pleurs confus s’épanche notre voix ;
Ô des moments anciens l’adorable chimère,
Cette sombre clarté dure et belle à la fois !
Six mars vingt-deux
Le rêve d'absolu
Au firmament des mots se réfère tout homme,
Recherchant à genoux un rêve d’absolu
Que son âme ici-bas aura toujours voulu,
Et s’il ne trouve rien le voilà faisant comme !
Car nous n’apercevons du récit de la Pomme,
Que le côté navrant d’un être dévolu
À ce Pantocrator au Verbe résolu,
Alors que la sueur sur son front perle en somme !
À force de tomber sur l’escalier du temps,
Dans les espaces bleus où vers le Mal tu tends,
L’on pleure désormais sous une nue étrange !
Le tonneau du vouloir apparait bien rempli,
Mais à quoi bon souffrir quand la praxis se venge,
Et que les nations reprennent l’ancien pli ?
Sept mars vingt-deux
Elle
Je reverrai toujours sa chère tête blonde
Triomphant de la vague en un geste absolu,
Pareille à cette athlète au faciès résolu,
Quand avec élégance, elle nage dans l’onde !
Que de muscles tendus et pas de forme ronde ;
La voilà sillonnant le ressac dévolu
Sur un morceau de bois par ailleurs vermoulu,
Insolite équipage issu d’un autre monde !
Elle paraît si fraîche en son aspect premier
Que chacun veut sa part, moi qui suis coutumier
De ses charmes secrets lorsqu’ils osent éclore !
Mais je me sens trop seul, bien loin du firmament,
Sa candide splendeur susurrant : « pas encore ! »
Puis nos deux cœurs meurtris s’aiment intensément !
Vingt-cinq juin vingt-et-un
Ô Jérusalem
Ô toi Jérusalem qui punit le prophète,
N’as-tu pas en ton sein quelque jeteur de sort,
Un Messie inconnu triomphant de la mort,
Nazaréen subtil à la glose parfaite !
Le Maître inégalé se pose en trouble-fête ;
Mais savaient-ils vraiment qu’ils le tuaient à tort ?
Ces docteurs de la loi doués d’un saint transport,
Habiles détenteurs d’une foi bien surfaite !
Sur le bois du calvaire Il étend ses deux bras,
Pour rassembler en Lui tous ceux dans l’embarras
À propos d’un Salut loin de toute pensée !
D’un Christ agonisant l’immortel souvenir,
Même aux jours de tristesse où l’âme va, lassée,
Car il n’est point d’Amour qui ne soit à mourir !
Vingt mai vingt-et-un
Et caetera
Par des signes du poing se meut la violence,
Comme ces arbres morts se dressant vers les cieux,
Offrant leurs maigres bras en sacrifice aux dieux ;
Des peuples asservis aura-t-on la clémence ?
Et puis le jour venu, lorsqu’enfin l’homme pense,
Osant mettre au rancard les langages pieux,
Pour ainsi s’affranchir de leurs traits belliqueux,
Voilà qu’il s’abandonne au néant le plus dense !
En qui croirai-je donc ? À quoi bon notre espoir ?
Quand l’être en son courroux ne nous dit pas : « bonsoir ! »
Enfermés dans le doute, éprouvons toutes choses !
Car les temps sont mauvais, si démesurément
Que se lèvent déjà des lendemains moroses
Et que l’humanité scrute le firmament !
Cinq juillet vingt-et-un
L'homme de paix
Vois le sang se figer sur les linteaux de pierre ;
Il se peut que parfois Satan prône la paix,
Comme un puissant hommage au dogmatisme épais,
Alors qu’en d’autres lieux il brise la paupière !
La soupe n’est servie en la vile soupière !
Sur un chemin facile heureux tu te repais,
Faisant fi d’un destin aux cinglants contrepets ,
Pour un jour le blasphème et pour l’autre Saint-Pierre !
On s’aime volontiers au doux bruit du canon
Le riche exulte ainsi quand le pauvre dit : « Non ! »
Le prince de ce monde embellit la victoire !
Les peuples ennemis sont sûrs qu’au-dessus d’eux
La justice les guide à coup sûr vers l’Histoire,
Alors que le démon les inspire tous deux !
Cinq juillet vingt-et-un
Revivre
Partir sous d’autres cieux, revivre en quelque sorte,
Voilà bien le destin paisible et glorieux,
De tous ceux qui jadis ont élevé leurs yeux
Vers ce Sauveur parfait que la prière exhorte !
Car qui d’autre que Toi prendrons-nous pour escorte ?
Afin de cheminer en demeurant joyeux,
S’éloigner s’il le faut des propos ennuyeux,
Par le fait d’un zéphir qui nous prête main-forte !
Ô les jours de détresse où l’on touche au vivant,
Quand le sable en la main disparaît sous le vent,
Comme un vol d’étourneaux imprégné de mystère !
Il se peut que l’azur passe pour vanité,
Mais l’exil de nos corps ne donne sur l’austère
Et notre fin si proche est immortalité !
Dix-huit juillet vingt-et-un
Tragédie joyeuse
Pour d’aucuns Golgotha fut une tragédie,
Pareil au grain qui meurt sans donner de moisson,
Au partage du pain s’ajoute le poisson,
Miracle d’un instant que le mal congédie !
Ô les feux passagers grimés en maladie,
Alors que disparaît le beau chant du pinson,
Ostentatoire cri provoquant le frisson,
Parmi les propos vains que l’âme psalmodie !
Avant que l’asticot me tricote un linceul,
Mon esprit envolé jouit de n’être seul ;
Qu’il fait bon par Sa mort d’accéder au Mystère !
À chacun désormais ses propres désarrois
À l’image d’un Dieu paraissant bien austère,
Lui dont le vrai dessein est de nous faire rois !
Trente juillet vingt-et-un
L'amour silencieux
Mon passé douloureux se conclue en vacarmes ;
Dire qu’elle m’aimait, je ne l’ai jamais su !
Ce sentiment si fort, pour moi-même conçu,
À présent révélé, me tire bien des larmes !
Devant tant de dépit prendrai-je donc les armes ?
Accusant un destin empreint d’inaperçu ;
Pauvre de moi ! Je crève, affreusement déçu !
Faudra-t-il s’enquérir des mystiques alarmes ?
Cette mésaventure ira jusqu’au tombeau,
Me privant de ce fait du plaisir le plus beau :
Ne vois-tu pas ma peine, ô Seigneur si sévère ?
J’aurai vécu la vie au rythme du canon
Et la joie en ma main se brise comme verre !
Est-ce définitif ? Une voix me dit : « non ! »
Quatre août vingt-et-un
Angoisse
Il est Dieu mais pourtant Il n’a pas de paroisse,
Lui le Pantocrator en proie au désarroi,
Lors même que certains veulent le faire roi,
Pour un jour le miracle et pour l’autre l’angoisse !
Il parle à tous les Juifs afin que le bien croisse,
Rejeton de David ayant réglé l’octroi
Du salut d’Israël confiné dans l’effroi,
Et dont la destinée au plus profond le froisse !
Venu d’un monde immense où le Créateur vit,
Le voilà tenant tête aux démons, ce qu’on vit,
Dans l’espace inouï de la folie humaine !
Pareils à ce brasier paraissant bien charnel
Le soir, quand le soleil se couche sur la plaine,
Les hommes et les lieux revêtent l’éternel !
Dix août vingt-et-un
Fournaise
C’était en apparence un des enfants de l’homme,
Marchant dans la fournaise au foyer décuplé,
Brasier dont la vigueur, dans un lieu dépeuplé,
Tuait tout un chacun, un feu de mort en somme !
Au firmament fraîchi l’on peut procéder comme,
Mais le hasard des jours à la nuit accouplé
Produit ce résultat par l’autre contemplé,
Vacuité du temps que l’être humain consomme !
Et tremper son mouchoir dans le sang des héros,
Voilà bien l’ordinaire au pays des bourreaux,
Sans faire acception de la moindre amertume !
Pour suivre son idée il faut avoir un don ;
Nul besoin de souffrir comme veut la coutume,
Quand le Ciel si clément nous offre son pardon !
Vingt-six août vingt-et-un
Comment as-tu vécu ?
« Aimer », ce mot absent de mon vocabulaire
Semble ne relever que de moments anciens,
Mais pourquoi s’enquérir de maux béotiens
Quand l’autre en son courroux se fait patibulaire ?
Atteindre du salut la taille tutélaire,
Voilà bien les repas que l’on peut faire siens,
Alors même que tous se veulent plébéiens ;
Mieux un sentiment froid qu’une sombre colère !
Quand après la moisson l’âge t’aura vaincu,
Le Maître te dira : « Comment as-tu vécu ? »
Chenille ou papillon, larves ou chrysalides ?
Entendrons-nous toujours les sanglots et les cris ?
Joignant ta propre voix au bruit des Euménides ;
Ne restent du soleil que de grossiers débris !
Vingt-huit août vingt-et-un
Allons !
J’ai posé ce message au creux de ton oreille :
Ma douce tourterelle allons parmi les blés
Avant que nos corps vieux ne soient trop accablés,
Duplicité du temps à nulle autre pareille !
Celui-ci se fait court, et l’ombre s’ensoleille
Pour toucher l’autre bord par des vents redoublés,
Quand souffle l’aquilon, voici les flots troublés !
Le ciel noir sur la mer jamais ne dépareille !
Il se peut néanmoins qu’en ces moments de deuil
La rage d’exister pulvérise l’écueil ;
Ô l’angoisse mortelle et ses terreurs funèbres !
Foin des sentiments creux ou d’un amour trompeur !
Le Seigneur tout-puissant a vaincu les ténèbres,
Unique sacrifice abolissant la peur !
Deux septembre vingt-et-un
Plaidoyer pour l'hermétisme
Mais pourquoi donc poète aller vers l’hermétisme ?
Pareil au plongeur soûl qui sur le sable fond,
Et qui ne se remet de l’alcool si profond
Que l’abysse détient comme un absolutisme !
La belle discipline est plus qu’un dogmatisme :
Il s’agit simplement de soustraire au bas-fond
Les plus grands idéaux que souvent l’on confond
Avec les lieux communs nés de l’obscurantisme !
Le mot donne une image où l’on sent l’éternel ;
Choisis-le sombre et pur, aussi dur que le ciel
Quand celui-ci se tait devant notre souffrance !
Voyez-vous, mes amis, l’ombre suit le matin ;
Nul besoin d’implorer quelque lumière, ô France !
Les brumes du couchant scelleront le destin !
Onze septembre vingt-et-un
Expiation
Boirai-je donc toujours à cette coupe amère ?
« Oui ! » me redit la voix, « jusqu’en l’éternité !
Aux matins triomphants de ce si bel été ! » ;
Considère plutôt que j’ai perdu ma mère !
Vers Ithaque voguer, comme le dit Homère ?
Pareil à cet Ulysse en mal de sa cité,
Quand les âmes des morts plongent dans le Léthé ;
Voilà bien le destin d’une douce chimère !
D’un combat de Titans sortirons-nous vainqueurs ?
L’oriflamme plantée en la fierté des cœurs ;
Voir de nos propres yeux le Seigneur des armées !
Mais vous avez hélas des esprits sans soutiens,
Comme cet empereur aux troupes affamées :
Se défendre tout seul, il est dur, j’en conviens !
Quatorze octobre vingt-et-un
Le glèbe charnelle
Je dois dire aujourd’hui que la glèbe charnelle,
D’où sans cesse sortaient des milliers de sillons,
Sous l’attelage lourd de spectres en haillons,
Déroulait son ressac de façon solennelle !
Ce plissement sans fin comme une ritournelle,
Brisant l’unicité porteuse de bâillons,
Pareil à ce canon fendant les bataillons,
Conférait au tableau quelque touche éternelle !
Et voilà bien comment nos ancêtres sont morts,
La poitrine soumise à de vils corps à corps,
Se couchant sur la terre, auréolés de gloire !
Finis pour le soldat les heurts fastidieux ;
Lors que dans son linceul, ne sachant plus qui croire,
L’homme désemparé se tourne vers les dieux !
Vingt-cinq octobre vingt-et-un
Maintenant
Maintenant je vous dis de croire en l’espérance
Qui transporta le Fils jusqu’au Père éternel,
Celui qu’on vit monter vers la porte du Ciel,
À l’endroit où chaque homme abandonne l’errance !
Si parfois mon propos se vêt d’intempérance,
Si mon corps oublieux finit dans un tunnel
Et préfère le bruit au silence charnel,
C’est que tout, j’en conviens, respire l’ignorance !
Mais qu’importe le poids, il nous faut revenir
À cette âme d’enfant liée au souvenir,
Dont je pare mon vers quand la pensée abdique !
De nos grandes valeurs, je n’avais qu’un portrait,
Émanant d’un récit puissant et véridique,
L’image d’un Jésus qui tendrement pleurait !
Treize novembre vingt-et-un
Change !
Répondez-nous, amis ! Où voit-on la justice ?
Le moindre de nos maux, même né des amours
De tout ce qui fait l’homme à travers ses détours,
Semble nous indiquer quelque bonheur factice !
Il se peut toutefois que dans chaque interstice,
Parmi les rocs noircis où gît le bruit des jours,
Brille cette lumière au fond de nos parcours,
Quand notre âme souffrante ignore le solstice !
Tu n’y vois bientôt plus ? Change alors d’univers !
Pourquoi vouloir rêver avec les yeux ouverts ?
Mais quel noble destin affranchira ton âme ?
Si ton cœur tant de fois ne trouve pas de lieu,
Lorsque le crépuscule abandonne sa flamme,
Et bien l’espoir honni te redira l’adieu !
Vingt-deux novembre vingt-et-un
Face à l'éternité
Ne vous irritez pas, ô sombre crépuscule
Contre la race humaine aux liens si puissants,
Lorsque dans mon errance un désespoir je sens ;
Pour la mort à venir il n’est de particule !
Mon frère ne sais-tu que l’amour vrai recule ?
Que le tumulte croît en ces jours menaçants
Où le pouvoir s’en prend aux simples innocents,
Mais qui donc appeler quand le mal nous accule ?
L’un ne veut réagir, invoquant le destin,
L’autre feint de savoir le pourquoi du Festin,
Ce repas affligeant à la tristesse folle !
L’on ne peut, dans l’esprit, croire à la Vérité ;
Mieux la loi de la chair que ce Dieu qui console :
Malheureux que je suis face à l’éternité !
Vingt décembre vingt-et-un
Le voile
Alors que tu M’attends, n’osant franchir le Voile,
Toi dont la charité se transforme à son tour,
Quand les cruels ressacs viennent sous leur atour,
Diaboliques vaisseaux insoumis à la voile !
Devant le lieu très saint il n’existe de toile
Et le Rideau fendu sur l’Arche de l’Amour
Ne ferme plus l’accès à l’âme en son détour :
En regardant l’endroit on peut voir une étoile !
Frère ! Cet astre prie, en un autre univers,
Pour que le Dieu si doux aux yeux toujours ouverts
Éclaire par l’Esprit notre intime pensée !
Croyez en l’Eternel ! Rejoignez sa Maison !
Vous, sa création, pour un temps abaissée,
Car l’homme n’a besoin d’une douce prison !
Vingt-sept décembre vingt-et-un
Allégorie
Ô le Dieu d’Israël et sa cavalerie !
Considérez ce peuple avec la loi des Cieux
Comme l’expression d’un plan audacieux,
Ceux qui, privés d’Egypte, avaient trouvé Patrie !
Ce fut donc ici-bas, en une allégorie,
Qu’Amalek, Madian, aux propos spécieux,
Furent battus, jadis, face aux Juifs soucieux
De conquérir un lieu grâce à leur égérie !
Je lirai ces récits jusqu’en l’éternité,
À l’endroit où le Christ a bien sûr existé ;
Savez-vous que depuis ce doux bonheur persiste ?
Mais le Royaume élu se défit en morceaux,
Et l’éparpillement confirma ce sort triste,
Sauf qu’aux temps de la fin, il fait fi des assauts !
Trois janvier vingt-deux
La Nuit
Parmi la Nuit qui vient et l’ombre qui commence,
Je ne vois que prisons, tels des murs très anciens
Que l’on construit toujours, en bons tacticiens,
Quand l’homme notre frère endure un mal immense !
Ce labeur si confus, où l’erreur ensemence,
Dans un monde en péril, de pleurs béotiens,
Les propos d’un Eden que l’on ne fait pas siens,
Un trésor perverti par notre accoutumance !
Au milieu des discours le mensonge je sens !
Quelques refrains indus que l’on conçoit puissants,
Comme inspirés des dieux jusqu’au siècle où nous sommes !
Il est vrai que le faux donne un bruit bien charmeur :
Se peut-il que l’on ait bafoué tous les hommes ?
Et perturbé nos nuits d’une sombre clameur !
Sept février vingt-deux
Tant de fois !
Ne te détourne pas, bien qu’induit en ivresse,
De ce Sauveur propice, en ces moments d’effroi,
Où l’un parle d’amour et l’autre que pour soi,
Sans savoir que leur chant vers le chaos nous presse !
On a dit tant de fois : « Serons-nous en détresse ?
Quand ce lieu parcouru d’un pareil désarroi,
Quel que soit l’horizon ou le propos du roi,
Poursuivra son chemin sous la voûte traitresse ! »
Comment donc t’appeler ? Toi l’heure aux cris joyeux,
Fascinant paradis que l’on touche des yeux,
Sinon l’écho pervers d’une amertume immense !
Ô Seigneur Jésus-Christ ! Voici qu’il se fait tard !
Les peuples en haillons dont l’exil recommence
Subissent des puissants le terrible regard !
Quatorze février vingt-deux
Un destin ordinaire
Te voilà possesseur d’un destin ordinaire,
Toi dont le sort final se transforme en écueil,
Quand au ciel lumineux succède un vaste deuil,
Un jour de champs noircis où nul n’est dans son aire !
Vois donc le corps charnel que chaque être vénère,
Mais paré d’un dédain actif jusqu’au cercueil,
Tirant de ses propos un admirable orgueil
Qui détourne les gens du cri visionnaire !
Et si de l’ancien monde on se veut détaché,
Alors que le démon apparait bien couché,
N’aurons-nous pas souffert d’un mal que chacun traine ?
Pareil à ce tribun, seul prince du néant,
Comme tout bon César en la cruelle arène,
Tes vertus, puissant homme, ouvrent un trou béant !
Dix-huit février vingt-deux
Démence
L’homme désabusé lentement se détourne
Du précepte divin bientôt enseveli,
Sous des concepts naïfs où domine l’oubli,
Quand le Salut offert ne souffre de ristourne !
Car au siècle présent l’individu séjourne
Parmi des mots charmeurs, se croyant anobli,
Proclamant Bien et Mal en son cœur affaibli,
Sans comprendre jamais les propos qu’il enfourne !
Tu suis avec raison la démence des rois,
Tous ceux qui t’ont menti des centaines de fois,
Et dont la belle outrance amuse tant la foule !
À force de tout dire, on se fie aux clameurs
De peuples prisonniers d’un destin qui s’écroule,
Ne sachant pas toujours que penser des rumeurs !
Vingt-trois février vingt-deux
Labyrinthes
Il faut bien peu de temps pour qu’un lien paraisse,
Que ce soit cet amour comme un brasier parfois,
Le chant pur et sacré que l’on mêle à nos voix,
Ou bien le souvenir d’une ancienne détresse !
Alors dans une nuit qui ne se veut paresse
Palpite un sentiment venu des jours narquois,
Lorsque, l’esprit rieur, nous jouions dans les bois,
Préférant l’aventure à l’ennui qui nous presse !
Les amoureux d’hier ont sans doute raison,
De célébrer Eros durant chaque saison,
Mais qui doit endosser le fardeau de leurs craintes ?
Bien sûr l’indifférence amène au désespoir,
Et le sage se perd en de vils labyrinthes ;
Poète écris le Vrai car nul ne peut déchoir !
Vingt-sept février vingt-deux
Les brouillards subtils
Peux-tu me dire, ami, si dans l’heure lointaine,
Quand le monde verra naitre un autre univers
Et ce nouveau soleil émanant de nos vers,
On vivra cet Eden à la gloire certaine ?
Le bruit assourdissant de l’onde puritaine
Couvre en réalité tous les conflits ouverts,
Par des religieux s’exprimant de travers,
Dans des discours où Christ n’est pas le capitaine !
Mystiques de tous bords, vos âmes sans amour,
Sèment la déraison, faisant pâlir le jour,
Vous dont l’esprit confus ne produit l’étincelle !
Et l’ombre de grandir bien démesurément ;
En des brouillards subtils s’égare le fidèle,
Surtout préoccupé de son rayonnement !
Deux mars vingt-deux
Châtiments
N’entends-tu pas les bruits et les rumeurs de guerre ?
Ce chant incantatoire où se mêle au néant
Le souvenir trompeur qui se dresse en géant,
Loin des jeux innocents que je faisais naguère !
Le châtiment du deuil serait-il si vulgaire ?
Alors qu’on se détourne en un cri malséant
Du plaisir d’exister, par un orgueil béant,
Conférant aux humains le même ton grégaire !
Au nom de la grandeur, vous frappez dans la nuit
Et salissez l’azur en un moment détruit,
Quand le feu des obus sous les cieux se propage !
L’un se perd en fierté, renforçant l’arsenal,
Alors que l’autre pense :« Il faut tourner la page ! »,
Oubliant tous les deux leur destin terminal !
Quatre mars vingt-deux
Le Poète et le siècle
Je crois que le Poète éduque notre oreille ;
Ô Muse ! Abolis donc les propos desséchés
De ces jeteurs de sort sur eux-mêmes penchés !
Portés par les vapeurs du raisin de la treille !
Et s’il Lui faut subir une glose pareille,
Tous ces vers spécieux au démon arrachés,
Venant d’esprits sournois de ce siècle entichés,
Alors innocemment Sa grande âme appareille !
Puisque le peuple amer se nourrit d’inconnu,
Célébrant un abîme où l’on va triste et nu,
Pourquoi rêver encor de conquérir l’espace ?
Lecteur ! Extrais ainsi le pur du minerai,
Même si l’être humain veut juste un mieux qui passe
Préférant s’égarer dans un mensonge vrai !
Sept mars Vingt-deux
Apocalypses
Je supporte l’exil, fut-il sans espérance,
Sauf qu’on ne fléchira les genoux et c’est bien,
Devant ces combattants qui ne souhaitent rien,
Hormis nous asservir par la belligérance !
Or qui donc mettra fin à leur dernière outrance ?
Car l’homme enorgueilli se dresse en vaurien,
Et le peuple opprimé, tel un galérien,
S’insurge et disparait de sa patrie ! Ô France !
D’aucuns ont mis leur foi dans le Père éternel,
Celui dont le cœur saigne en ce conflit charnel,
Mais quand ouvrira-t-Il Ses mains encor fermées ?
Des êtres décadents se gavent d’absolu,
De propos belliqueux au milieu des fumées,
Opérant un chaos qu’ils n’ont jamais voulu !
Huit mars Vingt-deux